Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 3 décembre 2013
N° de pourvoi: 12-25.346
Non publié au bulletin Cassation partielle
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 14 juin 2012), que M. X..., exerçant sous l'enseigne Dall'Elite, a effectué des travaux dans les locaux professionnels de M. Y... et des travaux d'aménagement d'une salle de bain dans son domicile personnel ; que ces travaux ont donné lieu à l'émission de deux factures, dont l'une relative aux locaux professionnels n'a été réglée que partiellement et l'autre relative à la réalisation de la salle de bains n'a pas été payée ; que « l'entreprise Dall'Elite, société de droit belge, représentée par son gérant M. Thomas X..., », a assigné M. Y... en paiement ; que M. X... est intervenu volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, par un motif non critiqué, que M. Y... avait toujours soutenu avoir contracté uniquement avec M. X... exerçant sous l'enseigne Dall'Elite et que les contrats avaient été formés entre M. Y... et M. X..., ce dont il résultait que celui-ci se prévalait d'un droit propre distinct de celui invoqué par la demanderesse, la cour d'appel en a exactement déduit que le sort de son intervention n'était pas lié à celui de l'action principale et que M. X... avait qualité et intérêt à agir ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que M. Y... ne contestait pas la réalisation des travaux d'aménagement de sa salle de bains et ne rapportait pas la preuve de ce qu'ils relevaient d'une prestation gratuite alors qu'ils représentaient la moitié du coût de l'aménagement des locaux professionnels, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui a pu en déduire que la somme réclamée au titre de ces travaux était due, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour accueillir la demande portant sur la facture relative aux locaux professionnels, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la réalisation du système d'ouverture des fenêtres ne serait pas conforme à la commande et que les malfaçons les affectant auraient donné lieu à réparation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... ne contestait pas que cette prestation, contractuellement due, n'avait pas été fournie en raison du refus de M. Y... de payer le solde des travaux, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que, pour accueillir la demande portant sur la facture relative aux locaux professionnels, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la réalisation de la dénivellation importante entre la partie rénovée et l'accès des patients ne serait pas conforme à la commande et que cette malfaçon aurait donné lieu à réparation et que le coût de la reprise des deux trous dans le placoplâtre est dérisoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le constructeur qui réalise une prestation impropre à sa destination et manque à ses obligations doit réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 1 752, 87 euros au titre du solde restant dû sur le marché des travaux réalisés dans les locaux professionnels, l'arrêt rendu le 14 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de M. X... ;
AUX MOTIFS QUE la cour n'est pas saisie de la régularité de l'acte introductif d'instance puisque l'appel est limité dès lors que la SPRL Dall'Elite n'a pas été appelée en cause d'appel ; que les dispositions du jugement relatives à l'irrecevabilité des demandes formées par la société Dall'Elite sont par conséquent définitives ; que la recevabilité d'une intervention est liée non pas à l'action principale mais au droit d'agir de son auteur ; que M. Christophe Y... a toujours soutenu avoir contracté uniquement avec M. Thomas X... exerçant à l'enseigne Dall'Elite ; que les contrats ont été formés entre M. Christophe Y... et M. Thomas X... de sorte que ce dernier a qualité et intérêt à agir ;
1) ALORS QUE toute prétention émise par une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable ; que tel est le cas d'une action exercée par une personne qui n'est plus titulaire du droit de créance dont elle se prévaut ; que devant le premier juge, M. X... avait indiqué exercer son activité au sein d'une société unipersonnelle de droit belge et avait formulé des demandes en paiement uniquement au profit de la société Dall'Elite ; que M. Y... en déduisait que M. X... ne pouvait se prévaloir d'aucun droit personnel à son encontre et n'avait donc pas qualité pour agir (cf. concl., p. 7 § 2) ; qu'en se bornant à énoncer que M. X... avait « qualité et intérêt à agir », sans rechercher, comme elle y était invitée, si celui-ci n'exerçait pas son activité au sein de la société Dall'Ellite ayant seul qualité pour agir contre M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 et 32 du code de procédure civile ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'intervention accessoire étant nécessairement liée à la demande originaire, l'irrecevabilité de la demande principale ne peut qu'entraîner celle de la demande formulée par l'intervenant ; qu'en l'espèce, il ressortait de la procédure de première instance que M. Y... avait été assigné par une société Dall'Elite qui n'avait en réalité aucune existence juridique et que M. X... était intervenu volontairement uniquement afin de régulariser l'assignation initiale sans formuler aucune demande à son profit ; qu'en affirmant que la recevabilité de l'intervention de M. X... était liée « non pas à l'action principale mais au droit d'agir de son auteur » (cf. arrêt, p. 5 § 2), la cour d'appel a méconnu le caractère accessoire de cette intervention et violé l'article 330 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. Y... à payer à M. X... les sommes de 1. 752, 87 euros au titre du solde restant dû sur le marché de travaux réalisés dans les locaux professionnels ;
AUX MOTIFS QUE la seule allégation de malfaçons ne peut faire obstacle à la réception dès lors que les travaux du cabinet professionnel ont été entièrement réalisés, que le maître de l'ouvrage en a pris possession et qu'il a la possibilité de consigner des réserves ; qu'à l'appui de ses allégations, M. Christophe Y... produit aux débats un procès-verbal dressé le 20 octobre 2005, par Me Z..., huissier de justice associé à Villeneuve d'Ascq, lequel a procédé aux constatations suivantes : « Cabinet 2 (rez-de-chaussée) : Les ouvrants basculants tombants sont installés. Cependant l'ouverture s'effectue à l'aide de perches. Il n'y a pas d'autre système d'ouverture. Il est à noter que le placoplâtre est troué sous l'ouvrant gauche. Cabinet 3 (rez-de-chaussée) : Les ouvrants basculants tombants sont installés. Cependant l'ouverture s'effectue à l'aide de perches. Il n'y a pas d'autre système d'ouverture. Il est à noter que le placoplâtre est troué sous deux ouvrants. Couloir étage : Il existe une dénivellation importante sans marches, entre cette partie rénovée et l'accès des patients. Dans le cabinet voisin, il existe la même dénivellation, mais deux marches ont été réalisées dans cette pièce » ; Que M. Christophe Y... articule un certain nombre de griefs supplémentaires dont il ne rapporte pas même un commencement de preuve ; qu'il soutient également avoir fait intervenir une entreprise pour réparer les défauts constatés dans les marches d'escalier mais n'en rapporte nullement la preuve ; qu'il se déduit du seul constat d'huissier produit aux débats que les malfaçons invoquées concernent d'une part l'ouverture d'ouvrant basculants tombants à l'aide de perche, ainsi qu'une dénivellation importante sans marche entre une partie rénovée de l'immeuble et l'accès des patients ; qu'il n'est pas démontré que ces réalisations ne sont pas conformes à la commande, ni d'ailleurs qu'elles aient donné lieu à reprises ou réparations ; qu'il s'ensuit que ces malfaçons invoquées ne peuvent être retenues ; qu'il persiste deux trous correspondant à des finitions de placoplâtre dont M. Thomas X... ne conteste pas l'existence mais soutient qu'il n'a pas effectué cette reprise puisque M. Christophe Y... s'est dérobé au règlement de certaines factures ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 20 octobre 2005 doit tenir lieu de procès-verbal de réception puisque les seules malfaçons retenues par la cour en vertu des prestations prévues par le contrat sont reconnues par M. Thomas X..., de sorte qu'il doit être considéré que les opérations de réception sont contradictoires ; que les réserves justifiées sont extrêmement limitées puisqu'il s'agit de deux trous dans le placoplâtre sous deux ouvrants ; qu'il s'en suit que sept années après la réception des travaux la valeur de ces reprises qui est dérisoire ne saurait faire obstacle ni au paiement du solde du chantier ni à la retenue de garantie légale de 5 % ; que la cour condamne M. Christophe Y... à payer à M. Thomas X... la somme de 1. 752, 87 euros au titre du solde du chantier augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2005, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière, selon les dispositions de l'article 1154 du code civil ;
1) ALORS QU'un entrepreneur commet une faute lorsqu'il réalise une prestation impropre à sa destination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il se déduisait du constat d'huissier produit par M. Y... « une dénivellation importante sans marche entre une partie rénovée de l'immeuble et l'accès des patients » (cf. arrêt, p. 6 § 1) ; qu'en décidant que la malfaçon tirée d'une mauvaise réalisation des marches n'était pas établie au motif inopérant « qu'il n'est pas démontré que ces réalisations ne sont pas conformes à la commande, ni d'ailleurs qu'elles aient donné lieu à reprises ou réparations » (cf. arrêt, p. 6 § 2), la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas modifier les termes du litige dont ils sont saisis par les conclusions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... expliquait que si le constat d'huissier lui reprochait « l'absence de finitions sur des fenêtres (pourtour/ système de fermeture) » (cf. concl. adv., p. 10 § 13), il estimait « ne pas avoir terminé la partie relative aux fenêtres uniquement en raison du refus de M. Y... de payer ses factures » (cf. concl. adv., p. 11 § 2) ; qu'il reconnaissait ainsi que l'absence de système de fermeture des fenêtres n'était pas conforme à son engagement contractuel ; qu'en affirmant que la preuve d'une malfaçon concernant les fenêtres n'était pas établie dès lors « qu'il n'est pas démontré que ces réalisations ne sont pas conformes à la commande » (cf. arrêt, p. 6 § 2), la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE tout professionnel qui manque à ses obligations doit réparation à son client ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il persistait « deux trous correspondant à des finitions de placoplâtre dont M. X... ne conteste pas l'existence » (cf. arrêt, p. 6 § 4) ; qu'en condamnant M. Y... à payer à M. X... le solde du restant dû au titre des travaux exécutés dans ses locaux professionnels, sans en déduire le coût de reprise des trous litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. Y... à payer à M. X... la somme de 8. 264, 83 euros au titre des travaux réalisés dans l'habitation personnelle de M. Y... ;
AUX MOTIFS QUE M. Thomas X... sollicite également le paiement des travaux d'aménagement d'une salle de bain dans l'appartement privé de M. Christophe Y..., lequel ne conteste pas la réalisation de ces travaux mais soutient qu'ils ont été offerts par M. Thomas X... à titre commercial ; que le prétexte qu'aucun devis n'ait été signé ne peut valoir preuve d'une réalisation à titre gratuit par l'entrepreneur alors que ce dernier produit aux débats un descriptif manuscrit détaillé de M. Christophe Y... correspondant aux travaux réalisés et comportant le détail du prix pour la main d'oeuvre et pour les matériaux ainsi que le montant total soit la somme de 7. 833, 96 euros hors taxe ; que M. Christophe Y... soutient à tort et sans en rapporter la preuve que les travaux objets du chantier relèvent d'une prestation gratuite alors qu'ils représentent la moitié du coût du chantier de l'aménagement des cabinets professionnels pour plusieurs praticiens et comprend le prix des lots réalisés par les sous-traitants (toiture) ainsi la fourniture des matériaux comme M. Thomas X... en justifie pas les pièces qu'il produit aux débats, de sorte que l'allégation d'une prestation gratuite n'est nullement prouvée ; que le descriptif manuscrit émanant de M. Christophe Y... produit aux débats a dès lors valeur d'engagement contractuel ; que M. Thomas X... a réalisé les travaux convenus ; que M. Y... n'invoque aucune malfaçon, il en doit paiement suivant le prix convenu ; que la cour condamne M. Christophe Y... à payer à M. Thomas X... la somme de 8. 264, 83 euros TTC ;
1) ALORS QU'il appartient au créancier de rapporter la preuve de l'existence de l'obligation ; que la preuve d'un contrat doit être, en principe, établie par un écrit répondant aux exigences de l'article 1341 du code civil ; qu'il ne peut être dérogé à cette exigence, en présence d'un commencement de preuve par écrit, qu'à la condition que ce document soit corroboré par des éléments de preuve extrinsèques ; qu'en déduisant l'existence d'un contrat à titre onéreux pour les travaux relatifs à la partie privative des locaux de M. Y... d'un descriptif manuscrit émanant de ce dernier, sans retenir le moindre élément extrinsèque de nature à le corroborer, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1147 du code civil ;
2) ALORS subsidiairement QUE dans ses écritures d'appel, M. Y... soutenait que les travaux réalisés dans la partie privative de ses locaux par M. X... l'avaient été selon un geste commercial, sans facturation (cf. concl., p. 11) ; qu'il faisait valoir que le brouillon de devis, rédigé de sa main et produit par M. X..., ne pouvait établir le caractère onéreux de ces travaux, en précisant que ce document envisageait un montant des travaux dans la partie professionnelle des locaux pour un montant initial de 11. 071, 50 euros tandis que la facture définitive pour ces travaux s'est élevée à 16. 284, 18 euros, sans modification des prestations ou des fournitures envisagées ; qu'il en déduisait que cette différence de prix expliquait pourquoi M. X... avait réalisé les travaux dans la partie privative à titre gratuit ; qu'en affirmant que ces travaux ne pouvaient pas correspondre à une prestation gratuite dès lors qu'« ils représentent la moitié du coût du chantier de l'aménagement des cabinets professionnels pour plusieurs praticiens » (cf. arrêt, p. 6 § 11), sans rechercher si la gratuité des travaux litigieux ne résultait pas de l'augmentation très conséquente du montant des travaux à exécuter dans la partie professionnelle des locaux, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.
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