LA RUPTURE ANORMALE DE CONTRATS D’AFFAIRES
Quelques pratiques restrictives de concurrence
Des solutions pour en compenser les effets
Les relations d’affaires se nouent, se développent et se rompent parfois avec tact parfois brutalement, parfois perfidement jusqu’à elles ne soient plus soutenables, faussant ainsi le jeu de la concurrence par des pratiques restrictives.
Le Code de commerce organise la réparation de certaines ruptures obtenues par un partenaire commercial par violation des règles de loyauté et de négociation qui structurent la vie des affaires, même si certains semblent ignorer leur existence.
Ces principes de loyauté doivent être présents à tous les stades de la relation d’affaires : au stade des pourparlers et avant-contrats, au stade de l’exécution du contrat, lorsque le contrat est rompu.
La loi commerciale ne fait que remplir son rôle de protecteur des excès anormaux dans la relation commerciale, rappelant que n’existe aucun espace d’impunité.
Nous constatons tous la dégradation des conditions d’exercice du commerce.
Aussi cet article vise à identifier quelques manœuvres pour avertir du risque et tend à proposer quelques outils pour s’en prémunir voire aider à parvenir à rééquilibrer la relation contractuelle.
Bien connus et identifiés, l’abus, la pratique restrictive de concurrence, les ruptures brutales pourront alors être plus aisément sanctionnés.
Cet article ne peut tout envisager mais propose des situations d’illustration et se fonde sur des principes aujourd’hui reconnus.
1. Les contre parties disproportionnées
L’article L442-1 -1° et 2° du Code de commerce dispose
« - I. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;
2° De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »
Cette pratique doit être caractérisée pour être qualifiée de restrictive.
Doivent ainsi être réunis deux conditions ; d'une part la soumission à des obligations, ou sa tentative, et d'autre part l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
Les contrats de franchise ou de distribution sélective fournissent une abondante jurisprudence de la sanction de cette pratique restrictive de concurrence qui vise à tenter d’obtenir et à obtenir, des contre parties disproportionnées d’un partenaire commercial.
Notons que la tentative elle aussi peut être sanctionnée.
La sous-traitance n’en est pas exclue.
Illustration : Cass. com., 11 janv. 2023, n° 21-11.163 : « PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi incident éventuel ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il retient que les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence s'appliquent aux relations de sous-traitance, l'arrêt rendu le 4 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; »
a) La soumission à des obligations : Condition N° 1
La soumission, ou sa tentative, implique la démonstration de l'absence de possibilité de négociation effective du contrat; que de telles conditions sont satisfaites dès lors que les conditions générales de vente étaient non négociables ;
L'appréciation de cette première condition est aussi réalisée en considération du contexte matériel et économique de la conclusion du contrat ;
Il nous incombe alors de prouver, de rapporter des preuves claires et non équivoques d’une négociation impossible des clauses du contrat. Le mot impossible n’est pas choisi au hasard.
Certaines franchises exigent l’exclusivité d’approvisionnement, l’exclusivité de clientèle, le monopole de la communication, la main mise sur le financement, des contributions au financement de la recherche (R&D) sans intégration au contrat, assortis d’une rémunération par des redevances fixes ou variables indépendamment des performances du distributeur ou franchisé, des durées contractuelles très longues sans faculté de résiliation anticipée ou et avec une contrepartie indemnitaire telle que la durée non exécutée doit cependant être payée.
Ce cadre est alors non négociable ; nous le qualifions de carcan, de contrat d’adhésion pur et simple lorsque nous pouvons établir qu’aucune modification, minoration d’une clause n’a été acceptée par le franchiseur ou partenaire.
Il importe donc de demander par mail, courrier traçable, ces modifications. Il est impératif de faire valoir pendant la négociation les inconvénients que la clause telle quelle va faire subir au cocontractant si elle n’est pas tempérée, modulée, amendée.
Il convient encore de faire des propositions explicites sans se limiter à « critiquer ou se plaindre » du caractère excessif de la contrainte au regard de la contrepartie attendue.
A défaut de produire ces preuves de tentatives repoussées de négocier les clauses contractuelles proposées, alors les tribunaux constateront qu'aucune preuve n'est rapportée quant à l'impossibilité de négocier les clauses du contrat.
La pression exercée au stade de la conclusion du contrat sera évaluée à travers l’expérience professionnelle de celui qui se présente comme une victime de cette pratique
Un professionnel aguerri du secteur sera moins considéré comme une victime, qu’un jeune débutant dans le commerce,
Le franchisé, ancien salarié du franchiseur ne peut prétendre découvrir le comportement de son ancien employeur au cours de l’exécution du contrat. Par nécessité il en avait connaissance sauf à établir que son niveau d’accréditation ne lui permettait pas d’accéder aux informations utiles à son changement de statut. L’impossible n’est pas prouvé par l’inertie.
Le caractère « impossible » est prouvé, lorsqu’il est justifié que cette impossibilité résulte : d’un acte de refus explicite, de rejet express, d’atermoiement, de report énoncé de décision, en bref de l’action du franchiseur opposé à la demande du franchisé.
Illustration : Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-13.533 : « Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :
22. Selon ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
23. Pour rejeter la demande en restitution des sommes versées entre 2010 et 2012 au titre de remises conditionnelles, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés qu'il ressort des pièces produites que, dans le cadre de l'établissement des accords commerciaux, les parties ont mené de véritables négociations au cours desquelles la société Financière d'Aguesseau a été en mesure de faire valoir son point de vue sur les services proposés et les taux de rémunération dès lors que, notamment, dans le cadre de l'accord de 2009, elle a obtenu la suppression d'une clause de reprise des invendus souhaitée par la société EMC, ce dont elle l'a remerciée, que, dans le cadre de l'accord de 2011, elle a obtenu une baisse significative du « total remises », qui est passé de 23 % à 22,1 %, soit une amélioration de près de 4 % de sa marge, qu'une ristourne de 1 % pour la mise en place d'une opération commerciale spécifique ne s'applique qu'au seul profit de l'enseigne Casino, à l'exclusion des autres enseignes, et que l'évolution des conditions dans le temps ne montre pas une volonté des distributeurs de durcir progressivement la négociation, de sorte qu'il est établi que les conditions contractuelles étaient discutées entre les parties et que la société Financière d'Aguesseau était en mesure d'obtenir que des modifications, non négligeables, y soient apportées.
24. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Espas avait pu négocier les ristournes conditionnelles litigieuses et sans examiner la circonstance invoquée par cette société de l'imposition de telles ristournes par la voie d'un document pré-rédigé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »
« Et sur le moyen, pris en sa sixième branche
Moyens :Enoncé du moyen :
25. Le liquidateur fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel a considéré que le liquidateur judiciaire de la société Financière d'Aguesseau n'établissait pas le déséquilibre significatif résultant de la soumission, par le groupe Casino, de ristournes conditionnelles, dès lors qu'il ne produisait "aucun élément permettant d'évaluer dans quelle mesure les remises consenties l'obligeaient à un effort économique susceptible de caractériser le déséquilibre économique" invoqué ; qu'elle a également adopté les motifs du jugement selon lequel "les ristournes consenties sont, dans le document contractuel, la contrepartie des avantages accordés par EMC Distribution"; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les ristournes litigieuses ne correspondaient à aucune contrepartie précise et si elles étaient conditionnées par la réalisation de services de coopération commerciale reconnus comme fictifs, ce qui suffisait à établir un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause. »
b) Le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties : Condition N°2
L'appréciation du déséquilibre significatif peut être économique ou juridique, au regard de l'économie du contrat et concrète;
L'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties, comme l'impossibilité de négocier utilement la clause du contrat qui embarrasse;
Ce qui implique qu’il ait été ouvert un débat, par celui qui s’en prévaut, sur les caractères de l’embarras que la clause provoquera et sur les conséquences qualifiées, évaluées, déterminées qui s’en suivront si elle était maintenue.
Les règles par essence sont contraignantes pour assurer la stabilité de la relation commerciale et de la vie des affaires. Elles traitent le plus souvent des effets concrets des contrats.
Leurs conséquences pratiques identifiées sont les supports matériels de l’évaluation de leur excès ou de l’équilibre qu’elles apportent dans la relation contractuelle.
Pour autant, l'application du contrat suppose le respect des règles énoncées, qui ne sont en aucun cas abusives lorsque le cocontractant, distributeur, producteur, concepteur, conserve un degré d’indépendance (financement, clientèle, source d’approvisionnement, tarifs, agencements) et une liberté de s’engager ailleurs dans des proportions raisonnables.
L’ensemble des clauses sera évalué par le tribunal pour mesurer le degré d’équilibre et d’indépendance, le nombre et la qualité d’avantages du contrat et leur répartition entre les signataires du contrat.
Illustration : Cass. com., 6 déc. 2023, n° 21-23.288: « 6. Si la structure du marché sur lequel interviennent les opérateurs peut constituer un indice de l'existence d'un rapport de force déséquilibré, ce seul élément est en soi insuffisant à établir la soumission ou la tentative de soumission et doit être complété par d'autres indices établissant l'absence de possibilité de négociation.
7. Après avoir relevé que la société CMT n'apporte aucun élément de contexte sur les conditions de négociation du contrat qu'elle prétend déséquilibré, cependant qu'il ne s'agit pas d'un contrat-type, ni aucun élément de preuve manifestant une absence de négociation du contrat, l'arrêt en déduit que la première condition d'applicabilité de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, n'est pas remplie.
8. En l'état de ces énonciations et appréciations, dont il résulte l'absence d'élément de preuve d'une impossibilité de négocier les clauses du contrat, la cour d'appel, qui n'était donc pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la première branche sur l'inégalité du rapport de force entre les parties, que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. »
2. La rupture brutale des relations commerciales établies :
Les tribunaux reconnaissent le caractère contractuel aux relations commerciales établies, constituées de commandes exécutées sur une période de temps.
L'article L. 442-1-11 du Code de commerce dispose:
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »
Pour démontrer la rupture brutale de relations commerciales établies, il est nécessaire de réunir les éléments suivants :
L'existence de relations commerciales établies entre les cocontractants, qu'ils soient producteurs, commerçants, industriels ou immatriculés au répertoire des métiers.
L'existence d'une rupture de ces relations commerciales établies
La brutalité de la rupture c'est à dire l'absence de préavis ou un préavis insuffisant compte tenu de la durée de la relation et en référence aux usages du commerce.
L'absence d'une raison légitime telle que la force majeure ou la non-exécution par le contractant de ses obligations.
a) Sur l'existence de relations commerciales établies :
Il arrive que l’une des parties nie l’existence de relations commerciales suivies et prétende que les relations commerciales ont été ponctuelles, isolées ou non régulières.
Le contrat écrit, comme les bons de commandes successifs, les virements réguliers en règlement des prestations, les échanges de mails sont autant de preuves de l’existence de la relation commerciale et de son point de départ.
Il nous incombe alors d’en établir la durée jusqu’à la résiliation expresse ou tacite.
b) La preuve de la rupture
Pour une résiliation express la fin de la relation est établie par la date d’envoi de la LRAR ou par la date d’envoi du mail
Une résiliation tacite se caractérise par un défaut de demande de livraison de commandes confirmées par mails ou courrier plusieurs mois ou semaines auparavant.
Dès retard de rythme de livraison, il importe de demander une date au cocontractant et de renouveler cette demande voire de mettre en demeure de donner une date de livraison de la commande programmée et nécessairement prête au départ au jour J initial.
La preuve doit être rapportée par celui qui se prétend victime.
c) La brutalité de la rupture
La brutalité se déduit des modifications importantes des conditions contractuelles par aggravation de contraintes sur le partenaire, l’absence de préavis ou d’un préavis non proportionnel à la durée de la relation, ou encore en ne respectant pas la durée d’un préavis statutaire.
Illustration d’un préavis statutaire respecté et donc ni brutal ni fautif: Cour d’appel de Paris Pôle 5 Chambre 9-29.06.2017-16/14653
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Les sociétés appelantes soutiennent que leur relation avec la société***** était bien une relation commerciale au sens de l’article L.442-6-I 5º du code de commerce. Elles soutiennent que le préavis court à compter de la notification de la rupture, et non pas de la délibération du conseil d’administration en date du 11 octobre 2013 qui enclenchait la procédure d’exclusion.
Les sociétés appelantes font valoir qu’elles ont demandé, un mois avant la fin du préavis, un allongement de ce dernier afin de bénéficier plus longtemps du statut de tiers non associé, ce qui a été refusé par la société*****.
Les sociétés appelantes soutiennent que la brutalité de la rupture les a notamment privées des listes des véhicules ayant une obligation de contrôle technique dans les six mois, lesquelles étaient détenues par la société*****, ce qui entraîne pour chaque société un préjudice correspondant à la marge brute perçue sur le prix de vente d’une prestation de contrôle technique, au pro rata du nombre de mois de préavis qui aurait dû s’appliquer.
La société***** soutient que les sociétés exclues ont bénéficié d’un préavis contractuel de 3 mois qui s’est ouvert le 26 mai 2014, à la notification du caractère définitif de l’exclusion.
Elle fait valoir que dès la notification de l’exclusion en avril 2014, les appelantes avaient la possibilité de s’informer auprès d’autres fournisseurs et de faire des sauvegardes. La procédure d’exclusion s’est ouverte le 11 octobre 2013, les sociétés appelantes disposaient au total de 9 mois pour anticiper l’avenir, mais elles n’ont pris aucune mesure ni pendant la procédure ni pendant le prévis. La société***** soutient que les sociétés exclues ne justifient pas du caractère brutal ou inattendu de la rupture, et qu’en tout état de cause le préavis ne pouvait être plus long pour ne pas entraver la libre concurrence. La société***** ajoute que les sociétés exclues n’établissent pas leur préjudice, au motif que seuls les dommages résultant de la brutalité de la rupture pourraient être pris en compte, ce qui exclut les surcoûts, frais d’acquisition de nouveaux matériels, frais de déplacement, perte de marges sur nouveaux fournisseurs et frais postaux inclus par les société appelantes dans le calcul de leur préjudice. La société***** soutient enfin que les modes de calcul des préjudices des demanderesses sont inexploitables faute de production de bilan et comptes d’exploitation.
La cour relève que la procédure d’exclusion a effectivement débuté en octobre 2013 et que, bien que l’issue n’était alors pas certaine, il y a avait une possibilité sérieuse pour qu’elle aboutisse. Par ailleurs les statuts prévoient un préavis de trois mois à compter de la décision d’exclusion et ce préavis a été respecté.
Le jugement attaqué sera donc confirmé sur ce point également. »
La brutalité ne doit pas être entendue dans la « formulation » de la rupture dans la lettre de résiliation.
Ce qui est pris en considération n’est donc « pas le coup porté mais le coup reçu ». Est pris en compte l’effet produit par la rupture sur le cocontractant.
d) La durée et l'indemnité du préavis:
Il est toujours possible de proposer aux tribunaux une durée de préavis qui réponde à vos propres considérations économiques et financières.
Rien n’interdit de la proposer à l’auteur de la rupture en réponse à sa lettre de résiliation et de la négocier non pas par des livraisons ou des services maintenus mais par l’évaluation d’une indemnité qui doit correspondre au préjudice direct et immédiat du à la rupture
L’embauche de salariés pour répondre aux conditions du contrat lors de son exécution obligera à leur licenciement en cas de rupture brutale et donc à leur régler les indemnités pour licenciement économique qui leur reviennent.
L’achat et conception de matériel spécifique (exemples : scellement à ultra son, machine de conditionnement, chaine de montage, achat en pré production, leasings etc..) pour satisfaire les impératifs et conditions du contrat sans pouvoir être affecté à d’autres commandes similaires ou d’autre clients de même envergure est un préjudice directement consécutif et donc indemnisable
Pour estimer la réparation liée au préjudice subi, il est impératif de fournir les comptes annuels qui font ressortir une marge brute annuelle moyenne basée sur plusieurs exercices.
La production du bilan ne suffit pas. Ses postes affectés doivent être analysés pour les tribunaux.
N’oublions jamais que la notion judiciaire de réparation du préjudice subi implique une indemnisation sans enrichissement.
Le préjudice indemnisable est donc exclusivement le bénéfice prévisible aux conditions contractuelles justifié par le bénéfice réalisé sur la période contractuelle antérieure ou sur les commandes précédentes.
La perte du marché génère une perte de revenus du montant de la marge brute mensuelle dégagée auparavant avec le contrat rompu.
La notion d’état de dépendance économique suppose elle aussi une démonstration
Illustration : Cass. com., 10 nov. 2021, n° 20-13.385
« 7. La durée du préavis suffisante s'apprécie au terme d'une analyse concrète de la relation commerciale, tenant compte de sa durée, du volume d'affaires réalisé et de la notoriété du client, du secteur concerné comme du caractère saisonnier du produit, du temps nécessaire pour retrouver un autre partenaire, en respectant, conformément à la loi, la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, et de l'état de dépendance économique du fournisseur, cet état se définissant comme l'impossibilité pour celui-ci de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'il a nouées avec une autre entreprise.
8. Pour juger que le délai de préavis n'avait pas à être rallongé en raison de l'état de dépendance économique de la société Tél and Com, l'arrêt retient que cette société ne démontre pas qu'elle ne disposait pas de la possibilité de substituer à la société Bouygues Télécom un autre opérateur ou des activités autres que la vente des offres téléphoniques.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si dans le délai octroyé, la société Tél and Com disposait, en l'état de la configuration du marché en cause, d'une solution techniquement et économiquement équivalente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »
Conclusion
Un préavis c’est bien mais il doit avoir un contenu garanti
Il convient d’être prudent après des négociations annuelles très défavorables empêchant le renouvellement d’un contrat et ouvrant un délai de préavis.
Lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties font l'objet d'une négociation annuelle, ne constituent pas une rupture brutale de cette relation les modifications apportées durant l'exécution du préavis qui ne sont pas substantielles au point de porter atteinte à l'effectivité de ce dernier.
Les négociations annuelles (réelles) des conditions commerciales avec les distributeurs visent à adapter les contrats au marché et à éviter les anomalies irréversibles.
L'existence de négociations annuelles permet une évolution des conditions commerciales, y compris pendant l'exécution du délai de préavis.
Nul ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties.
Il appartiendra alors à la victime du non renouvellement de veiller à ce que soit contractualisé dans le procès verbal de rupture la garantie du maintien pendant toute la durée du préavis des conditions antérieures T-1 à la négociation annuelle T. qui a généré la rupture.
Il appartiendra alors à la victime du non renouvellement de faire garantir le volume et qualité des livraisons, les délais de livraison, les remises et rémunérations, la territorialité de son secteur, la capacité à se revendiquer de l’appartenance au réseau.
Cela implique un accord express du cocontractant sur des revendications précises et chiffrées par mail et ou LRAR.
Sur une rupture le « statu quo » n’existe pas, il se négocie.
Marseille le 08 novembre 2024
Laure TRAPÉ
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