Le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence en son principe
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 21-15.748
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300592
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 07 novembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, du 23 février 2021
Président
Mme Teiller (président)
Avocat(s)
Me Balat, SCP Boullez
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 novembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 592 F-D
Pourvoi n° B 21-15.748
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024
1°/ la société RDL, société civile immobilière,
2°/ la société RDO, société civile immobilière,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 2], [Localité 3],
ont formé le pourvoi n° B 21-15.748 contre l'arrêt rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Creusot-carrelage,
2°/ à la société Creusot-carrelage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 4], représentée par son mandataire ad hoc, la société BTSG²,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat des sociétés civiles immobilières RDL et RDO, de Me Balat, avocat de la société BTSG², ès qualités, et de la société Creusot-carrelage, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 23 février 2021), les sociétés civiles immobilières RDL et RDO (les SCI) ont confié à la société Creusot-carrelage des travaux de pose de carrelages.
2. Les SCI ont formé opposition à deux ordonnances portant injonction de payer le solde du prix des marchés à la société Creusot-carrelage et présenté des demandes reconventionnelles aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. Les SCI font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors « que le juge est tenu d'évaluer le préjudice dont il constate l'existence sans qu'il puisse refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les travaux réalisés dans l'appartement de la SCI RDL souffrent de défauts d'exécution, tout comme dans l'appartement de la SCI RDO, et que ces malfaçons sont de nature à caractériser un manquement de la société Creusot-carrelage à son obligation contractuelle de résultat ; qu'en affirmant, pour débouter les maîtres de l'ouvrage de leurs demandes indemnitaires, que les conséquences dommageables de ce manquement n'ont pas été chiffrées par l'expert qui a été contraint de déposer son rapport en l'état et que les maîtres de l'ouvrage ne rapportent pas la preuve par la production de deux devis, qu'ils correspondent aux travaux nécessaires à la reprise des malfaçons relevées par l'expert, qui n'a, à aucun moment, conclu à la nécessité de déposer et reposer l'intégralité du carrelage de sol et du carrelage mural dans les deux appartements, quand il appartenait à la cour d'appel d'évaluer le préjudice correspondant au coût des travaux de reprise des malfaçons dont elle avait constaté l'existence, elle a commis un déni de justice, en violation de l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
4. En application de ce texte, le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence en son principe.
5. Pour rejeter les demandes indemnitaires des SCI, l'arrêt relève que les travaux réalisés dans les deux appartements souffrent de défauts d'exécution, s'agissant, pour celui de la SCI RDL, de l'absence de plinthe, de joints des carreaux de la salle de bains non complètement remplis, de carreaux posés sur les murs qui désafleurent, d'une finition aléatoire des jonctions avec les huisseries, et d'un carrelage non aligné sous la porte de la chambre, et, pour celui de la SCI RDO, de l'absence de pose de plinthes, de joints de carreaux verticaux et horizontaux et d'angles verticaux mal exécutés et de pénétrations de la robinetterie dans le carrelage mural, mais que les conséquences dommageables des manquements dans la réalisation de la pose du carrelage par la société Creusot-carrelage n'ont pas été chiffrées par l'expert, contraint de déposer son rapport en l'état.
6. Il retient, ensuite, que les demandes indemnitaires des SCI fondées sur deux devis qui n'ont pas été soumis à l'expert, portent sur des travaux de réfection de carrelage dont il n'est pas permis de vérifier qu'ils correspondent aux travaux nécessaires à la reprise des malfaçons relevées par l'expert, qui n'a, à aucun moment, conclu à la nécessité de déposer et reposer l'intégralité du carrelage de sol et du carrelage mural dans les deux appartements.
7. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le dommage subi par les SCI dont elle constatait l'existence, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes indemnitaires formées par les sociétés civiles immobilières RDL et RDO et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon autrement composée ;
Condamne la société Creusot-carrelage aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Creusot-carrelage et la SCP BTSG², prise en sa qualité de mandataire ad hoc de celle-ci, et condamne la société Creusot-carrelage à payer aux sociétés civiles immobilières RDL et RDO la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300592
Publié par ALBERT CASTON à 11:32
Envoyer par e-mail BlogThis! Partager sur X Partager sur Facebook Partager sur Pinterest
Libellés : déni de justice , évaluation , office du juge , préjudice , principe indemnitaire
Pas de contribution, soyez le premier