Note A. Guyonnet,  GP 2019, n° 38, p. 40.

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 31 janvier 2019
N° de pourvoi: 18-10.983

Non publié au bulletin Rejet
Mme Flise (président), président
Me Carbonnier, avocat(s)
 



Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 juin 2017), que la société Itinéraire d'Afrique, preneur d'un bail commercial consenti par M. X..., a relevé appel, le 10 mai 2016, du jugement d'un tribunal de grande instance prononçant diverses condamnations à son encontre au profit du bailleur ; que la société Itinéraire d'Afrique a déféré l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui, sur un incident soulevé par M. X..., avait prononcé la caducité de la déclaration d'appel ;

Attendu que la société Itinéraire d'Afrique fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, comme non constitutives de conclusions d'appelant, les conclusions déposées le 27 juin 2016, non conformes aux exigences des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile et portant atteinte au principe du contradictoire, de déclarer irrecevables, comme hors délai, les conclusions rectificatives déposées le 11 octobre 2016, inopérantes pour venir se substituer aux précédentes, et, en conséquence, de prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Itinéraire d'Afrique, alors, selon le moyen :

1°/ que le conseiller de la mise en état peut seulement enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile ; que la société Itinéraire d'Afrique a régularisé des conclusions par voie électronique le 27 juin 2016, soit dans le délai de trois mois qui lui était imparti par l'article 908 du code de procédure civile ; que le conseiller de la mise en état puis la cour d'appel, saisie d'un déféré contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état, ont écarté ces conclusions des débats en raison de leur non-conformité à l'article 954 du code de procédure civile, puis décidé que la déclaration d'appel devait être déclarée caduque faute de dépôt de conclusions d'appelant dans le délai de trois mois prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en statuant de la sorte, lorsque saisie par le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état, et ne pouvant statuer que dans le champ de compétence d'attribution de ce dernier, elle ne pouvait statuer sur l'irrecevabilité des conclusions qu'elle entendait prononcer au regard de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 913 du code de procédure civile, ensemble l'article 954 du code de procédure civile ;

2°/ que la non-conformité des conclusions des parties à l'article 954 du code de procédure civile n'engendre pas leur rejet des débats ; que la société Itinéraire d'Afrique a régularisé des conclusions par voie électronique le 27 juin 2016, soit dans le délai de trois mois prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; que la cour d'appel a décidé d'écarter ces conclusions des débats comme irrecevables en raison de leur non-conformité à l'article 954 du code de procédure civile, puis décidé que la déclaration d'appel devait être déclarée caduque faute de dépôt de conclusions d'appelant dans le délai de trois mois prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en statuant de la sorte lorsque la non-conformité des écritures de la société Itinéraire d'Afrique à l'article 954 du code de procédure civile n'était pas de nature à engendrer leur rejet des débats, la cour d'appel a encore violé, par fausse interprétation, l'article 908 du code de procédure civile ensemble l'article 954 du code de procédure civile ;

3°/ que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif, et la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance ; que la cour d'appel a elle-même relevé que les conclusions régularisées par voie électronique le 27 juin 2016 « comportent les mêmes prétentions et moyens qu'elle entend poursuivre dans cette instance en appel » ainsi qu'un dispositif qui sollicite notamment le rejet de l'ensemble des demandes de la partie adverse ; qu'il s'en évince que ces conclusions comportent les mentions exigées par l'article 954 du code de procédure civile ; qu'en décidant cependant que ces conclusions ne seraient pas conformes à l'article 954 du code de procédure civile dès lors qu'elles « ne concluent pas à une infirmation totale ou partielle du jugement » par une mention expresse, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi et a violé de plus fort l'article 954 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les conclusions d'appelant exigées par l'article 908 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel ; que l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du même code, le respect de la diligence impartie par l'article 908 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l'article 954 ;

Que la cour d'appel a constaté que les seules conclusions d'appelant prises dans le délai prévu par l'article 908 comportaient un dispositif qui ne concluait pas à l'infirmation, totale ou partielle, du jugement déféré ;

Que de ces constatations et énonciations, qui faisaient ressortir que ces conclusions d'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige porté devant la cour d'appel, c'est à bon droit que celle-ci, abstraction faite des motifs, erronées mais surabondants, pris de l'irrecevabilité de ces conclusions, a constaté la caducité de la déclaration d'appel ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, pris en sa quatrième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Itinéraire d'Afrique aux dépens ;