Lorsqu’un aspect international existe dans un couple (nationalité étrangère, résidence à l’étranger), il est désormais possible et recommandé d’anticiper certains points dans l’éventualité d’une séparation dans le cadre d’un contrat de mariage. En effet, sans s’assimiler au prenuptial agreement anglo-saxon, il existe un certain nombre d’instruments internationaux qui permettent de prévoir la loi applicable au divorce, aux obligations alimentaires ou au régime matrimonial dans le cadre d’un contrat de mariage. L’idée de signer un tel document est d’assurer sa reconnaissance aussi bien en France, que dans les autre Etats où les époux sont susceptibles de s’établir un jour, ce qui suppose le respect de certaines exigences juridiques.

I – Traditionnelle opposition entre le contrat de mariage et le prenuptial agreement anglo-saxon

De manière générale, les contrats de mariage français et le prenuptial agreement anglo-saxon présentent des similitudes mais également d’importantes différences. Si dans le cas du contrat de mariage, il s’agit surtout d’opter pour un régime matrimonial, le prenuptial agreement offre davantage de perspectives.

Le contrat de mariage français. En effet, le contrat de mariage français est la convention conclue entre deux époux avant le mariage qui détermine l’organisation patrimoniale de la vie conjugale et met ainsi en place le régime matrimonial applicable aux époux c’est-à-dire l’ensemble des règles de droit, d’origine légale ou conventionnelle, qui organise, d’un point de vue patrimonial, la vie conjugale. La liberté des époux est encadrée par d’importantes limites d’ordre public. Ainsi les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle ([1]).

Or, bien souvent ce contrat n’est pas adapté aux couples qui présentent des éléments d’extranéité, ce qui peut avoir des effets désastreux quand les époux déménagent pendant la vie commune, pensent être soumis à un régime matrimonial alors qu’il n’en est rien ; ou alors se séparent en pensant être soumis au droit français pour leur séparation et ses conséquences alors qu’en réalité, c’est le droit d’un Etat différent qui s’applique.

Prenuptial agreement. Le prenuptial agreement désigne tout instrument juridique signé avant le mariage ayant pour objet de prévoir le sort des biens des époux en cas de divorce et dans certains cas les sommes pouvant être allouées au titre des obligations alimentaires entre époux. Il s’agit donc de protéger les biens des époux et d’anticiper la répartition des biens en cas de séparation. Il est ainsi possible de prévoir de manière précise, avant même le mariage, les conséquences financières d’un éventuel divorce.

Deux instruments différents mais qui tendent à se rapprocher. La distinction entre ces deux instruments est renforcée par le fait que certains Etats, comme le Royaume-Uni, ne connaissent pas la notion de régime matrimonial. Ainsi, dans ce cas, le prenuptial agreement est assez éloigné du traditionnel contrat de mariage français.

Cependant, il est désormais possible, dans un contexte international, d’insérer des clauses particulières dans un contrat de mariage français, de manière à anticiper les conséquences d’une éventuelle séparation. L’idée est d’offrir aux époux une plus grande prévisibilité et sécurité sur les conséquences d’une éventuelle séparation, sans tomber dans les excès qui peuvent exister dans les prenuptial agreement anglo saxons (cf. infra.). Il est donc recommandé aux futurs époux dont le couple présente des éléments d’extranéité ou qui ont un projet d’expatriation de se faire conseiller par les praticiens du droit de la famille sur les différentes possibilités qu’ils peuvent avoir en termes de contrat de mariage.

II – Le champ des possibles

Les règlements européens et conventions internationales offrent de nouveaux horizons aux époux par le biais du choix de loi applicable et de la clause d’élection de for. Ces mécanismes  leur permettent désormais d’anticiper et de contractualiser dans une certaine mesure leur séparation et ses conséquences.

Il est important de souligner que pour chaque aspect de la séparation (prononcé du divorce, obligations alimentaires entre époux, régime matrimonial), il peut y avoir une loi applicable et un juge différent. On parle ainsi de dépeçage. C’est la raison pour laquelle, il est préférable de prévoir en amont la loi applicable à chacun de ces aspects du divorce et le juge qui tranchera ce point, dans la mesure du possible. En revanche, on ne peut prévoir ce genre de clause s’agissant de la résidence des enfants ou des obligations alimentaires les concernant, les instruments européens et internationaux ne le permettant pour le moment pas.

Le cabinet de Maître HAMOU vous conseille afin d’effectuer les meilleurs choix pour sécuriser votre situation patrimoniale dans le cadre d’un contrat de mariage.

Loi applicable au régime matrimonial. Assez naturellement, la première question évoquée dans le cadre de la conclusion du contrat de mariage dans un contexte international doit être celle de la loi applicable au régime matrimonial des époux. La Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, applicable à tous les époux mariés après le 1er septembre 1992, prévoit à son article 3 la possibilité pour les époux de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial.

Par le biais du choix de loi applicable au régime matrimonial, les époux peuvent ainsi opter pour un régime plus intéressant pour eux et parfois inconnu du droit français. Cela est sécurisant pour eux dans la mesure où à défaut de choix effectué par les époux, c’est la loi de la première résidence habituelle des époux qui s’appliquera ([2]). Or, bien souvent, il est impossible de connaître avec exactitude, au jour du mariage, quelle sera la première résidence habituelle des époux et donc leur régime matrimonial. Cette incertitude les expose de fait à une grande insécurité patrimoniale. Il sera donc possible pour les époux de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial et par conséquent leur régime matrimonial, sans être assujettis aux aléas de la désignation de leur résidence habituelle ([3]).

Il est important de souligner que cette loi ne s’appliquera qu’à la désignation du régime matrimoniale et non aux conséquences financières d’un divorce.

Loi applicable au divorce. Le Règlement (UE) n°1259 / 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps dit « Rome III », permet aux époux, en application de son article 5, de choisir la loi applicable à leur divorce.

Précisons à nouveau que le domaine de la loi applicable au divorce est assez restreint et n’englobe pas les conséquences financières du divorce ([4]).

En revanche, à ce jour, il n’est pas possible de prévoir dans un contrat de mariage le juge qui sera compétent pour statuer sur le divorce.

Election de for pour statuer sur les obligations alimentaires. Contrairement au prononcé du divorce, il est possible de choisir la juridiction qui statuera sur les obligations alimentaires c’est-à-dire devoir de secours et prestation compensatoire à l’exclusion des mesures financières concernant les enfants. Ce point est donc fondamental puisque l’enjeu de la séparation repose bien souvent sur les conséquences financières qui en découleront. En effet le Règlement (CE) n°4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires permet aux époux, en application de son article 4, de choisir la juridiction compétente pour régler les différends en matière d’obligations alimentaires.

L’intérêt de l’élection de for peut être de garantir l’accès à un juge devant lequel le créancier pourra obtenir des aliments du débiteur : par exemple, parce qu’il reconnaît la validité d’un mariage entre personnes de même sexe. À l’inverse, l’intérêt de l’élection de for peut être de restreindre l’accès à un juge devant lequel le créancier ne pourra pas obtenir des aliments du débiteur : par exemple, parce qu’il reconnaît la validité d’une clause de renonciation anticipée à des aliments post-divorce ([5]).

Loi applicable aux obligations alimentaires.  Le Protocole de la Haye sur la loi applicable aux obligations alimentaires du 23 novembre 2007 permet aux époux, en application de son article 8, de choisir la loi applicable aux obligations alimentaires entre époux uniquement.

En choisissant la loi applicable aux obligations alimentaires, il devient alors possible de choisir une loi étrangère qui permet de fixer en avance le montant des obligations alimentaires entre époux à condition que l’accord trouvé est raisonnable et équilibré. Rappelons que cela étant impossible en application de la loi française. Cette possibilité est donc très intéressante pour les époux fortunés qui veulent planifier à l’avance les conséquences financières d’une éventuelle séparation ; et tend à rapprocher le contrat de mariage du prenuptial agreement, étant précisé qu’il existe tout de même des gardes fous.

Les instruments européens et internationaux permettent donc de contractualiser de plus en plus la séparation et ses conséquences. Pour autant, il existe toujours des limites inhérentes au droit français qui viennent encadrer cette liberté laissée aux époux et notamment s’agissant de la loi applicable aux obligations alimentaires (indisponibilité des droits, réserve de l’ordre public international).

III – Efficacité et choix de lieu de réalisation du contrat

Une fois les différentes clauses possibles examinées et les limites exposées, se pose alors la question du choix du lieu de réalisation du contrat, surtout lorsque le couple présente des liens importants avec différents Etats. Ce choix est alors guidé par la poursuite de la plus grande efficacité possible dans l’exécution future du contrat et est fondé sur des critères tels que le lieu de résidence, les nationalités respectives, le lieu de localisation du patrimoine. Ainsi, si les liens de rattachements avec la France par exemple sont plus étroits, il est recommandé de rédiger le contrat en France, dans la mesure où il y aura plus de chance qu’une éventuelle séparation se déroule en France. Dans cette hypothèse, Maître HAMOU peut vous assister dans la rédaction de votre contrat de mariage présentant des éléments internationaux.

En revanche, il ne faut en aucun cas rédiger plusieurs contrats (un dans chaque état), le risque étant de remettre en cause la validité de l’ensemble des contrats.

Afin d’assurer que le contrat de mariage français ait des chances d’être à tout le moins pris en compte devant le plus grand nombre de juridictions, il est conseillé de respecter les conditions qui président à l’élaboration d’un prenuptial agreement, les plus classiques étant les suivantes :

  • Chaque époux doit être assisté de son propre avocat afin d’être pleinement informé sur les conséquences du ou des choix faits. Il s’agit de l’exigence d’independance advice.
  • Le contrat doit inclure une présentation détaillée du patrimoine respectif des parties et de leurs revenus. Il s’agit du financial disclosure. Généralement, cette présentation est annexée au contrat de mariage.

Ces deux clauses sont fondamentales pour assurer l’efficacité d’un prenuptial agreement dans de nombreux Etats ou d’un contrat de mariage français dans ces Etats. Il est également recommandé pour favoriser la reconnaissance d’un contrat de mariage de s’assurer de la bonne compréhension du contrat par les deux époux, parfois au besoin d’une traduction assermentée. De plus, devant certaines juridictions, comme les juridictions anglaises par exemple, il faut démontrer que le contrat a été conclu suffisamment tôt avant le mariage afin de vérifier qu’aucun des époux n’a exercé de pression sur l’autre. Il est donc fortement recommandé de suivre ces conditions et de se renseigner sur les conditions qui pourraient exister dans d’autres Etats où le contrat pourrait potentiellement trouver à s’appliquer afin d’en accroitre voire d’en garantir l’efficacité.

Se pose également la question de la reconnaissance en France d’un contrat étranger. Interrogé sur la question, le praticien français doit rappeler que la jurisprudence française n’a pas encore tranché quant au sort en France du prenuptial agreement qui prévoit les conséquences financières du divorce, si ce n’est pour déclarer contraire à l’ordre public ceux qui prévoient la renonciation pure et simple à une prestation compensatoire quand bien même la loi choisie pour régir les obligations alimentaires le permettrait. Il semblerait cependant que si l’accord pris par les époux est équilibré et respectueux des droits de chacun, les juges français acceptent de l’appliquer.

Conclusion. Les instruments européens et internationaux récents offrent aux couples internationaux un éventail de possibilités quant à la planification et l’organisation d’une éventuelle séparation. Ces perspectives sont extrêmement intéressantes pour de tels couples puisqu’elles leur permettent de réduire un certain nombre d’aléas liés à la séparation dans un contexte international.

N’hésitez pas à contacter Maître HAMOU pour recevoir un conseil quant à la possibilité de dresser un contrat de mariage dès lors que votre mariage présente un élément international (nationalité étrangère ou lieu de résidence). Elle pourra ensuite vous accompagner tout au long de l’élaboration du contrat et jusqu’à sa signature.

[1] C. civ., art. 1388

[2] Article 4 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978

[3] S. HAMOU « La notion de résidence habituelle en droit international privé de la famille » Gaz. Pal. 4 oct. 2015, p 11

[4] M-L. NIBOYET, G. de GEOUFFRE de la PRADELLE – 4è édition, n°62

[5] Civ. 1re, 8 juill. 2015, no 14-17.880, Bull. civ. I, / JCP 2015. 1024, note Fongaro; JCP 2015. 982, no 6, obs. Bosse-Platière et Farge; AJ fam. 2015. 492, obs. Boiché  ; JCP N 2015, , obs. Devers.

[6] prot. La Haye, 23 nov. 2007, art. 8, § 4

[7] Pour une illustration récente : Cass. CIv. 1ère, 27 janvier 2016 N° 15-12.460

[8] J. Pélissier, Les obligations alimentaires, préf. R. Nerson, 1961 ; S. David, La prestation compensatoire, Th. Dact. Paris XII, 2001, spéc. N°357

[9] Cass. Civ. 1ère, 11 mars 2009, n°08-13.431

[10] Cass. Civ. 2ème, 21 mars 1988, n°86-16.598, Bull. CIv. II, n°74 / Civ. 2ème, 10 mai 1991, n°90-11.008, Bull. Civ. II, n°110 / Civ.1ère, 3 févr. 2004, n°01-17.094 / Civ. 1ère, 8 févr. 2005, n°03-17.923

[11] En ce sens : CA Paris, 17 déc. 1985, D. 1987, somm. p. 46, obs. A. Benabent / Cass. CIv. 1ère, 17 déc. 1996, Bull. civ. I, n°450

[12] CA Paris, 11 juillet 1991 – Jurisdata : 023298 et 023257

[13] Cass. Civ. 2ème, 20 juin 2002, n°99-15.135Bull. civ. II, n°138

[14] Cass. Civ. 1ère, 16 juil. 1992, D. 1993, Jur. p. 476 / CA Aix, 10 mai 1998, JDI 1999, p.136

[15] prot. La Haye, 23 nov. 2007, art. 8, § 5

[16] CASS., 1RE CIV.,  8 juillet 2015, n°14-17.880

[17] cass. Civ. 1ère, 28 nov. 2006 n°04-11.520

[18] cass. civ. 1ère, 4 nov. 2009, n°08-20.355

[19] AJ famille, juin 2013, p. 376, note D. Eskenazi

[20] W. HEALING, « Aspects pratiques des contrats de mariage internationaux – l’expérience anglaise », Droit de la famille juin 2015, p. 14

[21] Radmacher c/ Granatino (2009) EWCA Civ 649 (2010) UKSC 42