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Conseil d'État

N° 357208

ECLI:FR:CESSR:2014:357208.20140306

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

3ème et 8ème sous-sections réunies

lecture du jeudi 6 mars 2014

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 29 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI C..., dont le siège est 37, rue Pierre Delcourt à Hergnies (59199), représentée par son gérant et pour M. A...C..., demeurant ...; la SCI C...et M. C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11DA00629 du 23 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit à l'appel de M. et MmeD..., a annulé, d'une part, le jugement n° 0903308 du 3 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de ces derniers tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2009 par lequel le préfet du Nord a autorisé M. C...à créer une chambre funéraire au 37, rue Pierre Delcourt à Hergnies et, d'autre part, l'arrêté litigieux ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. et Mme D...;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 20 mars 2009, le préfet du Nord a autorisé M.C..., responsable d'une entreprise de pompes funèbres, à créer une chambre funéraire, sous réserve notamment de la suppression de l'un des trois salons funéraires envisagés et de l'édification en limite séparative de propriété d'un mur d'au moins 2,40 mètres de hauteur ; que, par un jugement du 3 mars 2011, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. et Mme D...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que la SCI C...et M. C... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 23 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit à l'appel de M. et MmeD..., a annulé ce jugement et l'arrêté litigieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales : " Le service extérieur des pompes funèbres est une mission de service public comprenant : / (...) 6° La gestion et l'utilisation des chambres funéraires (...). / Cette mission peut être assurée par les communes, directement ou par voie de gestion déléguée (...). Elle peut être également assurée par toute autre entreprise ou association bénéficiaire de l'habilitation prévue à l'article L. 223-23 " ; que l'article L. 2223-23 de ce code dispose que l'habilitation est accordée par le représentant de l'Etat dans le département aux régies, entreprises ou associations qui fournissent aux familles, à titre habituel, l'une des prestations énumérées à l'article L. 2223-19 ; qu'en application de l'article L. 2223-25 du même code, cette habilitation peut être suspendue ou retirée par le préfet en cas d'atteinte à l'ordre public ou de danger pour la salubrité publique ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2223-38 du même code : " Les chambres funéraires ont pour objet de recevoir, avant l'inhumation ou la crémation, le corps des personnes décédées " ; qu'aux termes de l'article R. 2223-74 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La création ou l'extension d'une chambre funéraire est autorisée par le préfet. / Celui-ci fait procéder à une enquête de commodo et incommodo et consulte le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Il recueille l'avis du conseil municipal, qui se prononce dans le délai de deux mois. / La décision intervient dans le délai de quatre mois suivant le dépôt de la demande. En l'absence de notification de la décision à l'expiration de ce délai, l'autorisation est considérée comme accordée. / L'autorisation ne peut être refusée qu'en cas d'atteinte à l'ordre public ou de danger pour la salubrité publique. / Dans les mêmes cas, le préfet peut, après mise en demeure, ordonner la fermeture provisoire ou définitive de la chambre funéraire. Le maire de la commune concernée est informé " ;

3. Considérant qu'en jugeant illégal l'arrêté du 20 mars 2009 du préfet du Nord autorisant M. C...à créer une chambre funéraire au seul motif que, compte tenu de sa localisation à proximité immédiate de l'habitation des épouxD..., cette construction était de nature à leur créer sans rechercher si la gêne ainsi causée était, compte tenu de son importance, de nature à porter atteinte à l'ordre public ou à mettre en danger la salubrité publique et si la décision d'autorisation litigieuse était, pour ce motif, entachée d'erreur manifeste d'appréciation, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, la SCI C...et M. C... sont fondés, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D...la somme de 1 000 euros à verser à la SCI C...et à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI C...et de M. C... qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 23 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : M. et Mme D...verseront la somme de 1 000 euros à la SCI C...et à M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme D...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SCIC..., à M. A...C..., à M. et Mme B...D...et au ministre de l'intérieur.

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Analyse LEGIFRANCE :

Abstrats : 135-02-03-03-03 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES. COMMUNE. ATTRIBUTIONS. SERVICES COMMUNAUX. OPÉRATIONS FUNÉRAIRES. - ARRÊTÉ PRÉFECTORAL AUTORISANT LA CRÉATION D'UNE CHAMBRE FUNÉRAIRE EN PROXIMITÉ IMMÉDIATE D'UNE HABITATION - ILLÉGALITÉ AU SEUL MOTIF QUE, COMPTE TENU DE SA LOCALISATION, CETTE CONSTRUCTION EST DE NATURE À CRÉER UNE GÊNE EXCÉDANT LES INCONVÉNIENTS NORMAUX DE VOISINAGE - ABSENCE - NÉCESSITÉ POUR LE JUGE, DANS UN TEL CAS, DE RECHERCHER SI LA GÊNE CAUSÉE EST, COMPTE TENU DE SON IMPORTANCE, DE NATURE À PORTER ATTEINTE À L'ORDRE PUBLIC OU À METTRE EN DANGER LA SALUBRITÉ PUBLIQUE ET SI LA DÉCISION D'AUTORISATION EST, POUR CE MOTIF, ENTACHÉE D'ERREUR MANIFESTE D'APPRÉCIATION [RJ1].

Résumé : 135-02-03-03-03 Le juge ne peut regarder comme illégal un arrêté préfectoral autorisant la création d'une chambre funéraire au seul motif que, compte tenu de sa localisation en proximité immédiate d'une habitation, cette construction est de nature à créer pour les occupants de cette habitation une gêne excédant les inconvénients normaux de voisinage, sans rechercher si la gêne ainsi causée est, compte tenu de son importance, de nature à porter atteinte à l'ordre public ou à mettre en danger la salubrité publique et si la décision d'autorisation litigieuse est, pour ce motif, entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

[RJ1] Comp. CE, 22 avril 1988, Comité d'action pour la sauvegarde du canton de Montmorency-Groslay, n° 78144, T. pp. 599-662-928-976.