Article paru dans la Revue Jurisprudence Lamy Sociale Lamy n° 305 du 5 septembre 2011

(fichier pdf à télécharger en bas de cet article)

La période d'essai est le temps durant lequel employeur et salarié jugent de leur capacité à travailler ensemble. Elle a pour finalité de permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent (C. trav., art. L. 1221-20). Si cette période d'essai n'est pas obligatoire, elle ne se présume pas pour autant, de sorte qu'elle doit être expressément prévue dans la lettre d'engagement, le contrat travail ou la convention collective (par renvoi du contrat lui-même). D'une durée variable en fonction du type de contrat et de la catégorie professionnelle du salarié, elle peut être renouvelée sous conditions.

Cette période d'essai n'est toutefois pas un avant-contrat ; c'est un contrat de travail à part entière qui nécessite le respect de toutes les clauses prévues au contrat et à la convention collective. Aussi, la période d'essai trouve sa raison d'exister uniquement dans les modalités de sa rupture qui sont dérogatoires au droit commun de la rupture des contrats (licenciement, rupture du CDD pour faute grave... ; C. trav., art. L. 1231-1). Même si elle n'a pas à être motivée, la rupture de la période d'essai reste très encadrée par la jurisprudence qui sanctionne les cas d'abus. L'état actuel du droit exige par ailleurs que certaines règles de preuve et de prévenance soient respectées. À défaut, si le non-respect du délai de prévenance n'a pas pour effet de rendre le contrat de travail définitif, en revanche, les juges s'accordent à reconnaître au salarié un droit à indemnisation, même si une question reste encore à ce jour en suspens, celle de l'étendue de ce droit à réparation. Éléments d'explication.

LA DUREE DU DELAI DE PREVENANCE

La loi de modernisation sociale du marché du travail n° 2008-596 du 25 juin 2008 a donc instauré un délai de prévenance en cas de rupture de la période d'essai par l'une ou l'autre des parties au contrat. Ce délai de prévenance ôte la possibilité de rompre le contrat du jour au lendemain, comme cela se pratiquait souvent auparavant. Dorénavant, il y a donc un préavis à respecter par la partie qui prend l'initiative de la rupture.

En ce qui concerne l'employeur, le délai de prévenance est régi par l'article L. 1221-25 du Code du travail. Désormais, donc, lorsque celui-ci met fin au contrat en cours, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

- vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;

- quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;

- deux semaines après un mois de présence ;

- et un mois après trois mois de présence.

Ce délai de prévenance s'applique aussi bien au contrat à durée indéterminée (CDI) qu'au contrat à durée déterminée (CDD). Toutefois, en ce qui concerne le contrat à durée déterminée, l'article L. 1221-25 du Code du travail précise que, par renvoi à l'article L. 1242-10 du même code, le délai de prévenance ne vaut que pour les CDD ayant une période d'essai d'au moins une semaine. Ce qui veut dire que, pour un CDD dont la période d'essai est inférieure à 7 jours, l'employeur n'a pas à respecter de délai de prévenance.

L'article L. 1221-26 du Code du travail régit quant à lui l'hypothèse de la rupture initiée par le salarié qui, dans ce cas, doit respecter un délai de prévenance plus court. Ce délai est de vingt-quatre heures si sa présence au sein de l'entreprise est d'une durée inférieure à huit jours et quarante-huit heures au-delà. Il n'existe par contre aucune exception au délai de prévenance dû par le salarié, ce qui signifie que ce délai est dû même en présence d'un contrat à durée déterminée dont la période d'essai est inférieure à sept jours.

Il est important de préciser que, selon une jurisprudence classique, la période d'essai commence « au moment de l'engagement », c'est-à-dire à la date où le salarié est « engagé et rémunéré » (Cass. soc., 23 févr. 1983, n° 80-41.596) et se décompte de manière calendaire (Cass. soc., 29 juin 2005, n° 02-45.701, JSL n° 175-2 ; Cass. soc., 28 avr. 2011, n° 09-72.165 et n° 09-40.464, JSL n° 301-4, « sauf clause conventionnelle ou contractuelle contraire, toute période d'essai, qu'elle soit exprimée en jours, en semaines ou en mois, se décompte de manière calendaire »), de sorte qu'elle inclut les jours fériés, les dimanches, les jours non travaillés, soit finalement tous les jours du calendrier. Elle peut néanmoins être suspendue pour cause d'indisponibilité du salarié (tel qu'un arrêt de travail), ce qui entraîne non seulement le report du terme de la période d'essai, mais modifie également la durée même du délai de prévenance.

LE DECOMPTE DU DELAI DE PREVENANCE

Le délai de prévenance court nécessairement à compter de la date de rupture du contrat qui est, selon la Cour de cassation, la date où l'employeur a manifesté la volonté d'y mettre fin. Si aucun formalisme particulier n'est imposé, l'auteur de la rupture doit toutefois être en mesure de prouver qu'elle est bien intervenue et qu'elle a été portée à la connaissance de l'autre partie dans les délais légaux. Cette preuve peut s'avérer déterminante lorsque la rupture intervient à une date proche du terme de la période d'essai. Ainsi, pour éviter qu'une rupture intervienne hors délai et soit requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est conseillé de notifier la rupture de la période d'essai par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (dans ce cas, c'est le jour de l'envoi de la lettre recommandée qui vaut date de rupture, Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-40.650, JSL n° 170-2 ; Cass. soc., 26 sept. 2006, n° 05-44.670, JSL n° 200-5 ; Cass. soc., 28 nov. 2006, n° 05-42.202) ou par une notification écrite remise en main propre contre décharge.

La Cour de cassation juge, en revanche, qu'il ne peut être valablement convenu que le contrat prendra fin du seul fait de l'arrivée à son terme de l'essai (Cass. soc., 13 nov. 1996, n° 93-44.052). Elle n'autorise pas non plus que la rupture puisse résulter d'une déclaration en public en présence d'autres salariés de l'entreprise (Cass. soc., 5 déc. 2001, n° 99-45.758), ou qu'elle soit prouvée par la seule attestation d'un représentant légal de l'employeur (Cass. soc., 11 mai 1999, n° 97-41.245). En d'autres termes, la rupture doit être explicite.

Une fois notifiée, la rupture fait courir le délai de prévenance pour la durée correspondante à la situation du salarié. Le délai de prévenance court alors à compter du lendemain de la signification de la rupture et se décompte de manière calendaire (dimanche et jours fériés compris), comme les durées de présence. Un arrêt de travail qui surviendrait au cours du délai de prévenance n'a pas pour effet de reporter le terme dudit délai. En effet, tout comme le préavis en cas de licenciement ou démission, le délai de prévenance est un délai préfix qui n'est susceptible ni de suspension, ni d'interruption.

Par contre, si la décision de rompre peut valablement intervenir jusqu'au terme de la période d'essai, l'instauration du délai de prévenance ne peut, aux termes de l'article L. 1221-25 du Code du travail, avoir pour effet de prolonger l'exécution du contrat de travail au-delà de la période d'essai. Ainsi, le salarié ne saurait bénéficier du délai de prévenance pour se maintenir dans l'entreprise au-delà de la date de la période d'essai prévue au contrat. La fin de relation des parties est donc au plus tard le terme de la période d'essai, date qui marque pour le salarié la fin du respect des obligations découlant du contrat.

QU'EN EST-IL SI LE TERME DU DELAI DE PREVENANCE DEPASSE LA DATE DE FIN DE PERIODE D'ESSAI ?

Aucune précision n'est apportée par la loi, de sorte que c'est à la jurisprudence qu'il revient d'en fixer le régime. Avant la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, la Cour de cassation avait jugé, à propos d'un délai de prévenance imposé par un contrat de travail, que le non-respect par l'employeur du délai de prévenance n'avait pas pour effet de rendre le contrat définitif, le salarié ne pouvant prétendre qu'à une indemnité compensatrice relative au préavis ne pouvant être exécuté (Cass. soc., 9 janv. 2008, n° 06-45.100, « le non respect par l'employeur d'un délai de prévenance, stipulé par le contrat de travail, n'imposant pas que ce délai s'insère dans la période d'essai et prenne fin avant le terme de cette période, n'a pas pour effet de rendre le contrat définitif »).

Depuis la loi du 25 juin 2008, plusieurs arrêts de cour d'appel ont été rendus et viennent confirmer cette jurisprudence antérieure, sauf à distinguer la nature de la somme versée. La Cour d'appel d'Amiens a rendu deux arrêts aux termes desquels le non-respect du délai de prévenance constitue une irrégularité « ayant nécessairement causé un préjudice à l'intéressé » (CA Amiens, 1er juin 2010, n° 09-4831) ou « ouvrant droit au profit du salarié à une indemnité compensatrice correspondant au préavis non effectué » (CA Amiens, 13 oct. 2010, n° 10-613). La Cour d'appel de Bordeaux a jugé que « le non-respect du délai de prévenance ne peut être sanctionné que par l'allocation de dommages et intérêts correspondant à la partie non respectée du délai » (CA Bordeaux, 21 oct. 2010, n° 09-6360), ce qu'a également retenu la Cour d'appel de Reims (CA Reims, 29 sept. 2010, n° 08-02544). Quant à la Cour d'appel de Dijon, elle s'est prononcée en faveur de l'indemnité compensatrice dans un attendu à valeur de principe, « la loi ne prévoit pas que la durée du préavis doit s'insérer dans la période d'essai et prendre fin avant le terme de celle-ci ; l'inobservation par l'employeur du délai de prévenance n'a pas pour effet de rendre le contrat de travail définitif, ou la résiliation intervenue nulle, mais ouvre droit pour le salarié au versement d'une indemnité compensatrice » (CA Dijon, 24 févr. 2011 n° 10-403).

ARBITRAGE ATTENDU DE LA HAUTE JURIDICTION

Ces arrêts de cours d'appel confirment la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation selon laquelle le non-respect du délai de prévenance n'a pas pour effet de rendre le contrat de travail définitif et donc de requalifier la rupture en un licenciement abusif. Il reste donc à la Cour de cassation à trancher deux points :

- la nature juridique de la somme à verser au salarié ;

- et le cas de poursuite du contrat au-delà de la durée de la période d'essai.

En ce qui concerne la nature juridique de la somme à verser au salarié, il peut s'agir soit d'une somme indemnitaire exempte de cotisations sociales, soit d'un salaire correspondant au préavis non effectué mais soumis à cotisations. C'est cette dernière possibilité qui pourrait avoir les faveurs de la Haute Juridiction puisque le délai de prévenance s'analyse en un véritable préavis. Or, lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse et que le salarié avait été privé de son préavis, l'indemnité octroyée au salarié est une indemnité compensatrice de préavis calculée en salaires et à laquelle s'ajoutent les congés payés afférents. Ainsi, la somme à verser au salarié devrait être une somme salariale soumise à cotisations et à laquelle s'ajoutent les congés payés.

En ce qui concerne le cas de poursuite du contrat au-delà de la durée de la période d'essai, il faut citer l'article L. 1221-25 du Code du travail, qui empêche que le contrat de travail se poursuive après le terme de la période d'essai (dernier alinéa « la période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance »). Dès lors, l'employeur ne saurait exiger l'exécution de tout ou partie du délai de prévenance dans l'hypothèse où la rupture a été notifiée tardivement. À défaut, l'employeur s'expose à ce que le contrat soit requalifié en un contrat à durée indéterminée. En effet, même si la rupture a été notifiée dans les délais, le fait que la relation de travail se poursuive au-delà du terme de la période d'essai emporterait maintien de la relation de travail et donc naissance d'un « nouveau » contrat, en l'occurrence à durée indéterminée compte tenu de l'absence de contrat écrit.

LE CAS DU NON-RESPECT DU DELAI DE PREVENANCE PAR LE SALARIE

L'on a vu que le salarié devait lui aussi respecter un délai de prévenance s'il prenait l'initiative de la rupture de la période d'essai (C. trav., art. L. 1221-26). S'il décidait de quitter l'entreprise sans respecter le moindre délai de prévenance, il s'exposerait à la même sanction que celle susceptible d'être prononcée à l'encontre du salarié démissionnaire et qui aurait quitté l'entreprise sans le respect du préavis contractuellement dû. Dans un tel cas, l'employeur serait en droit de réclamer au salarié une indemnité compensatrice (Cass. soc., 9 mai 1990, n° 88-40.044 « l'indemnité de préavis présente un caractère forfaitaire et est due quelle que soit l'importance du préjudice subi par l'employeur » ; Cass. soc., 24 mai 2005, n° 03-43.037).

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à Dijon (21)

Spécialiste en droit du travail

11 Bd voltaire - 21000 DIJON

03.80.48.65.00

jpschmitt@audard-schmitt.com

http://avocats.fr/space/jpschmitt