En cas d'arrêt maladie, le droit du travail enseigne que le contrat de travail est suspendu. L'employeur ne peut bien évidemment pas tirer grief de cette absence pour sanctionner son salarié, à défaut de quoi il s'agirait d'une mesure discriminatoire. La seule exception est l'inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail à l'issue de deux visites espacées de 15 jours (ou une seule visite en cas de danger immédiat), inaptitude autorisant alors le licenciement à défaut de reclassement possible.

Mais il existe un autre cas de rupture consécutive à l'arrêt maladie du salarié. C'est le cas où cet arrêt perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise compte tenu des absences prolongées ou répétées du salarié. En l'espèce, l'employeur avait pris la disposition de licencier son salarié absent pour maladie en expliquant longuement dans la lettre de licenciement les pertubations engendrées par cette absence. La Cour d'appel puis la Cour de cassation (arrêt du 8 avril 2009) considèrent toutes deux que la lettre de licenciement qui s'appuie sur l'absence prolongée ou répétée d'un salarié malade entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif doit mentionner, outre l'existence des perturbations dans l'entreprise, la nécessité de ce remplacement.

Or, l'employeur n'avait pas mentionné à la lettre ce remplacement, ce qui autorisait le salarié à soutenir devant les juges la motivation insuffisante de la lettre et donc l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Pour répliquer à cet argument, l'employeur avait expliqué que la lettre de licenciement faisait elle même état des difficultés à trouver du personnel en contrat précaire pour un poste de nuit bien que de nombreuses recherches aient été effectuées. Ainsi, il répondait que cette motivation suffisait à démontrer le remplacement nécessaire et définitif du salarié absent.

La Cour de cassation n'a rien voulu savoir et a donc sanctionné l'employeur pour ce défaut de motivation. Elle juge en effet que l'employeur ne s'était pas prévalu dans la lettre de licenciement de la nécessité de procéder au remplacement du salarié et que donc, le licenciement n'était pas justifié.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Cass. Soc. 8 avril 2009 pourvoi n° 07-43.909

------------------------------------------------

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 8 avril 2009

N° de pourvoi: 07-43909

Publié au bulletin Rejet

M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Defrenois et Levis, avocat(s)

--------------------------------------------------------------------------------

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juin 2007), qu'engagé le 15 juin 1985 par la société de l'Hôtel West End, M. X..., qui a, le 3 mai 2004, été victime d'un accident cardiaque ayant entraîné un arrêt de travail, a été licencié le 11 mai 2005 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement et de l'avoir condamné à payer une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la lettre de licenciement qui s'appuie sur l'absence prolongée ou répétée d'un salarié malade entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif doit mentionner, outre l'existence de perturbations dans l'entreprise, la nécessité de ce remplacement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement adressée à M. X... faisait état des difficultés à "trouver du personnel en contrat précaire pour un poste de nuit bien que nous ayons multiplié les recherches" ; qu'en considérant que cette motivation pourtant très explicite ne constituait pas la référence à la nécessité de remplacer définitivement le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-2 du code du travail ;

Mais attendu qu'est insuffisamment motivée la lettre de licenciement qui ne mentionne pas expressément, outre la perturbation du fonctionnement de l'entreprise, la nécessité du remplacement du salarié absent en raison de son état de santé ; que l'employeur ne s'étant pas prévalu, dans la lettre de licenciement dont elle cite les termes, de la nécessité de procéder au remplacement du salarié, la cour d'appel a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 122-14-2, alinéa 1, devenu L. 1232-6 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société de l'Hôtel West End aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la société de l'Hôtel West End et la condamne à payer à la SCP Defrenois et Levis la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat aux Conseils pour la société de l'Hôtel West End

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Fabrice X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société HOTEL WEST END à lui verser la somme de 75.000 à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QUE « de première part, la lettre de licenciement ne satisfait pas aux exigences légales de motivation, dans la mesure où, si elle explicite longuement les perturbations occasionnées par l'absence prolongée de Monsieur Fabrice X..., en revanche elle ne mentionne pas la nécessité de procéder à son remplacement définitif ; que de deuxième part, un tel remplacement définitif n'apparaissait nullement nécessaire dès lors que s'agissant d'un travail peu qualifié exigeant tout au plus quelques semaines de formations, l'employeur pouvait aisément recruter un remplaçant temporaire par contrat de travail à durée déterminée ; qu'en conséquence, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de l'ancienneté de 20 ans du salarié, qui a été privé d'une situation d'une stabilité exceptionnelle, et des autres éléments de la cause, notamment ses problèmes de santé rendant plus difficile l'embauche par un autre employeur, la Cour dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour allouer à Monsieur X... la somme de 75.000 qu'il sollicite à titre de dommages et intérêts » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la lettre de licenciement qui s'appuie sur l'absence prolongée ou répétée d'un salarié malade entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif doit mentionner, outre l'existence de perturbations dans l'entreprise, la nécessité de ce remplacement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement adressée à Monsieur X... faisait état des difficultés à « trouver du personnel en contrat précaire pour un poste de nuit bien que nous ayons multiplié les recherches » ; qu'en considérant que cette motivation pourtant très explicite ne constituait pas la référence à la nécessité de remplacer définitivement le salarié, la Cour d'appel a violé l'article L.122-14-2 du Code du Travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE l'exposante offrait de justifier qu'à la suite de l'absence de Monsieur X... elle avait entrepris de nombreuses démarches pour le remplacer y compris en s'adressant à l'ANPE locale pour recruter un salarié à durée déterminée, ce qu'elle n'était pas parvenue à faire ; que l'exposante justifiait en outre de ce que l'absence prolongée et indéterminée de Monsieur X... perturbait gravement la bonne marche de l'entreprise, raison pour laquelle elle avait été contrainte de remplacer définitivement Monsieur X... par un salarié de l'entreprise (M. Z...), lui-même ayant été remplacé à son poste par un autre salarié qui avait été engagé à durée indéterminée ; que dès lors prive sa décision de toute base légale au regard des articles L.120-4, L.122-14-3 et L.122-45 du Code du Travail, la cour d'appel qui se borne à affirmer de manière générale et abstraite que le remplacement de Monsieur X... n'apparaissait « nullement nécessaire » dès lors que son travail était « peu qualifié et exigeait tout au plus quelques semaines de formations » (arrêt, p.6, al.5), sans s'expliquer sur les éléments objectifs et concrets cidessus évoqués, lesquels établissaient qu'en dépit des efforts accomplis par l'employeur pour pallier les effets de l'absence prolongée de Monsieur X..., le remplacement définitif de ce dernier était devenu indispensable à la bonne marche de l'entreprise ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE viole l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, la cour d'appel qui affirme que « l'employeur pouvait aisément recruter un remplaçant temporaire par contrat de travail à durée déterminée » (arrêt, p.6, al.6), sans répondre aux conclusions de la société HOTEL WEST END qui faisaient valoir -sans être contredites sur ce point- que dès le premier arrêt maladie de Monsieur X..., l'employeur avait lancé une campagne de recrutement auprès de l'ANPE mais que celle-ci offrait déjà à cette époque 9 postes de « night auditor » qui ne trouvaient pas candidat, ce qui était ainsi de nature à établir objectivement la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié absent dont aucune date de retour à brève ou moyenne échéance ne pouvait être envisagée ;

QU' au surplus, en affirmant que le remplacement définitif de Monsieur X... n'apparaissait « nullement nécessaire », sans s'expliquer sur les motifs du jugement selon lesquels, d'une part, l'activité de « night auditor » dans un hôtel quatre étoiles à NICE demandait une qualification de réceptionniste ayant la connaissance des langues anglaise et italienne et que l'expérience exigée de deux ans n'est pas abusive et, d'autre part, qu'il s'agissait d'un emploi sensible et de confiance (jugement, p.3, al.1 et 2), la cour d'appel, qui s'est déterminée par des considérations abstraites et générales sans tenir compte de la situation concrète de l'employeur, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.120-4, L.122-14-3 et L.122-45 du Code du Travail.