Il ressort d’une jurisprudence désormais constante que ces prestations ne sont à déduire de l’indemnité allouée à la victime ou à ses ayants-droits que si elles revêtent un caractère indemnitaire.
En d’autres termes, les prestations qui ne revêtent pas de caractère indemnitaire ne doivent pas être déduites de l’indemnisation due par un régleur.
La Cour de cassation a déjà été amenée à trancher des questions relatives à la déduction ou non de certaines indemnités ou prestations, en application du principe de réparation intégrale :
- Pour l’allocation de solidarité spécifique : Civ. 2e, 29 mars 2006 n° 04-06.063
- Pour l’allocation de retour à l’emploi : Civ. 2e, 3 juin 2010 n° 09-67.357
- Pour l’allocation aux adultes handicapés : Civ. 3e, 10 juill. 2008 n° 07-17.424
- Pour l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé : Civ. 1re, 2 juin 2021 n° 20-10.995
- Pour l’allocation personnalisée d’autonomie : Civ. 1ere 24 octobre 2019 n°18-21.339
S’agissant du capital décès, la solution diffère selon les cas.
En effet, il est admis que le capital décès versé par un organisme de sécurité sociale doit être déduit de l’indemnisation du préjudice économique du conjoint survivant. [1]
En revanche, tel n’est pas le cas lorsque le capital est versé par une assurance privée, dans le cadre d’un contrat d’assurance, lorsque la somme versée aux ayants-droits présente un caractère forfaitaire et non indemnitaire.
La Cour de cassation a pu livrer une grille d’appréciation.
La Chambre Criminelle a pu relever que :
« Seules doivent être imputées sur l'indemnité réparant le dommage résultant d'une atteinte à la personne les sommes versées à titre indemnitaire ; que les prestations servies en exécution d'un contrat d'assurance de personne en cas d'accident ou de maladie revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire, dès lors qu'elles sont indépendantes, dans leurs modalités de calcul et d'attribution, de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun ». [2]
La Deuxième Chambre Civile a eu l’occasion de juger qu’une prestation versée en exécution d’un contrat d’assurance de personne revêtait un caractère forfaitaire et ne devait être déduite des indemnités versées par le FGTI :
« Attendu que pour évaluer le préjudice soumis à recours de Mlle X... après déduction de la somme versée par la société CHUBB France, assureur de l'AIM, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que ni la perception d'une indemnisation au titre d'un contrat d'assurance de personne ni la prédétermination en fonction du taux d'incapacité fonctionnelle du capital versé à la victime par la société CHUBB au titre de ce contrat d'assurance ne sauraient à elles seules faire obstacle à la qualification indemnitaire du capital reçu ; que ce même caractère indemnitaire, au sens de l'article susvisé, ne saurait être automatiquement exclu au seul motif que la police souscrite et financée par un tiers, ne se prévaudrait pas des dispositions de l'article L. 211-25 du Code des assurances ; qu'en effet le souci d'éviter une double indemnisation des victimes d'infraction à raison de la subsidiarité de la solidarité nationale qui s'exprime dans un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres, se révèle distinct des conditions exhaustives d'admission des recours de tiers payeurs contre les personnes tenues à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne énoncées dans le dernier article visé ; que le versement du capital d'assurance ne relève pas d'une opération de capitalisation ou prévoyance effectuée par la victime elle-même, simple bénéficiaire de la garantie souscrite ; qu'il n'est pas fait état de préjudices personnels échappant à la compétence de la CIVI et demeurant non indemnisés que le capital aurait eu pour but ou pour résultat de compenser ; qu'il résulte dès lors des documents produits par les parties que la somme de 800 000 francs au titre de la garantie accidents corporels contractée auprès de la CHUBB France par l'association humanitaire dans le véhicule de laquelle était passagère Mlle X..., doit être intégralement déduite de la réparation ci-dessus arrêtée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du contrat d'assurance régulièrement produit aux débats que la somme versée à la victime, fonction d'un capital fixé aux conditions particulières affecté d'un pourcentage résultant d'un barème de référence, était indépendante dans ses modalités de calcul et d'attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun et, par suite, revêtait un caractère nécessairement forfaitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».[3]
La Chambre Criminelle a encore jugé que :
« Attendu que, pour rejeter l'argumentation de la société Générali tendant à l'imputation sur les préjudices des ayants droit du capital décès versé par la société Quatrem au titre d'un contrat de prévoyance collectif, et confirmer le jugement déféré tout en le complétant, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé le désistement d'instance et d'action de la société Quatrem, énonce que le capital décès versé par celle-ci, dans le cadre d'un contrat de prévoyance obligatoire bénéficiant au salarié ou de ses ayants-droit, ne fait pas partie des prestations énumérées par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, et ne revêt pas un caractère indemnitaire en application des dispositions de l'article 33 de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article L. 211-25 du code des assurances.
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ». [4]
La jurisprudence administrative s’est également emparée du débat et la Cour Administrative d’Appel de Versailles a par exemple pu juger que :
« Le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu de ses propres revenus. Ce préjudice est déterminé en tenant compte des prestations à caractère indemnitaire susceptibles d'avoir été perçues par les membres survivants du foyer en compensation du préjudice économique qu'ils subissent. Il n'y a pas lieu dans ces conditions de déduire le montant du capital décès versé par la MGEN dans le cadre du contrat collectif conclu entre cet organisme mutualiste et la CNP Assurances dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette somme présenterait un caractère indemnitaire. L'ONIAM n'est par suite pas fondé à demander que soit déduit le capital décès versé par la MGEN de l'indemnité réparant le préjudice économique subi par Mme D... du fait du décès de son mari. » [5]
Maître Vincent RAFFIN, Avocat Associé au sein du cabinet BRG Avocats [Nantes-Paris], et responsable du Département droit médical et dommages corporels, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France, en métropole comme en outre-mer, concernant vos litiges.
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[1] Cass. 1re civ., 24 nov. 2021, no 20-10967, Cass. 2e civ., 28 mars 2013, n° 12-14465
[2] Cass. Crim. 1er septembre 2015 n°14-84.001
[3] Cass. Civ 2, 20 octobre 2005 n°04-13.633
[4] Cass. Crim. 21 février 2012 n°11-84.202
[5] CAA Versailles 16 juin 2020 16 VE02136
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