Un avocat peut-il refuser un client sans se justifier ?
La question est fréquente en pratique pour les avocats en France : un avocat peut-il refuser un client sans motif explicite, sans explication écrite, sans justification détaillée ? La réponse, en droit français, est nuancée. L’avocat libéral indépendant dispose d’une liberté de choix de ses clients, mais cette liberté n’est ni absolue ni discrétionnaire. Elle est strictement encadrée par des règles déontologiques, le principe de non-discrimination, et des obligations légales, notamment en matière de conflits d’intérêts et de LCB-FT (Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrrorisme). Cet équilibre est essentiel pour la sécurité juridique de la profession d’avocat en France.
1. Le principe : la liberté de choix de l’avocat en France (2025)
L’avocat en France est un professionnel libéral indépendant. À ce titre, il n’est pas tenu d’accepter toutes les demandes qui lui sont adressées. Le Règlement Intérieur National (RIN), consolidé et mis à jour par le Conseil National des Barreaux (CNB), consacre implicitement ce principe : l’avocat est libre d’accepter ou de refuser une mission, tant que ce refus ne porte pas atteinte aux principes essentiels de la profession.
En pratique, un avocat peut refuser un client pour :
- Manque de compétence spécifique (ex. : droit fiscal, droit pénal, droit des affaires) ;
- Indisponibilité (charge de travail, agenda saturé) ;
- Préservation de son indépendance (risque de pression, conflit d’intérêts latent) ;
- Risque déontologique ou réputationnel (dossier médiatisé, client controversé) ;
- Stratégie professionnelle (spécialisation, orientation du cabinet).
Ce principe est largement admis par la jurisprudence disciplinaire française 2024-2025 et par les décisions du CNB.
2. Le refus sans justification : possible, mais encadré par la déontologie et la loi
En principe, l’avocat n’a pas l’obligation de motiver son refus auprès du client potentiel . Il est donc juridiquement possible de refuser un client sans se justifier, à condition que ce refus ne soit ni abusif, ni discriminatoire, ni contraire aux principes essentiels de la profession d’avocat.
Cependant, cette absence de justification ne signifie pas absence de cadre juridique :
- Depuis 2025, la procédure disciplinaire simplifiée (créée par le décret n° 2025-77 du 29 janvier 2025) permet de sanctionner plus rapidement les manquements déontologiques, y compris les refus de client non justifiés mais jugés abusifs ou discriminatoires.
- Le CNB et les barreaux locaux (Paris, Créteil, Cahors, etc - l'un des 164 barreaux français.) peuvent engager une procédure disciplinaire même sans plainte formelle du client, si le refus semble contraire à l’éthique ou à la déontologie.
3. Les limites majeures : discrimination et égal accès au droit en France
Un avocat ne peut pas refuser un client pour un motif discriminatoire. Les refus prohibés incluent notamment ceux fondés sur :
- L’origine ;
- Le sexe ;
- La situation de famille ;
- La religion ;
- L’orientation sexuelle
- L’état de santé ;
- Les opinions politiques.
Un refus discriminatoire engage la responsabilité disciplinaire de l’avocat, voire sa responsabilité pénale et civile. Même sans justification écrite, le motif réel du refus peut être recherché et sanctionné par le bâtonnier, le CNB, ou les juridictions disciplinaires.
Exemple :
- Un avocat refusant un client en raison de son origine ou de sa religion pourra faire l’objet d’une sanction disciplinaire (rappel à l’ordre, blâme, suspension), avec publication de la décision (!) sur le site du barreau ou du CNB .
4. Le conflit d’intérêts : un refus obligatoire pour les avocats en France
Dans certaines situations, l’avocat n’a pas le choix : il doit refuser le client. C’est le cas en présence d’un conflit d’intérêts, réel ou potentiel. Le RIN 2025 (version consolidée) impose à l’avocat de refuser toute mission :
- Lorsqu’il existe un conflit avec un client actuel ou ancien ;
- Lorsqu’il détient une information confidentielle pouvant nuire à un tiers ;
- Lorsque son indépendance est compromise
Dans ces cas, le refus n’est pas une option, mais une obligation déontologique. L’avocat peut se contenter d’indiquer l’existence d’un conflit d’intérêts, sans en révéler la nature.
5. Le refus fondé sur les obligations LCB-FT
La LCB-FT impose aux avocats en France une vigilance renforcée. Lorsque le client refuse de communiquer :
- Son identité ;
- Ses bénéficiaires effectifs ;
- L’objet réel de l’opération,
alors l’avocat doit s’abstenir de nouer la relation d’affaires.
En 2025, le CNB a réaffirmé que la déclaration de soupçon reste une exception strictement encadrée, et que le secret professionnel est la règle. Le refus doit être fondé sur des éléments concrets et documentés, et non sur une simple suspicion.
6. Le cas particulier de l’avocat commis d’office en France
La liberté de refuser un client connaît une exception majeure : la commission d’office. Lorsqu’un avocat est désigné par le bâtonnier ou par une juridiction (Tribunal judiciaire, Cour d’appel), il ne peut refuser sa mission que pour un motif grave et légitime, tel qu’un conflit d’intérêts avéré ou une impossibilité réelle d’exercer la défense.
En 2025, la jurisprudence rappelle que le refus d’une commission d’office peut être sanctionné disciplinairement, surtout si l’avocat quitte l’audience sans motif valable.
7. Bonne pratique : refuser sans exposer, mais sécuriser sa décision
En pratique, il est recommandé aux avocats en France de :
- Refuser rapidement (par email ou courrier) ;
- Rester neutre dans la formulation ;
- Ne jamais invoquer un motif personnel ou subjectif ;
- Conserver une trace interne du motif réel du refus (note dans le dossier, email archivé), en cas de contestation ou de procédure disciplinaire simplifiée 2025.
Conclusion : Oui, mais sous conditions strictes en 2025
Oui, un avocat en France peut refuser un client sans se justifier en détail.
Mais cette liberté est strictement encadrée :
- Le refus ne doit jamais être discriminatoire, abusif ou contraire aux principes essentiels de la profession ;
- En cas de conflit d’intérêts ou de manquement aux obligations LCB-FT, le refus n’est pas seulement possible : il est obligatoire ;
- Depuis 2025, la procédure disciplinaire simplifiée et la publicité des sanctions renforcent la responsabilité des avocats dans leurs refusvillage-justice.com+2.
La liberté de choix du client est une composante de l’indépendance de l’avocat, mais elle suppose rigueur, prudence et traçabilité.
Justine Henry
CJH Avocat – Droit des affaires | Barreau du Val-de-Marne Le cabinet accompagne les dirigeants et entrepreneurs en droit des sociétés, cessions et acquisitions d’entreprises, cessions de fonds de commerce et procédures collectives en France.

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