Au terme de l'arrêt de travail, le salarié doit normalement réintégrer son poste après avoir été examiné par le médecin du travail dans le cadre d'une visite de reprise. En effet, dans les cas d'arrêts suivants, la visite de reprise est obligatoire ;

- maladie professionnelle

- congé maternité

- accident de travail ayant conduit à un arrêt d'au moins 8 jours,

- maladie ayant conduit à un arrêt d'au moins 21 jours,

- et en cas d'absences répétées pour raisons de santé.

Selon l'article R4624-22 du code du travail, l'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié, ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures.

Cet examen doit avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours. Et c'est à l'employeur de prendre l'initiative d'organiser cette visite de reprise, à défaut de quoi il manque à son obligation de sécurité de résultat (ce qui signifie que l'employeur pourrait être déclaré responsable du préjudice subi par le salarié ; cas d'un nouvel accident sur le lieu de travail). Précisons toutefois que le salarié peut lui même solliciter la visite soit auprès de son employeur, soit directement auprès du médecin du travail auquel cas l'employeur devra en être avisé.

Mais tant que le salarié bénéficie d'arrêts de travail et même si le médecin de la caisse de sécurité sociale considère le salarié apte à reprendre le travail, l'employeur n'est pas dans l'obligation de convoquer le salarié à la visite de reprise.

Quel est l'effet juridique de la visite de reprise ?

D'abord, cette visite s'impose au salarié, de sorte que s'il refuse de s'y soumettre, il commet une faute susceptible de conduire à son licenciement.

Mais surtout, seule cette visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail. En effet, ni l'expiration de l'arrêt de travail établi par le médecin traitant, ni la consolidation du salarié, ni la déclaration d'aptitude rendu par la CPAM, ni même la cessation de prise en charge de l'arrêt au titre de l'accident du travail ne mettent fin à la suspension. Seule la visite de reprise effectuée par le médecin du travail met fin à la suspension, à condition bien sûr que le salarié soit déclaré apte à reprendre son emploi.

C'est sur ce point que revient l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 25 mars 2009. Dans cette affaire, le salarié avait été arrêté pendant plus de 8 jours à la suite d'un accident du travail. A l'issue de son arrêt, il avait repris le travail sans que l'employeur ne se préoccupe de le faire voir par le médecin du travail. Pour autant, aucune des deux parties au contrat ne s'en était offusquée, à tel point d'ailleurs que le salarié avait travaillé normalement pendant plusieurs mois. Ceci jusqu'à ce que le salarié ne se présente plus à son poste. Mis en demeure par son employeur de justifier son absence ou de réintéger son emploi, le salarié ne répondit pas. Sûr de tenir là un manquement grave de son salarié, l'employeur a alors notifié un licenciement pour faute grave en invoquant l'abandon de poste et la désorganisation de l'entreprise.

Contestant son licenciement, le salarié a expliqué qu'aucune visite de reprise n'avait été effectuée à l'issue de son accident du travail et que donc, le contrat était toujours suspendu, de sorte que son employeur ne pouvait pas lui reprocher un abandon de poste.

C'est ce qu'a admis la cour de cassation dans un attendu des plus précis ; « en l'absence de visite de reprise, le contrat de travail est toujours suspendu, de sorte que l'employeur ne peut résilier le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident, de maintenir ledit contrat ».

Or, en l'espèce, si le licenciement avait bien été prononcé pour faute grave, les faits justifiant la faute grave (abandon de poste) ne pouvaient être reprochés dès lors qu'en l'absence de visite de reprise, le contrat était resté suspendu, même après plusieurs mois de travail.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Cass. Soc. 25 mars 2009 pourvoi n° 07-44.408

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 25 mars 2009

N° de pourvoi: 07-44408

Publié au bulletin Rejet

M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Mme Capitaine, conseiller rapporteur

M. Deby, avocat général

Me Balat, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 juillet 2007) que M. X..., engagé en qualité de chauffeur VL le 24 janvier 2003 par la société TNT Jet Sud-Ouest et exerçant en dernier lieu la fonction de chef de trafic, a été victime d'un accident du travail le 1er avril 2004 ; qu'il a repris son activité sans être soumis à la visite médicale de reprise ; qu'il a été licencié pour faute grave le 19 octobre 2004 tenant à son absence sans autorisation ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement était nul et de l'avoir condamné à payer diverses sommes au salarié, alors, selon le moyen :

1°/ que la suspension du contrat de travail du salarié cesse lorsqu'il reprend effectivement le travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail, n'aurait-il pas bénéficié d'une visite de reprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté qu'à la suite d'un accident du travail, le salarié avait été placé en arrêt de travail jusqu'au 11 avril 2004 pour une durée supérieure à huit jours, puis avait repris le travail sans cependant avoir été soumis à la visite de reprise ; qu'en jugeant que le licenciement pour absences injustifiées depuis le 7 septembre 2004 aurait été prononcé à une période à laquelle, à défaut de visite de reprise, le contrat de travail était toujours suspendu, et que le fait pour le salarié de ne pas avoir travaillé alors qu'il n'y était pas tenu ne pouvait dès lors constituer une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 122-32-2 et R. 241-51 du code du travail, et L. 122-14-3, L. 122-14-4, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du même code ;

2°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner les motifs de rupture tels qu'ils sont formulés dans la lettre de licenciement ; que constitue une faute grave le fait pour un salarié absent de laisser l'employeur dans l'ignorance de sa situation malgré des demandes répétées, peu important l'absence de visite de reprise au terme d'un arrêt de travail antérieur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que dans la lettre de licenciement, l'employeur reprochait au salarié de n'avoir pas justifié de son absence à compter du 7 septembre 2004 et plus encore, d'être resté sourd à ses demandes de justification adressées les 10 et 16 septembre suivants ; qu'en se bornant à relever que le salarié de retour dans l'entreprise n'aurait pas été tenu de travailler faute de visite de reprise, sans se prononcer sur le fait que le salarié s'était à nouveau absenté en laissant son employeur dans l'ignorance de sa situation malgré des demandes répétées, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 230-2 I, devenu L. 4121-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l'article R. 241-51, alinéa 1, devenu R. 4624-21 du code du travail, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures ; qu'à défaut, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit à la sécurité dans le travail a ainsi été méconnu, que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident, de maintenir ledit contrat ;

Et attendu que la cour d'appel ayant constaté que le salarié n'avait pas, à l'issue d'un arrêt de travail du 1er au 11 avril 2004, été soumis à la visite de reprise et que les faits qui lui étaient reprochés consistaient à ne pas avoir repris le travail à une date à laquelle il n'y était pas tenu, a pu décider qu'ils n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société TNT Jet Sud-Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société TNT Jet Sud-Ouest à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille neuf.