LA LOI DU 5 JUILLET 1985 NE S’APPLIQUE PAS À UN VEHICULE TERRESTRE A MOTEUR GARÉ DANS LE HALL D’ENTRÉE D’UN IMMEUBLE QUI EST UN LIEU IMPROPRE AU STATIONNEMENT. 

Cass. Civ. 2ème, 26 Novembre 2020, N°18-26.846

 

Le 10 décembre 2006, Mme X... a été grièvement blessée à l'occasion d'un incendie survenu dans un immeuble d'habitation dans lequel elle louait un appartement et dont était propriétaire une SCI, assurée auprès de la Matmut.

L'enquête a établi que le foyer de l'incendie se situait dans le hall de l'immeuble, à l'endroit où était garé un scooter appartenant à un autre locataire, M. K..., assuré au titre de sa responsabilité civile auprès de la société Allianz (contrat MRH), alors qu'il procédait à des réparations sur cet engin, que l'incendie s'était propagé à l'immeuble et que Mme X... avait voulu sortir de son appartement par la fenêtre et avait chuté au sol. Après avoir sollicité en vain de la part de la Matmut puis de la société Allianz, l'indemnisation de son préjudice, Mme X... a assigné la SCI, la Matmut, M. K..., la société Allianz et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages en responsabilité et indemnisation.

La cour d’appel retient la responsabilité de M.K… sur le fondement de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil (devenu l’article 1242, alinéa 2) et condamne la société Allianz à garantir M.K…

L’assureur forme un pourvoi reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir retenu l’application de la loi du 5 juillet 1985.

La Cour de cassation valide la position des juges du fond .

En effet, après avoir relevé qu'en cas d'incendie provoqué par un véhicule terrestre à moteur se trouvant en stationnement, y compris dans un lieu privé et clos, la loi du 5 juillet 1985 peut s'appliquer, mais à la condition qu'il s'agisse d'un lieu où la circulation est possible, autorisée, prévue et aménagée à cet effet, l'arrêt retient que l'incendie en cause est survenu dans le hall d'entrée d'un immeuble qui avait été auparavant un garage, mais qui était devenu interdit à la circulation et au stationnement des véhicules à moteur, et avait été aménagé à cette fin, et que le scooter de M. K... se trouvait donc immobilisé dans un lieu d'habitation impropre à cette destination de stationnement. La cour d’appel en a exactement déduit que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 devaient être écartées.

Le contrat MRH (Multi-Risques Habitation) souscrit par M.K… comportait l’exclusion de garantie suivante: « Toutefois nous ne garantissons pas au titre de la garantie « Votre responsabilité civile vie privée »: - les dommages en et hors circulation dans laréalisation desquels est impliqué un véhiculeterrestre à moteur soumis à l'obligationd'assurance automobile ».

En d’autres termes, le contrat MRH excluait les sinistres relevant de la loi du 5 juillet 1985.

C’est la raison pour laquelle ALLIANZ soutenait, dans son pourvoi, que la loi du 5 juillet 1985 était applicable.

Le FGAOD (Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages en responsabilité et indemnisation) étant dans la procédure, on peut penser que le scooter n’était pas assuré en « RC auto ».

Cet arrêt vient confirmer la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation.

En effet, en 2003, la Cour de cassation avait estimé que la loi du 5 juillet 1985 n’est pas applicable lorsque « le VTAM (véhicule terrestre à moteur ndr.) était en stationnement dans un lieu d’habitation impropre à cette destination » (Voir : CASS CIV 2, 26 juin 2003, n°00-22.250).

Dans cet arrêt de 2003, un cyclomoteur stationné dans l’entrée d’un immeuble collectif avait pris feu pour une cause indéterminée et l’incendie s’était propagé à des appartements.

Pourquoi nous raconter tout cela, me direz vous, car même si l'assureur du véhicule à l'orgine de l'incendie n'a pas à mobiliser ses garanties au titre de la loi de 1985, l'assureur MRH indemnisera le sinistre de toute façon ?

Et bien la différence est de taille, surtout pour la victime, car cette dernière, lorsque la garantie obligatoire de l'assureur au titre de la loi de 1985 s'applique, dispose d'un droit à indemnisation dont le débiteur (à savoir le gardien du véhicule à l'origine de l'incendie), ne peut pas s'exonérer ni par le fait d'un tiers ni par la force majeure ( c'est l'article 2 de la Loi n° 85.677, 5 juillet 1985).

En revanche, lorsque s'applique l' ancien article 1384 alinéa 2 du code civil (désormais 1242, alinéa 2), c'est à dire lorsque la loi de 1985 ne peut pas s'appliquer et que l'on doit se placer sur le terrain de la responsabilité délictuelle, non seulement il appartient à la victime de prouver la faute du gardien du véhicule à l'origine de la communication d'incendie (Civ. 2e, 11 janvier 1995, Bull. Civ. II, n° 21), mais ce dernier est toujours en droit d'invoquer le fait d'un tiers ou la force majeure... 

Bref, ne garez plus vos scooters dans les halls d'immeuble!