Dans le cadre des marchés publics, la proposition d'un prix compétitif est cruciale pour remporter le contrat. Toutefois, l’écueil auquel peuvent être confrontés les candidats est de remettre une offre particulièrement basse que l’acheteur public pourrait interpréter comme « anormalement basse » au sens des dispositions de l’article L.2152-5 du code de la commande publique. Cet article vise à guider les candidats vers cet équilibre délicat entre compétitivité tarifaire et conformité aux régulations édictées par le Conseil d'État et la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui contraignent les pouvoirs adjudicateurs dans leur analyse.
Par une décision du 14 mars 2023, le Conseil d'État rappelle l'importance de traiter prudemment les offres anormalement basses, tout en reconnaissant la légitime volonté des candidats de proposer des prix compétitifs.
A cet égard, il indique que si une offre anormalement basse « est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché », il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé, sans être tenu de lui poser des questions spécifiques. (art L. 2152-6, al. 2 CCP)
A partir de là, il appartient au candidat de soigner particulièrement sa réponse puisqu’il doit convaincre le pouvoir adjudicateur que son offre est viable et constituée de prix suffisants pour rémunérer correctement les prestations confiées.
L'analyse minutieuse des coûts de réalisation du projet est incontournable. Elle permet de proposer un prix attractif sans compromettre la qualité et la rentabilité du projet. Intégrer dans une offre les réglementations environnementales, sociales et du travail est désormais impératif et doit être visible de l’acheteur.
Pour cela, une communication transparente sur la composition de l’offre est essentielle. Présenter clairement les justifications du prix proposé est indispensable, démontrant ainsi sa compétitivité. De la même façon, si l’offre comporte une remise commerciale tenant le faible niveau d’activité du candidat au moment de l’offre, il convient de l’indiquer explicitement dès la remise de l’offre ou lors de l’interrogation du pouvoir adjudicateur.
La notion de prix abusivement bas, qui est, en droit de la concurrence, définie par l’article L 420-5 du code de commerce, ne s’applique pas aux offres remises dans le cadre d’une procédure d’attribution de marchés publics. L’acheteur ne peut en effet être assimilé à un consommateur.
Si le candidat échoue dans la démonstration de la viabilité de son offre, l’acheteur est tenu de l’écarter, il n’a d’autre choix.
En effet, tant en interne que vis-vis à des autres candidats, l’acheteur doit être en capacité de justifier le bien-fondé du choix de l'offre retenue et sa viabilité économique.
La CJUE a récemment précisé les contours de l'obligation de motivation envers les candidats évincés. En réponse à la demande expresse d’un candidat dont l’offre n’aurait pas été retenue, le pouvoir adjudicateur est tenu de motiver sa décision en fournissant les raisons détaillées qui l’ont conduit à ne pas considérer l’offre retenue comme anormalement basse et cela, même lorsqu’elle ne lui était pas apparue irrecevable lors de son contrôle.
En effet, le refus de communication de ces éléments serait de nature à priver les candidats de leur droit à un recours effectif garanti par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Ainsi, le pouvoir adjudicateur doit vérifier de façon détaillée la composition de l’offre retenue afin de pouvoir en exposer les mérites mais également, dans l’hypothèse où une demande serait formulée sur ce fondement, les éléments justifiant le caractère non anormalement bas de cette offre.
Si les candidats doivent être particulièrement vigilants quant au montage de leur offre de prix, l’acheteur se doit d’être d’une rigueur constante à toutes les étapes de l’analyse car il s’expose à un risque contentieux quel que soit sa décision, soit de la part du candidat auteur de l’offre qu’il juge anormalement basse, soit de la part d’un candidat évincé qui estime l’offre retenue anormalement basse…
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