Une sanction disciplinaire à l'origine d'un arrêt de travail conduisant à une inaptitude puis un licenciement peut-elle ouvrir un droit à dommages et intérêts ? La Cour de cassation a répondu par l'affirmative dans son arrêt du 6 janvier 2010.

Dans cette affaire, un salarié était surpris en train de passer en caisse avec un matériel à – 50 %. Accusé de vol, l'employeur avait effectué une enquête immédiate en retenant les protagonistes de l'affaire dans un bureau pour comprendre la genèse et le processus exact des événements. Cette mise en cause était survenue de manière publique, de sorte que les collègues avaient vu les protagonistes retenus dans un bureau gardé par un agent de sécurité pendant plus d'une heure. Tout ceci avait donc contribué aux rumeurs de vol. Mis à pied de manière conservatoire et convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, le salarié, qui considérait ne rien avoir à se reprocher, a bénéficié d'un arrêt de travail pour le traumatisme né de cet incident. L'employeur renonçait finalement à le sanctionner et lui demandait donc de reprendre son emploi. Or, le syndrome dépressif réactionnel a eu pour effet de prolonger l'arrêt du salarié qui, au final, fut déclaré inapte et licencié.

Considérant avoir été injustement mis à pied, le salarié a réclamé le versement de dommages et intérêts pour sanction fautive ayant été à l'origine de son licenciement pour inaptitude.

Devant les juges, l'employeur expliquait qu'il n'avait fait qu'user de son pouvoir de direction pour vérifier et examiner les faits susceptibles d'être reprochés à son salarié, ajoutant qu'au final il n'avait pas donné suite à la mise à pied conservatoire en l'absence d'éléments suffisants. Le salarié dénonçait quant à lui la manière dont l'employeur avait géré l'incident (mise en cause publique principalement). La Cour de cassation valide la position des juges du fond qui avaient déclaré fautive la procédure de mise à pied conservatoire, retenant notamment une « mesure particulièrement stigmatisante qui ne se justifiait nullement et qui avait frappé un collaborateur dévoué à la société depuis 22 ans, au passé sans tâche qui s'était vu privé de son outil de travail pendant neuf jours ».

Mais la haute juridiction va plus loin. Elle valide en effet le lien entre la procédure fautive de mise à pied conservatoire et le syndrome anxio-dépressif, lequel a entraîné l'inaptitude physique à tout poste dans l'entreprise et le licenciement. Les juges ont retenu les affirmations du médecin du salarié selon lesquelles l'intéressé n'avait auparavant jamais consulté pour un problème psychologique et qu'il souffrait d'un syndrome causé par un traumatisme psychologique directement en rapport avec son travail.

En conséquence, l'employeur a été condamné à verser au salarié 20.000 euros de dommages et intérêts.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

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Cass. soc. 6 janvier 2010, n° 08-44218 D

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