Les contentieux touchant les locations financières sont très nombreux.
La présente affaire (Cass com. 11 décembre 2024, n°23-11.816), concernant la société GRENKE LOCATION, permet de démontrer que les clauses pénales insérées dans un contrat de location financière peuvent être réduites dans leur montant par les juges, gardien de l'équité.
Définition clause pénale
Une clause pénale est un montant forfaitaire convenu entre deux parties à un contrat, permettant, en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution par l'une des parties de ses obligations, d'indemniser l'autre pour le préjudice subi du fait de la défaillance subie.
Résumé des faits
Le 29 novembre 2013, la société Decoper a conclu avec la société Grenke location un contrat de location longue durée portant sur un standard téléphonique fourni et livré par la société Selectel Networks. Le 20 octobre 2014, la société Grenke location a assigné la société Decoper en paiement de loyers impayés, majorés d'une indemnité de résiliation, et en restitution du matériel.
PROCEDURE
Le 11 septembre 2020, le tribunal judiciaire de STRASBOURG condamne la société DECOPER à s'acquitter des loyers impayés, mais réduit à 3000€ les sommes sollicitées au titre de la clause pénale insérée au contrat, car ladite clause entraînait des conséquences manifestement excessives (GRENKE LOCATION réclamait en application de cette clause la somme de 23.934,30€ augmentée des intérêts au taux légal, soit plus de 25.500€).
Insatisfaite de ce jugement, la société GRENKE LOCATION a interjeté appel, mais a été déboutée par les juges de COLMAR (RG n°20/03124), confirmant le jugement : "les sommes sollicitées au titre de la clause pénale insérée au contrat étaient manifestement excessives et réduit en conséquence l'indemnité de résiliation à la somme de 3000 euros.".
La société GRENKE LOCATION se pourvoit en cassation,et avance deux arguments principaux :
- Les juges d'appel auraient dû prendre en compte le coût réel du matériel pour évaluer la proportionnalité de la clause pénale.
- L’argument de revente ou de relocation du matériel par GRENKE LOCATION repose sur une hypothèse non prouvée, entraînant un défaut de motifs.
Mais est, là encore, GRENKE LOCATION est déboutée au motif que :
- Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier le caractère manifestement excessif d'une clause pénale et évaluer le préjudice réellement subi.
- La Cour d’appel a respecté les principes de proportionnalité et d’équité dans sa décision. L’utilisation d’un motif hypothétique, bien qu'imparfait, ne constitue pas une erreur de droit justifiant une cassation.
QUE RETENIR DE CET ARRÊT ?
Cet arrêt illustre le caractère souverain et discrétionnaire d'appréciation des juges du fond concernant les clauses pénales.
L’article 1231-5 du Code civil leur permet d'office d’ajuster le montant d’une clause pénale qu'ils considèrent manifestement excessive ou dérisoire.
Le juge doit prendre en compte l’intégralité de ce que stipule la clause pénale pour apprécier son caractère manifestement abusif ou dérisoire (Cass. com., 15 mai 2019, n° 18-11.550)
Pour ce faire, les juges doivent vérifier si le montant stipulé est proportionné au préjudice réel subi, en évitant tout enrichissement sans cause.
En l'espèce, on était dans ce cadre, la société GRENKE LOCATION exigeait une indemnisation dépassant l'entendement eu égard au préjudice réellement subi.
Ainsi, pour modérer le montant des clauses pénales, la Cour d’appel avait retenu qu’au regard des échéances réglées, des circonstances particulières de la défaillance, et de l’intérêt que l’exécution partielle du contrat avait procuré à la banque, il y avait lieu de réduire à 3 000 euros la clause pénale contractuellement prévue.
En se déterminant ainsi, par des motifs propres à établir le caractère manifestement excessif du montant de la clause pénale par rapport au préjudice effectivement subi, la cour d'appel a donné une parfaite base légale à sa décision.
Finalement, il est attendu du juge qui souhaite modérer le montant d’une clause pénale de justifier le caractère manifestement excessif du montant concerné, et ce, plus particulièrement, par rapport au préjudice effectivement subi.
A défaut, le juge sera sanctionné par la cassation de sa décision (en ce sens, Cass. com., 11 décembre 2024, n° 23-15.744).
Par ailleurs, la présente affaire rappelle également aux parties l’importance de prévoir des clauses équilibrées et conformes aux exigences de bonne foi et de proportionnalité. Les entreprises doivent être attentives à la rédaction et à la justification des montants stipulés pour éviter de telles révisions judiciaires.
A bon entendeur...
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Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
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