Le vendredi 12 septembre 2025, sur le réseau social X, la préfecture du département des Landes faisait part de sa volonté de lutter plus efficacement contre le téléphone tenu en main au volant. Cette annonce se faisait dans un but affiché de prévention routière. Cette suspension administrative du permis de conduire pour téléphone tenu en main est en vigueur dans le département des Landes depuis le 1er novembre dernier. Il convient donc de s’intéresser sur le fait de savoir si une telle mesure est légale ?
En France, il est estimé qu’en 2023, l’utilisation du téléphone au volant serait impliquée dans 25 % des accidents corporels et de 10 % des accidents mortels. En 2024, 80 % des automobilistes et 62 % des motards déclaraient utiliser leur téléphone en conduisant[1]. Dans les Landes, depuis le 1er janvier 2025, c’est presque 3.200 verbalisations pour téléphone au volant[2].
Pour lutter contre ce fléau et face à l’augmentation des accidents mortels, le Préfet des Landes a décidé de durcir les règles et de suspendre le permis de conduire de tout conducteur tenant le téléphone en main à compter du 1er novembre 2025[3].
Se pose la question de la légalité d’une telle mesure. Un préfet peut-il suspendre le permis d’un conducteur tenant son téléphone en main ?
En France, deux types de suspension du permis de conduire peuvent être prononcés : la suspension judiciaire, prononcée par un tribunal en tant que peine ; et la suspension administrative, prise par le Préfet en guise de mesure de sureté face à un comportement dangereux.
Ainsi, le préfet a la possibilité de prononcer la suspension administrative du permis de conduire d’un conducteur contrevenant que dans des cas restrictifs. De manière générale, un préfet peut suspendre un permis de conduire que pour les infractions au Code de la route les plus graves : conduite sous l’emprise de l’alcool, conduite après usage de stupéfiants, refus de se soumettre aux vérifications de l’état alcoolique ou aux stupéfiants, délits de fuite, accidents mortels ou corporels de la circulation, excès de vitesse supérieur à 40 km/h[4]. La suspension du permis de conduire alors peut être de 6 mois à 1 an en fonction de l’infraction commise par le conducteur.
Depuis un décret en date du 18 mai 2020[5], la suspension du permis de conduire pour téléphone tenu en main par le conducteur est possible lorsque cette infraction est cumulée avec une autre infraction. Autrement dit, la suspension du permis de conduire par le préfet n’est possible que lorsque la conduite avec le téléphone tenu en main est commise en même temps qu’une autre infraction. En outre, il ne peut s’agir de n’importe quelle autre infraction. L’article R.224-19-1 du code de la route liste expressément les infractions pouvant entraîner la suspension administrative du permis de conduire lorsqu’elle est cumulée avec l’utilisation du téléphone au volant : non-respect de l’obligation de circuler sur le bord droit de la chaussée, non-usage du clignotant lors du changement de direction, non-respect des distances de sécurité, non-respect des règles de dépassement (dépassements dangereux), excès de vitesse, non-respect des feux de signalisation (feu rouge), non-respect d’un stop ou d’un cédez-le-passage, non-respect de la priorité des piétons, non-respect des règles de croisement,….
Ainsi, à première vue, la suspension administrative du permis de conduire par le préfet des Landes pour simple usage du téléphone au volant en conduisant (sans autre infraction) ne semble pas légale.
Toutefois, il semblerait que le préfet des Landes fonderait ses décisions sur l’article L.224-7 du code de la route qui permet au représentant de l’Etat dans le département (autrement dit le Préfet) de suspendre à titre provisoire le permis de conduire lorsque le conducteur commet une infraction pour laquelle la suspension du permis de conduire est prévue à titre de peine complémentaire[6]. Or, l’article R.412-6-1 du code de la route réprime l’usage du téléphone tenu en main lors de la conduite d’un véhicule d’une contravention de 4ème classe, soit une amende forfaitaire d’un montant de 135 €. En outre, l’alinéa 5 de ce même article prévoit la suspension du permis de conduire à titre de peine complémentaire. Ainsi, l’article L.224-7 du code de la route donnant la possibilité au représentant de l’Etat de suspendre le permis de conduire à titre provisoire semble pouvoir trouver à s’appliquer.
Ainsi, il semblerait que le Préfet des Landes puisse suspendre administrativement le permis de conduire d’un conducteur tenant son téléphone en main sur ce fondement. Toutefois, une telle pratique semble contraire aux dispositions du décret en date du 18 mai 2020 qui prévoit qu’une telle suspension n’est possible qu’en cas de cumul d’infraction.
Il convient dès lors d’attendre les premières décisions qui seront rendues par le Tribunal Administratif suite aux contestations qui seront très certainement élevées à l’encontre des décisions de suspension du Préfet du département des Landes.
[1] Sécurité routière : Cette pratique est responsable de 25 % des accidents - Auto Plus : Sécurité routière : cette pratique cause 25 % des accidents
[2] Sécurité routière : le préfet des Landes prêt à suspendre le permis en cas de téléphone au volant – Ouest-France : Sécurité routière : le préfet des Landes prêt à suspendre le permis en cas de téléphone au volant
[3] Réseau social X, post du 12 septembre 2025, Préfet des Landes :
#SécuritéRoutière | Les chiffres de l’accidentalité dans les #Landes restent préoccupants. Pour y faire face, une expérimentation sera lancée dès le mois d’octobre sur l'usage du téléphone portable au volant. Une phase pédagogique : durant le mois d'octobre, les forces de sécurité avertiront les contrevenants et les inviteront à changer leur comportement au volant afin de préserver la sécurité de tous. Début novembre, au vu des résultats et si les comportements n'évoluent pas, le préfet pourra alors prononcer la suspension administrative du permis de conduire. Changeons nos comportements, préservons la sécurité de tous.
[4] Articles L.224-1 & L.224-2 du code la route
[5] Décret n°2020-605 du 18 mai 2020 portant diverses dispositions en matière de sécurité routière – Article R.224-19-1 du code de la route
[6] Article L. 224-7 du code de la route : « Saisi d'un procès-verbal constatant une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, le représentant de l'Etat dans le département où cette infraction a été commise peut, s'il n'estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n'en est pas titulaire. Il peut également prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire à l'encontre de l'accompagnateur d'un élève conducteur lorsqu'il y a infraction aux dispositions des articles L. 234-1 et L. 234-8 et aux dispositions des articles L. 235-1 et L. 235-3 ».

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