Violation par l'huissier de justice de son obligation d'accomplir personnellement sa mission
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 22 novembre 2017
N° de pourvoi: 16-21.983
Non publié au bulletin Cassation partielle
Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat(s)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur requête de la société Linkeo. com (la société Linkeo) qui s'estimait victime d'actes de concurrence déloyale, le président d'un tribunal de grande instance a autorisé des opérations de constat au sein de la société Futur digital, confiées à un huissier de justice ; qu'à leur issue, la société Linkeo a assigné la société Futur digital, en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, laquelle a opposé la nullité du constat d'huissier ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 233 du code de procédure civile ;
Attendu que pour annuler le procès-verbal de constat dressé par l'huissier de justice le 31 janvier 2011, clôturé le 21 février 2011, l'arrêt relève que si les opérations de copies de données des ordinateurs ont bien été effectuées, selon les mentions de ce constat, dans les locaux de la société Futur digital en la présence de l'huissier instrumentaire, il est constant que la sélection des documents a été effectuée ultérieurement par l'expert informatique ; qu'il ajoute que le tri des documents recueillis, auquel l'expert a procédé, a été fait arbitrairement, hors la présence et le contrôle de l'huissier de justice, et a nécessité de sa part, une appréciation de la mission exclusivement confiée par l'ordonnance à l'huissier de justice ; qu'il en déduit que la simple adjonction au procès-verbal du compte rendu technique de l'expert informatique, pour des opérations ultérieures d'analyse de données à laquelle l'huissier n'a pas entièrement participé n'y satisfait pas et entache le constat d'un vice qui conduit au prononcé de sa nullité ;
Qu'en se déterminant ainsi, en l'état d'une ordonnance du 20 janvier 2011 autorisant expressément l'huissier de justice à confier à l'expert, qui l'assistait, des opérations techniques, notamment de tri, à partir de mots-clés précisés dans l'ordonnance, de nature à permettre l'exploitation des informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission, la cour d'appel, qui n'a pas précisé en quoi la démarche méthodologique adoptée par l'expert, figurant dans son compte rendu d'opération, indiquant de quelle manière il avait appliqué les mots-clés définis par l'ordonnance pour extraire de l'ensemble des données recueillies les documents comprenant lesdits mots, les classer selon les thématiques de l'ordonnance et en dresser l'inventaire, n'était pas conforme aux termes de cette ordonnance et traduisait une violation par l'huissier de justice de son obligation d'accomplir personnellement sa mission, a privé sa décision de base légale ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l'arrêt qui disent que la preuve n'est pas rapportée par la société Linkeo d'actes de concurrence déloyale commis par la société Futur digital à son encontre, rejette toutes les demandes indemnitaires de la société Linkeo et la condamne à payer à la société Futur digital la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formulées par la société Futur digital d'infirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 14 octobre 2011 et d'annulation de l'expertise réalisée en exécution du jugement du 14 octobre 2011, et en ce qu'il rejette la demande de la société Futur digital tendant à écarter des débats les pièces résultant de l'expertise ordonnée par le tribunal de commerce de Nanterre par jugement du 14 octobre 2011, l'arrêt rendu le 14 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Futur digital aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Linkeo. com la somme de 3 000 euros ;
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