Demande de démolition d'une construction édifiée en vertu d'un permis de construire non annulé

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 23-15.213
  • ECLI:FR:CCASS:2025:C300179
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 03 avril 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 02 mars 2023

Président

Mme Teiller (président)

Avocat(s)

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VL6



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 179 F-D

Pourvoi n° M 23-15.213




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025


M. [C] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-15.213 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [R],

2°/ à Mme [B] [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,


la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux , 2 mars 2023), M. [U], se plaignant de la construction d'un chalet en bois en limite de propriété par les propriétaires de la parcelle voisine, M. [R] et Mme [Z], les a assignés en démolition et indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et sur le troisième moyen

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de démolition sous astreinte du chalet et en réparation de son préjudice de jouissance, alors « qu'il appartient au juge judiciaire, saisi d'une action en démolition d'un immeuble dont l'édification a fait l'objet d'un permis de construire n'ayant pas été annulé pour excès de pouvoir, de se prononcer, lorsque cette action est fondée sur la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, sur la conformité des travaux réalisés au permis de construire ; qu'en rejetant la demande de démolition formée par M. [U] sur le fondement de la méconnaissance des règles d'urbanisme sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les travaux n'avaient pas été réalisés en violation du permis de construire délivré le 7 juillet 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 du code civil et L. 480-13 du code de l'urbanisme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme :

4. Selon ce texte, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

5. Il est jugé qu'il appartient au juge judiciaire, auquel il est demandé de prononcer la démolition d'une construction édifiée en vertu d'un permis de construire qui n'a pas été annulé, de rechercher, lorsque l'action est fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, si la construction est conforme aux prescriptions du permis (3e Civ., 20 juillet 1994, pourvoi n° 92-21.801, publié ; 1re Civ., 14 avril 2016, pourvoi n° 15-13.194, publié).

6. Pour rejeter la demande de démolition du chalet, l'arrêt retient qu'en l'absence de toute décision d'une juridiction administrative, seule la violation de règles de droit privé est susceptible de fonder la demande en démolition devant le juge judiciaire.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la construction en cause avait été édifiée conformément aux prescriptions du permis de construire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. [R] et Mme [Z] à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance résultant de la présence de l'ouvrage en limite de propriété, de l'arrachage de végétaux sur son terrain et de la dégradation d'un grillage et d'un poteau, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté M. [U] de sa demande visant à ordonner sous astreinte la démolition du chalet de bois implanté en limite de propriété par M. [R] et Mme [Z] entraînera la cassation du chef de dispositif ayant infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné in solidum M. [R] et Mme [V] à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice, la cour d'appel s'étant bornée à retenir que « ne subissant dès lors aucun préjudice résultant de la présence de l'ouvrage en bois compte tenu des observations figurant ci-dessus, [M. [U]] ne saurait obtenir des dommages et intérêts à ce titre. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :


9. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

10. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande de démolition du chalet en bois entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant infirmé le jugement en ce qu'il a condamné Mme [Z] et M. [R] à payer la somme de 5 000 euros à M. [U] en réparation de son préjudice de jouissance.

Portée et conséquences de la cassation

11. Les cassations prononcées sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche, n'entraînent pas la cassation des chefs de dispositif ayant rejeté les demandes de réparation des préjudices résultant de l'arrachage de végétaux sur le terrain de M. [U] et de la dégradation d'un grillage et d'un poteau qui, justifiés par des motifs non remis en cause, ne sont pas dans un lien de dépendance nécessaire avec les chefs de dispositif cassés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- confirme le jugement en ce qu'il rejette la demande visant à ordonner la démolition de la construction de M. [R] et Mme [Z],
- infirme le jugement en ce qu'il condamne in solidum M.[R] et Mme [Z] à payer à M. [U] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance résultant de la présence de la construction,
- et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
l'arrêt rendu le 2 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. [R] et Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [R] et Mme [Z] à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300179

Publié par ALBERT CASTON à 12:19  

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