Depuis la loi de finances pour 2024, qui a exclu les activités de gestion de patrimoine du régime DUTREIL, les exploitants d'une activité de location meublée peuvent encore bénéficier du régime DUTREIL lorsque l'activité de location meublée peut être considérée comme une véritable entreprise et non comme une activité de gestion de patrimoine.

Je propose de définir dans quel cas l'activité de location meublée peut être considérée comme une véritable entreprise et donc éligible au régime DUTREIL.

Selon moi, il existe deux cas où la location meublée constitue une entreprise éligible au régime DUTREIL : lorsque les séjours sont de courte durée et lorsque les locations sont accompagnées de prestations significatives.

 

1) La loi de finances pour 2024

Dans la loi de finances pour 2024, le régime DUTREIL a été modifié et le texte de l'article 787 C du CGI prévoit expressément "l'exclusion de toute activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier".

L'exposé des motifs de l'amendement à l'origine de cette modification indique :

" En premier lieu, il apporte une réponse aux interrogations nées de l’absence d’indication légale quant au champ des activités commerciales éligibles, en précisant que ces activités s’entendent de celles définies aux articles 34 et 35 du CGI, à l’exception de toute activité de gestion de son propre patrimoine. Il s’agit ainsi d’éviter notamment que l’exonération ne bénéficie à des activités patrimoniales consistant en la location de locaux meublés ou d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation. En effet, contrairement aux décisions récentes de la Cour de cassation, du 1er juin et du 21 juin 2023 (Cass.com. n° 22-15.152 et n° 21-18.226), qui a retenu une interprétation des activités éligibles au dispositif intégrant des activités de gestion de son propre patrimoine, il n’est pas cohérent, au regard de l’objectif poursuivi par le dispositif Dutreil de pérenniser le tissu économique au moment de la transmission des entreprises par décès ou par donation, d’accorder l’exonération à la simple transmission d’un patrimoine privé mis en société. Cette disposition s’appliquent aux transmissions intervenues à compter du 17 octobre 2023."

L'exposé des motifs de la loi indique clairement que l'exclusion de la gestion de patrimoine vise notamment les "activités patrimoniales consistant à la location meublée" mais la loi ne prévoit pas expressément d'exclusion de la location meublée. 

L'exclusion ne concerne que les activités patrimoniales de sorte qu'il faut considérer selon moi que les activités de location meublée restent éligibles au régime DUTREIL, sous réserve qu'elles ne présentent pas un caractère patrimonial.

Il reste à définir la notion de gestion de patrimoine exclue du bénéfice du régime DUTREIL.

Avant cela il faut évoquer deux décisions du Conseil d'Etat particulièrement pertinentes.

 

2) Deux jurisprudences pertinentes

Sur le régime de l'apport-cession CE 19 avril 2022

L'article 18 de la loi 2012-1510 du 29 décembre 2012 a instauré un mécanisme de report d'imposition de plein droit des plus-values réalisées par les particuliers lors de l'apport de leurs titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés qu'ils contrôlent. Codifié à l'article 150-0 B ter du CGI, ce dispositif s'applique aux opérations d'apport réalisées depuis le 14 novembre 2012. rapide si la holding réinvestit le prix de vente dans un investissement professionnel.

Dès l'origine de ce texte, le législateur a expressément exclu le réinvestissement lorsque l'activité exercée était "la gestion d'un patrimoine immobilier" (art. 150- O B ter version en vigueur au 1er janvier 2013).

L'administration fiscale a commenté ce régime en considérant que l'activité de location meublée devait être considérée comme un exemple de gestion de son patrimoine immobilier, exclu du dispositif, alors même qu'elle serait bien de nature commerciale au sens fiscal :

"De même, ne sont pas éligibles au remploi les activités de gestion par la société de son propre patrimoine mobilier (notamment gestion de portefeuille de valeurs mobilières) ou immobilier (CGI, art. 150-0 B ter, I-2°-a), même lorsqu'elles présentent un caractère commercial, industriel, agricole, libéral, artisanal ou financier. Tel est notamment le cas des activités de location d'immeubles meublés ou équipés mentionnées aux 5° et 5° bis de l'article 35 du CGI qui bien qu'assimilées fiscalement à des activités commerciales constituent des activités de gestion de son propre patrimoine immobilier." (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20 n° 110)

Le fait que la location meublée soit nécessairement considérée comme une activité patrimoniale a été censuré par le Conseil d'Etat dans sa décision du 19 avril 2022 (n° 442946 : RJF 7/22 n° 668) :

"7. D'autre part, pour l'application des dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts, une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d'hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu'il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d'importants moyens matériels et humains.

8. Dès lors qu'il n'était pas soutenu devant elle que l'activité de location en meublé en cause aurait été assortie de prestations para-hôtelières ou aurait été exercée dans des conditions d'exploitation telles qu'elle aurait impliqué des charges de gestion conséquentes pour M. B..., la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'acquisition par ce dernier, en février 2014, d'un plateau à aménager à Saint-Etienne en vue d'une location en meublé ne pouvait être regardée comme un investissement économique."

Il résulte de cette décision que, pour le Conseil d'Etat, la location meublée peut être éligible au régime de l'apport-cession et constituer un investissement à caractère économique, si l'activité de location meublée consiste à fournir une prestation d'hébergement ou si elle implique d'importants moyens matériels et humains. 

A ce considérant de principe, le Conseil d'Etat rajoute un considérant propre à l'affaire mais qui, d'une certaine façon, énonce à nouveau le même principe avec d'autres mots en indiquant :

"Dès lors qu'il n'était pas soutenu devant elle que l'activité de location en meublé en cause aurait été assortie de prestations para-hôtelières ou aurait été exercée dans des conditions d'exploitation telles qu'elle aurait impliqué des charges de gestion conséquentes pour M. B (…)"

Sur la notion d'entreprise de location meublée CE 3 février 2023

Dans un arrêt du 3 février 2023 (CE 9e-10e ch. 3-2-2023 n° 451052 RJF 4/23 n° 322, concl. É. Bokdam-Tognetti), le Conseil d'Etat a jugé :

"Toutefois, la circonstance que les recettes issues de la location de locaux d’habitation meublés seraient inférieures aux seuils définis par ces dispositions n’est pas de nature à exclure l’exercice, par le loueur, d’une activité économique, et pas davantage, lorsque cette condition est applicable."

Dans cette affaire, le Conseil d'Etat a annulé un extrait d'une foire aux questions portant sur le régime de l'aide du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19.

Les services fiscaux prétendaient exclure les loueurs en meublé non professionnel au sens de l'article 155 du CGI du bénéfice de cette aide. L'administration prétendait que les exploitant LMNP n'étaient pas des entreprises éligibles. Le Conseil d'Etat a censuré cette position.

La rapporteuse publique, Émilie Bokdam-Tognetti, dans ses conclusions sous cette décision indique notamment :

"La catégorie des « loueurs en meublé non professionnels » au sens fiscal comprend en réalité toute une diversité de situations, y compris par exemple des personnes exerçant une activité économique de meublé de tourisme au sens du Code du tourisme qui ne sont exclues de la définition fiscale qu’à raison des revenus de leur conjoint, et c’est à tort que le ministre les a exclues en bloc du bénéfice du fonds par la FAQ attaquée."

Conclusion sur ces deux décisions

Il résulte de ces deux décisions que l'activité de location meublée peut être une véritable entreprise et non une activité de simple gestion d'un patrimoine immobilier.

L'arrêt du Conseil d'Etat du 19 avril 2022 prévoit deux cas où la location meublée est une entreprise : soit si c'est une prestation d'hébergement, soit si elle implique la mise en œuvre d'importants moyens matériels et humains.

Mais en cas de contentieux sur le régime DUTREIL, ce sera la Cour de Cassation qui aura le dernier mot puisque les litiges en matière de droits de succession relève des tribunaux judiciaires. Il n'est pas certain que la Cour de Cassation reprenne les deux cas possibles de location meublée éligibles mentionnés par le Conseil d'Etat dans la décision du 19 avril 2022. Selon moi, cette présentation en deux cas alternatifs est discutable.

Je propose donc de définir d'abord la notion de gestion de patrimoine, par opposition à celle d'entreprise, en évoquant ensuite le cas précis de la location meublée.

 

3) La définition de la gestion de son propre patrimoine 

La notion de gestion de patrimoine n'est pas définie dans la loi. 

Il pourrait être considéré que la gestion de patrimoine se définit comme toute activité économique non professionnelle.

Mais le mot "professionnel" est un mot particulièrement mal défini en matière fiscale. Il a un sens très variable selon le contexte. Par ailleurs, il pourrait être considéré dans certains cas que l'activité de gestion de patrimoine implique des moyens professionnels. Cela étant, dans le langage courant, les termes "entreprise" et "activité professionnelle" ont un sens très proche.

Je propose de définir la gestion de patrimoine comme toute activité économique qui n'est pas celle d'une entreprise et qui porte sur un patrimoine.

Il reste à définir l'entreprise.

Les indices pertinents définissant une entreprise

Je propose de lister différents indices définissant en général l'activité d'entreprise, par opposition à celle de gestion de patrimoine :

- le caractère commercial, agricole ou libéral au sens du droit privé,

- des moyens matériels et humains significatifs,

- le régime fiscal des revenus comme étant des revenus professionnels au sens de l'impôt sur le revenu,

- l'application de certains impôts plutôt réservés aux activités professionnelles comme la CFE et la TVA, 

- le régime social des revenus comme étant des revenus professionnels assujettis aux cotisations sociales des indépendants, 

- l'existence d'une réglementation spécifique,

- l'existence d'un marché, d'une concurrence la prise de risque économique.

Il convient d'appliquer ces indices à l'activité de location meublée pour vérifier si elle est éligible au régime du pacte DUTREIL.

Un indice à exclure : l'implication personnelle de l'exploitant et l'absence de sous-traitance

Il pourrait être envisagé de proposer l'implication personnelle de l'exploitant comme un l'indice d'une activité d'entreprise.

Même si l'existence de moyens matériels et humains est un indice d'une réelle activité, par opposition à la gestion passive d'un patrimoine, il n'y a pas de raison d'imposer que l'activité soit exercée par l'exploitant à titre personnel.

Si une entreprise est gérée par un tiers et non pas par son propriétaire, cela reste une entreprise. Inversement, la gestion d'un patrimoine peut nécessiter une forte implication personnelle.

De même, si l'entreprise donne lieu à un recours important à la sous-traitance, cela reste une entreprise.

Le caractère commercial de l'activité de location meublée au sens du droit privé

La nature juridique de la location meublée peut donner lieu à débat car il s'agit à la fois d'une location d'immeuble, de nature civile, et d'une location de meubles, de nature commerciale. 

Mais la prestation d'hébergement, comme toute prestation de service, est de nature commerciale. Donc si la location meublée est une prestation d'hébergement, elle présente un caractère commercial.

Il existe de très anciennes décisions de la Cour de cassation sur la question du caractère commercial ou civil de la location meublée. (Cass. civ. 15-2-1921 : Gaz. Pal. 1921. 1. 337 ; Cass. com. 5-12-1961 : D. 1962.88, Cass. civ. 30-4-1862, DP 1862. 1. 351.)

Il résulte de la décision précitée de 1862 et des commentaires sous celles de 1921, qu'il fallait à l'époque faire une distinction entre, d'une part, la location d'un logement dans sa résidence, qui est une activité civile, de l'activité de "logeur en garni" d'autre part, qui est une activité commerciale. 

A l'époque, le juge civil renvoie à la législation fiscale de la patente comme indice de distinction. Les logeurs soumis à la patente sont présumés être des commerçants et les autres exercent une activité civile. 

Or le code des patentes de 1858 distingue le "logeur", assujetti à la taxe, du loueur qui loue une partie de son logement, exonéré (voir en ce sens Laurent Vallée dans ses conclusions sous CE 24 mars n° 269716, 9e et 10e s.-s., min. c/ Denis : RJF 6/06 n° 718).

Le 8 février 2018 (2017-689 QPC), le Conseil Constitutionnel a abrogé la condition d'inscription obligatoire au RCS des loueurs en meublé professionnel (LMP), en considérant qu'il était anormal d'exiger une condition d'inscription au RCS à un exploitant exerçant une activité de location meublée. 

Mais, le Conseil Constitutionnel n'a pas prétendu que l'activité de location meublée était nécessairement toujours de nature civile, ce qui n'était pas de sa compétence, et ce qui était inutile à la motivation de sa décision.

La seule juridiction compétente pour se prononcer sur le caractère civil ou commercial d'une activité au sens du droit privé est la Cour de Cassation.

Dans une décision du 27 février 2020 (Chambre civile 3, 18-14.305  RJDA 05/20 -15/04/2020 ), la cour fait valoir : 

"Ayant constaté que la société [...] se livrait à une activité commerciale de location à la journée ou à la semaine d'appartements et de studios et retenu, appréciant souverainement la destination de l'immeuble, que le règlement de copropriété de la résidence des Pins réservait les bâtiments à l'usage exclusif d'habitation et que l'utilisation des locaux à titre professionnel était autorisée sous réserve que l'activité professionnelle ait été exercée dès l'origine, dans des locaux annexes à ceux servant à l'habitation du propriétaire, ce qui excluait que les appartements soient utilisés au titre d'une activité commerciale, la cour d'appel a pu en déduire qu'il devait être fait interdiction à la société [...] de louer ses lots privatifs ou de les faire occuper par sa clientèle, alors que celle-ci ne précise pas, concrètement, en quoi la mesure d'interdiction la priverait objectivement de la substance même de son droit de propriété sur ses lots."

Dans une décision du 25 janvier 2024, (n° 22-21.455) la Cour de Cassation valide la définition de la commercialité de la location meublée basée sur les critères des services parahôteliers. Selon cette définition, l'activité de location meublée serait de nature commerciale au sens du droit privé si elle est accompagnée de services parahôteliers significatifs.

"Ayant souverainement relevé que l'activité exercée par la société MSC dans l'immeuble n'était accompagnée d'aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d'un service para-hôtelier, la cour d'appel en a exactement déduit que cette activité n'était pas de nature commerciale.

Elle a ainsi, abstraction faite de motifs surabondants relatifs au régime fiscal applicable aux revenus dégagés par cette activité, légalement justifié sa décision."

Dans cette même décision, la Cour de Cassation refuse toutefois de prendre en compte le régime fiscal de la location meublée et plus précisément le renvoi au régime de TVA de l'article 261 D du CGI. Il importe peu de savoir si les services hôteliers sont d'une nature telle que prévue par le régime TVA de la parahôtelier. 

Il suffit qu'il y ait des services parahôteliers significatifs pour que l'activité soit de nature commerciale. 

En l'absence de services significatifs, la Cour d'Appel pouvait souverainement considérer que l'activité était de nature civile, alors même que l'activité pouvait quand même peut-être être considérée comme une activité parahôtelière au sens de la TVA, en présence de services optionnels.

Mais, selon moi, les deux décisions précitées portant sur la définition des activités commerciales contraires à l'usage bourgeois d'un immeuble à usage d'habitation ne peuvent pas être citées comme des décisions de principe sur le caractère commercial de l'activité de location meublée. 

Il s'agit à chaque fois de décision d'espèce et où les juges du fond sont souverains. De plus, elles doivent s'interpréter selon le contexte, c’est-à-dire celui des contraintes de la copropriété.

En droit de la copropriété, la notion de commercialité doit être relativisée car la nature commerciale au sens du droit privé n'est pas l'enjeu véritable de ce type de litige. L'enjeu est de savoir si l'activité est susceptible de porter atteinte à la tranquillité des autres propriétaires. Selon moi, seules peuvent être interdites les activités commerciales pouvant porter atteinte à la tranquillité des autres propriétaires.

Les moyens en personnels et en matériel

L'activité d'hébergement de courte durée implique au minimum un service d'accueil, sans compter les services complémentaires souvent fournis.

La location meublée commerciale de courte durée comme de longue durée requiert généralement des implications nettement plus fortes que celles de la location longue durée. Il faut en effet fournir des meubles, notamment électroménagers, les réparer ou les remplacer en cas de panne.

Les locaux doivent être impérativement en bon état, ce qui implique des interventions fréquentes.

Même en location meublée longue durée, les changements de locataire sont plus fréquents qu'en location nue, ce qui implique là encore des interventions plus importantes.

Enfin, si la location meublée longue durée s'accompagne de services parahôteliers significatifs comme le ménage régulier des locaux et le changement de linge de maison, cela suppose des moyens d'exploitation importants.

Le régime fiscal des revenus de location meublée et de parahôtellerie

Les revenus de location meublée et de parahôtellerie relève du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) au sens de l'article 34, c’est-à-dire parce qu'ils sont considérés comme des revenus commerciaux au sens du droit fiscal.

S'agissant de la location meublée exercée à titre habituel, elle relève bien des BIC en application de l'article 34, sans même avoir à faire référence à l'article 35 qui le prévoit expressément.

Dans sa décision du 29 septembre 2023 (CE 8e-3e ch. 29-9-2023 n° 473972 : RJF 12/23 n° 947, concl. K. Ciavaldini), le Conseil d'Etat a pris position notamment pour considérer que l'activité de location meublée exercée à titre habituel relève des BIC.

"D’une part, le fait de donner habituellement en location des locaux d’habitation garnis de meubles ne saurait être systématiquement regardé, pour l’application de la loi fiscale, comme une activité civile dépourvue de caractère commercial."

Le sens de cette position se comprend en consultant les conclusions de la rapporteuses publique, Mme Karin Ciavaldini :

"Mais, comme l’ont déjà souligné plusieurs de nos prédécesseurs au pupitre, l’autonomie du droit fiscal s’illustre ici de manière éclatante, car, depuis la création de l’impôt sur le revenu, votre jurisprudence regarde l’activité de location d’immeubles meublés comme une activité commerciale au sens de l’article 34 du CGI lorsqu’elle est exercée de manière habituelle (CE 29-12-1923, Sieur X(8) ; CE 10-7-1925 no 84803(9) ; CE 12-11-1926(10) ; CE 5-11-1980 no 18274(11) ; CE 10-7-1985 no 40789(12) ; CE 9-5-1990 no 87503(13))." 

Il pourrait être considéré que tous les activités générant des revenus professionnels au sens d'une des quatre catégories relevant de cette définition en matière d'impôt sur le revenu soit les BIC, BNC, BA et Traitements et Salaires sont des activités professionnelles exclusives de la gestion de patrimoine. 

Cette position est excessive car la logique de l'impôt sur le revenu est particulière et il faut reconnaître qu'il existe des activités de location meublée exercée à titre habituel qui relève de la gestion de patrimoine.

Il n'en demeure pas moins que la qualification de BIC reste un indice fort de rattachement de l'activité à la notion d'entreprise.

La Cour de Cassation prend d'ailleurs parfois en compte le mode d'imposition des revenus pour juger que l'activité présente un caractère patrimonial ou un caractère professionnel.

Deux décisions peuvent être citées et portant sur l'ancien régime d'exonération des biens professionnels en matière d'ISF.

"Mais attendu que l'article 885 N du CGI, portant définition des biens professionnels, concerne les seules professions industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ; que le tribunal a relevé que M. Feingold n'était pas inscrit au registre du commerce et déclarait les revenus tirés de la location d'emplacements de voitures au titre de ses revenus fonciers et non des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'ayant, en l'état de ces constatations, considéré que M. Feingold exerçait « une activité purement civile de gestion d'un patrimoine privé », le tribunal, sans méconnaître la doctrine administrative relative à la location de fonds de commerce et d'industrie, a exactement décidé qu'il ne pouvait se prévaloir du texte invoqué ; " (Cass. com. 18-12-1990 n° 1546 P, Feingold : RJF 2/91 n° 229).

"Mais attendu qu'il résulte de l'article 885 N du CGI que seuls les biens nécessaires à l'exercice d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels ; que l'arrêt relève que M. Deboise donnait en location des locaux nus sans aucune prestation de service, ce dont il résultait que l'emploi permanent d'un personnel salarié chargé de surveiller les lieux et de procéder à la location des places de stationnement, se rapportant à des services inhérents à l'activité considérée, n'était pas de nature à lui conférer un caractère commercial, qu'il déclarait les revenus tirés de la location de ces emplacements au titre de ses revenus fonciers et non de bénéfices industriels et commerciaux, qu'il n'était pas inscrit au registre du commerce et des sociétés et que les autres arguments relatifs au caractère exclusif de cette activité et à l'importance des revenus locatifs y afférents par rapport à ses autres revenus étaient sans pertinence au regard de l'article 885 N du CGI ; qu'ayant, en l'état de ces constatations, considéré que l'activité de M. Deboise constituait la gestion d'un patrimoine privé, la cour d'appel, (..), a décidé à bon droit que M. Deboise ne pouvait se prévaloir de l'article 885 N du CGI ;" (Cass. com. 18-2-2004 n° 368 FP, Deboise : RJF 6/04 n° 663)

L'existence des services et l'assujettissement à la TVA

La location meublée est assujettie à la TVA lorsqu'il s'agit de parahôtellerie, du moins au sens de l'article 261 D du CGI.

En fait, toute activité de location meublée touristique devrait être assujettie à la TVA, même si tous les services visés à l'article 261 D du CGI ne sont pas fournis car le vrai critère d'assujettissement à la TVA devrait être celui de la concurrence avec le secteur hôtelier. Or les meublés de tourisme et les établissements de chambre d'hôtes font concurrence au secteur hôtelier. 

Même si le service d'hébergement fourni n'est pas identique, il est similaire au sens de l'article 135, 1-l et 2-a de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 qui prévoit la taxation : "des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire."

Mais l'Etat français n'hésite pas à prendre des libertés avec le droit européen et le Conseil d'Etat a reconnu que la définition légale de la parahôtellerie au sens de la TVA est trop restrictive par rapport à la notion européenne d'activité faisant concurrence aux hôtels (CE avis 5-7-2023 n° 471877 : RJF 10/23 n° 709).

Ainsi, même sans remplir parfaitement les critères légaux, les activités parahôtelières de courte durée sont assujetties à la TVA.

La parahôtellerie de longue durée est aussi assujettie à la TAV si elle remplit les critères légaux des 3 services parahôteliers sur 4.

Le régime de la contribution foncière des entreprises

l'activité de location meublée est considérée comme devant être assujettie à la Contribution Foncière des Entreprises (CFE). 

Cet assujettissement résulte directement de la loi (art. 1447 du CGI) qui précise :

"La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. Pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées exercées à titre professionnel".

Cet assujettissement reprend les principes énoncés en matière de taxe professionnelle et, avant encore, en matière de patente (CE 24 mars n° 269716, 9e et 10e s.-s., min. c/ Denis : RJF 6/06 n° 718). La location meublée présente un caractère professionnel dans certains cas :

"Les locations de locaux d'habitation meublés par nature constitutives de l'exercice habituel d'une activité professionnelle au sens de l'article 1447 du CGI (…) s'entendent de celles qui consistent, de la part du propriétaire ou du locataire principal de tels locaux, à fournir à des preneurs, locataires ou sous-locataires, une prestation d'hébergement ; qu'en revanche, ne constitue pas l'exercice d'une activité professionnelle, impliquant la mise en œuvre de moyens matériels ou intellectuels, (…)".

Dans cette décision, il est invoqué les critères de la prestation d'hébergement et celui des moyens matériels et intellectuels.

Le régime social des revenus comme étant des revenus professionnels assujettis aux cotisations sociales des indépendants

Les loueurs en meublés sont assujettis au régime social des professionnels indépendants sous réserve d'avoir des recettes supérieures à 23 K€ et d'exercer une activité de court séjour ou une activité qui a la qualification fiscale de LMP au sens de l'article 155 du CGI (art. L 611-1 6° du code de la sécurité sociale).

Par ailleurs les exploitants de chambre d'hôtes sont assujettis s'ils dépassent un certain niveau de revenu. (art. L 611-1 5° du code de la sécurité sociale)

Enfin, selon moi, toute activité de nature commerciale de location meublée, non visée par le texte précité, est nécessairement assujettie aux cotisations sociales des travailleurs indépendants, compte tenu de ce caractère commercial.

Ainsi, l'activité parahôtelière de longue durée doit être considérée comme une activité assujettie aux cotisations sociales des travailleurs indépendants.

L'existence d'une réglementation spécifique

Le code du tourisme réglemente les activités de meublé touristique, en les classant principalement dans la catégorie des meublés de tourisme, avec principalement une obligation de déclaration 

Ces activités peuvent être réglementées ou interdites dans certaines communes.

L'existence d'un marché et d'une concurrence

Aussi bien l'activité de meublé de tourisme que l'activité de parahôtellerie longue durée s'exerce sur un marché avec une concurrence bien développée. Ce sont des activités qui présentent souvent des risques économiques. Le chiffre d'affaires peut se réduire significativement d'une année sur l'autre.

 

Conclusion

La location meublée est une entreprise si elle fournit une prestation d'hébergement dépassant le cadre d'une simple location d'un logement avec des meubles.

En effet, dans ce cas, l'activité présente les indices caractéristiques de l'existence d'une entreprise.

C'est une activité de nature commerciale au sens du droit privé, elle utilise des moyens significatifs, elle intervient dans un secteur concurrentiel, l’exploitant est assujetti aux cotisations sociales des travailleurs indépendants, elle relève des impôts commerciaux (BIC, TVA et CFE), elle est souvent réglementée.

En conséquence les activités de meublé touristique et les activités de parahôtellerie longue durée sont éligibles au régime DUTREIL réservé aux entreprises.