Le droit du travail protège le salarié contre les intrusions dans son ordinateur professionnel, et ce sur le fondement du respect de la vie privée et du secret des correspondances. La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts sur ce thème (notamment celui du 17 juin 2009 commenté sur ce blog http://avocats.fr/space/jpschmitt/content/le-cas-d-atteinte-aux-libertes...).

La chambre sociale vient de rendre un nouvel arrêt le 21 octobre 2009.

Dans cette affaire, le salarié était soupçonné par son employeur de concurrence déloyale. Pour étayer ses soupçons, l'employeur avait sollicité les services d'un huissier de justice pour explorer l'ordinateur professionnel du salarié. Découvrant alors des fichiers révélant l'activité de concurrence déloyale de son salarié, ce dernier fut licencié pour faute lourde.

Devant les juges prud'homaux, le salarié a soutenu l'irrecevabilité du constat d'huissier et donc du moyen de preuve produit par l'employeur au soutien du licenciement, et ce au motif que les fichiers consultés étaient personnels et ont été ouverts en violation du respect de sa vie privée (article 9 code civil).

Si la cour d'appel a suivi le salarié, cet arrêt a été censuré par la Cour de cassation qui juge que "les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé".

Or, dans cette affaire, il semble que les fichiers en cause n'étaient pas identifiés comme personnels, de sorte qu'ils pouvaient librement être consultés par l'employeur qui peut donc s'en prévaloir pour asseoir le licenciement.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Soc. 21 octobre 2009 n° 07-43877

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 21 octobre 2009

N° de pourvoi: 07-43877

Publié au bulletin Cassation

Mme Collomp (président), président

Me Foussard, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat(s)

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui était employé par la société Seit Hydr'Eau depuis le 19 janvier 1981 en qualité de chef d'établissement et en dernier lieu de responsable commercial marketing, a été licencié pour faute lourde le 16 mars 2004 pour avoir préparé le démantèlement de son entreprise en participant à la mise en place d'une structure directement concurrente en se rapprochant de la société Marteau ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour décider que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à ce titre, l'arrêt énonce que, selon le constat, l'huissier, qui a ouvert l'ordinateur en l'absence du salarié, a accédé après ouverture de l'explorateur à un répertoire nommé JM lequel comportait un sous répertoire nommé personnel et un sous répertoire nommé Marteau, et reproduit ensuite les documents trouvés dans le sous répertoire intitulé Marteau ; qu'il retient qu'il est évident que JM signifie Jean Michel, prénom de M. X..., qu'il est invraisemblable que le disque dur n'ait pas contenu de répertoires professionnels identifiés comme tels et que dès lors, le répertoire JM devant être considéré comme personnel, l'huissier n'aurait pas dû l'ouvrir ;

Attendu cependant que les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le répertoire n'était pas identifié comme personnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille neuf.