Vente immobilière - responsabilité décennale et désordres évolutifs

 

 

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 mai 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 422 F-D

Pourvoi n° T 20-10.676

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 août 2020.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

1°/ M. [N] [F],

2°/ Mme [W] [W],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° T 20-10.676 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre - section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [P] [T], domicilié [Adresse 3],

3°/ à Mme [U] [L], divorcée [T], domiciliée [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [F] et de Mme [W], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société SMA, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 novembre 2019), par acte du 30 juin 2009, M. [T] et Mme [L] ont vendu une maison d'habitation à M. [F] et Mme [W], avec une clause d'exclusion de garantie des vices cachés.

2. L'acte de vente précisait que des travaux de ravalement de façade avaient été exécutés en janvier 2009 par la société ER prévention de l'habitat (la société ER), assurée au titre de sa responsabilité décennale auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient la société SMA.

3. Des fissures étant apparues sur les façades, les acquéreurs, après expertise, ont assigné les vendeurs et la société SMA aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [F] et Mme [W] font grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit engagée la responsabilité décennale de la société ER pour manquement à son obligation d'information et de conseil, dit mobilisable la garantie de la société SMA en raison de l'intervention de son assurée sur l'activité déclarée et condamné cette dernière au titre de l'intégralité des travaux de reprise des désordres et du préjudice de jouissance et, statuant à nouveau et y ajoutant, de rejeter leurs demandes formées au titre des fissures, alors :

« 1°/ que la responsabilité de plein droit d'un entrepreneur peut être recherchée lorsque les travaux qu'il a réalisés ont aggravé les désordres initiaux ; que la cour d'appel a constaté que les travaux avaient improprement été qualifiés d'agrafage sur la facture, s'agissant en réalité de simple colmatage ou remplissage des fissures ; qu'en se contentant de dire, pour écarter la responsabilité décennale de la société ER ainsi que la garantie de son assureur de responsabilité, que les travaux qu'elle avait mis en oeuvre pour traiter les fissures, malgré leur insuffisance, n'étaient pas à l'origine des désordres et ne les avaient donc pas aggravés, sans rechercher si l'enduit et le colmatage des fissures que l'entrepreneur avait réalisés, n'avaient pas favorisé, en masquant les désordres et en trompant ainsi la vigilance des acquéreurs, leur aggravation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

2°/ que, la garantie de l'assureur concerne le secteur d'activité professionnelle déclaré par l'assuré ; qu'en l'espèce, la société ER a souscrit une assurance responsabilité obligatoire auprès de la société SMA au titre notamment de l'activité de ravalement ; qu'en relevant, pour dénier à M. [F] et Mme [W] le bénéfice de cette assurance, qu'en procédant au colmatage et au remplissage des fissures, la société ER avait exercé une activité non assurée, quand les travaux de ravalement d'une façade d'une maison en crépi, qui consistent à remettre à neuf le parement d'un ouvrage de maçonnerie, incluent nécessairement le colmatage et le remplissage des fissures, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1101 et 1103, anciennement 1134 du code civil, ensemble, L.243-8 et A.243-1 du code des assurances ;

3°/ qu'en toute hypothèse, dès lors qu'un entrepreneur a été chargé de travaux relevant de l'activité qu'il a assurée au titre de l'assurance de responsabilité obligatoire, son assureur ne peut refuser sa garantie à un tiers en arguant de ce que les modalités d'exécution de l'activité déclarée n'entrent pas dans l'objet du contrat d'assurance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a exactement rappelé que M. et Mme [T] avaient confié à la société ER le ravalement des façades de leur maison, activité pour laquelle l'entreprise avait souscrit une assurance responsabilité auprès de la société SMA ; qu'en relevant, pour débouter les exposants de leur demande en garantie par la société SMA, qu'à l'occasion de ces travaux de ravalement, la société ER avaient effectué des travaux de colmatage et de remplissage des fissures relevant de la maçonnerie pour lesquels elle n'était pas assurée, la cour d'appel, qui s'est attachée à tort aux conditions d'exécution de l'activité de ravalement, a statué à la faveur d'une motivation inopérante à écarter la garantie de l'assureur, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.243-8 et A.243-1 du code des assurances. »





Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a souverainement retenu, au vu du rapport d'expertise, que les travaux réalisés par la société ER et leur insuffisance n'avaient pas occasionné les diverses fissures constatées, pas plus qu'ils ne les avaient aggravées et que ces fissures, qui étaient imputables à la seule sensibilité des sols aux phénomènes de retrait et gonflement, s'étaient rouvertes en raison du caractère inadapté du traitement mis en oeuvre.

6. Elle en a déduit à bon droit que la responsabilité décennale de cette société n'était pas engagée, sans être tenue de procéder à une recherche non demandée sur l'affaiblissement de la vigilance des acquéreurs, et a, par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par les deuxième et troisième branches, légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. M. [F] et Mme [W] font grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de leurs demandes dirigées contre M. [T] et Mme [L], alors « que, la clause d'exonération de la garantie des vices cachés contenue dans un acte de vente ne peut recevoir application si le vendeur est de mauvaise foi, c'est-à-dire s'il connaissait au moment de la vente le vice affectant la chose et a omis d'en avertir l'acheteur ; qu'en se bornant à relever, pour dire que les vendeurs ont informé les acquéreurs des travaux réalisés sur l'immeuble et leur faire bénéficier de la clause d'exonération de la garantie des vices cachés stipulée dans l'acte notarié de vente du 30 juin 2019, que cette clause intitulée assurance dommages ouvrages" indiquait que les travaux de rénovation tels qu'indiqués par le vendeur ont concerné les points suivants : ravalement de façade" ainsi que le nom de la Sarl ER chargée de la réalisation de ces prestations et qu'étaient annexées à l'acte de vente et paraphées par les acquéreurs, la facture établie le 31 janvier 2009 sur laquelle figurait dans le poste maçonnerie le bandage des fissures actives au sikafill de sika" ainsi que l'attestation d'assurance de la Sarl ER, la cour d'appel, qui a statué à la faveur d'une motivation insuffisante à établir que les acheteurs, profanes, avaient été informés de l'importance en nombre et en gravité des fissures affectant les murs de la maison qu'ils acquéraient, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1641 et 1643 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a relevé, d'une part, que les vendeurs avaient fait appel à un professionnel pour remédier aux fissures et que celles-ci n'étaient réapparues que trois ans après la vente.

9. Appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a retenu, d'autre part, qu'il n'était pas démontré que les vendeurs avaient connaissance de la cause et de la gravité des désordres, ainsi que de leur caractère récurrent.

10. Elle en a déduit à bon droit que la clause d'exclusion de garantie des vices cachés trouvait à s'appliquer et a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [F] et Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;