On ne présente plus cette décision qui est incontournable pour le droit administratif français.

 

RAPPEL DES FAITS

 

L'enfant Agnès BLANCO fait l'objet d'un accident de voie publique en ce qu'elle est reversée par un wagonnet de la manufacture des Tabacs de Gironde, établissement d'Etat. Les parents réclament légitimement la prise en charge des conséquences de cet accident. Une action en responsabilité est donc engagé devant le juge judiciaire.

En aplication des pouvoirs dont il dispose à l'époque, le préfet de la Gironde, conteste la compétence du juge judiciaire et élève le conflit. L'affaire est portée devant le Tribunal des Conflits

 

PROBLEME POSE 

 

Il s'agit de déterminer, entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif, lequel est compétent pour connaître du litige.

 

SOLUTION DE LA JURIDICTION

 

"La responsabilité, qui peut incomber à l'Etat (...) ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier".

 

UTILITE DE LA DECISION

 

C'est ici que les choses se compliquent un peu.

Seront ici retenues deux "lectures" de cet arrêt, qui ne sont d'ailleurs pas exhaustives.

 

1- L'utilité pratique de l'arrêt Blanco 

Ce que pose ici l'arrêt 

- C'est d'abord que l'Etat peut être jugé responsable des actes qu'il commet. Il y avait eu des précédents dans quelques cas auparavant, mais ici la règle est fixée dans le domaine quasi-délictuel à l'inverse de ce qui existait.

- Il écarte clairement l'usage du droit commun (et donc du Code civil) dans les règles qui s'appliqueront à l'Etat.

- Il indique aussi que, dans ces circonstances, cela ne sera pas le juge civil qui sera compétent, mais le juge administratif, ce que l'on nomme la liaison entre la comptétence et le fond.

Donc, consécration de la responsabilité, de l'autonomie et de la compétence du droit administratif.

Si l'on veut faire de l'histoire juridique, il abandonne la théorie dite de l'Etat débiteur, que le Conseil d'Etat avait préalabalement considérablement limitée dans son application (Conseil d'Etat, 6 décembre 1855, Rotschild).

 

2- L'utilité "mythique" de l'arrêt Blanco

Le terme est emprunté à Bernard Stirn(1).

Comment se fait-il que d'un fait divers, nous en arrivions, via cet arrêt, aux grandes lois du service public (dites lois de Rolland) (2) ?

C'est qu'en réalité la doctrine est  à la recherche d'un critère d'application, si ce n'est de définition du droit administratif. Et autant que possible généraliste.

Cela étant et sur ce point précis, l'arrêt passe inaperçu à l'époque. Le critère applicable demeure celui d'une autre distiction entre actes d'autorité et actes de gestion, du reste appliquée en 1873 , cette fois en mai, toujours par le Tribunal des Conflits, 2 mai 1873, Barthélémy.

Or une école de pensée juridique, celle dite de "Bordeaux" menée par le doyen Duguit voulant faire du critère du service public celui du droit administatif va prendre appui sur l'arrêt en question et les conclusions du commissaire du gouvernement qui y sont assorties. Nous sommes dans une période comprise entre 1903 et 1910.

Sur ce point, la "diffusion doctrinale qui n'a guère d'équivalent" (1) va même s'étendre hors de nos frontières.

Le mythe était né, non pas certes d'une décision insignifiante, mais à laquelle on a fait dire beaucoup.

Il est toujours actuel.

 

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(1) Colloque autour de l'arrêt Blanco, approche comparatiste, RFDA 2023, p 220, voir aussi https://shs.hal.science/halshs-04082770/file/L%27approche%20comparatiste%20de%20la%20jurisprudence%20Blanco%20RFDA%202023.220%20%281%29.pdf

(2) Chapitre 3. D’Agnès Blanco aux lois de Rolland : un fait divers prenant place dans le grand récit de l’Étatn - Par Charles Bosvieux-Onyekwelu Pages 211 à 318-,Croire en l’État -Une genèse de l’idée de service public en France (1873-1940) - Sociologie historique 2020 - Éditions du Croquant

 

Autre référence : droit des services publics - Joël Carbajo - Mémento Dalloz - 1990

- Crirère du service public comme champ d'application du droit administratif - 

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(1 EL - JP ROY)