(...)

Considérant que, par un arrêté du 14 juin 2002, le préfet de la région Auvergne a inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques les vestiges archéologiques du Puy de Mur ; que les consorts Valette et Mme Doherier, propriétaires des parcelles concernées, ont formé contre cet arrêté un recours qui a été rejeté par le tribunal administratif ; qu'ils ont formé un pourvoi contre l'arrêt de rejet rendu le 21 juin 2007 par la cour administrative d'appel de Lyon ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant (...) que si les stipulations [de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales] ne font pas obstacle à l'édiction, par l'autorité compétente, d'une réglementation de l'usage des biens, dans un but d'intérêt général, ayant pour effet d'affecter les conditions d'exercice du droit de propriété, il appartient au juge, pour apprécier la conformité aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'une décision individuelle prise sur la base d'une telle réglementation, d'une part de tenir compte de l'ensemble de ses effets juridiques, d'autre part, et en fonction des circonstances concrètes de l'espèce, d'apprécier s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les limitations constatées à l'exercice du droit de propriété et les exigences d'intérêt général qui sont à l'origine de cette décision ;

Considérant que l'inscription sur l'inventaire supplémentaire a pour effet, en vertu de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1913, d'imposer une déclaration préalable des travaux envisagés sur les immeubles concernés et de soumettre l'exécution de ces travaux au contrôle du service des monuments historiques ; qu'elle emporte en outre, selon l'article L. 430-1 du Code de l'urbanisme, assujettissement de la démolition des immeubles à un permis, et suivant l'article L. 422-4 du même code, soustraction des constructions et des travaux du bénéfice de l'exemption de permis de construire ; qu'ainsi, la décision d'inscription a pour effet, par elle-même, de limiter l'exercice du droit de propriété ;

Considérant que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'arrêté d'inscription, l'arrêt attaqué retient « qu'eu égard aux contraintes limitées qu'elle emporte pour un propriétaire, notamment d'aviser le préfet avant tout projet de travaux, la décision portant inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques n'a pas pour effet de porter, par elle-même, atteinte au droit de propriété » ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en écartant pour ce motif le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour administrative d'appel a entaché sa décision d'erreur de droit, que par suite, celle-ci doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

(...)

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er de la loi du 11 juillet 1979 et 24 de la loi du 12 avril 2000, que les décisions d'inscription d'un immeuble à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, lesquelles ne présentent pas le caractère de décisions individuelles, ne sont pas au nombre de celles qui ne peuvent intervenir qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision en cause aurait été prise en violation de ces dispositions ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n 'impose à l'autorité administrative d'inviter les propriétaires concernés à présenter des observations préalablement à l'intervention d'une décision d'inscription ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1913 dans sa rédaction alors applicable : « Les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation pourront, à toute époque, être inscrits, par arrêté du préfet de région, ou, lorsque l'inscription est proposée par la Commission supérieure des monuments historiques, par arrêté du ministre chargé des affaires culturelles, sur un inventaire supplémentaire » ; qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 27 septembre 1941 dans sa version alors en vigueur : « Sont compris parmi les immeubles susceptibles d'être inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques institué par le paragraphe 4 de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1913, modifiée par celle du 23 juillet 1927, les monuments mégalithiques, les stations préhistoriques ainsi que les terrains qui renferment des champs de fouilles pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie » ; que les fouilles conduites sur le plateau de Mur ont révélé que le site présentait un intérêt archéologique exceptionnel en ce qui concerne notamment la fin de l'âge du bronze et le début de l'âge du fer ; que même si, compte tenu des superficies concernées et de la complexité du site, ces recherches sont restées partielles, elles ont permis, outre les ouvrages apparents – consistant notamment en une enceinte protohistorique de 1 500 mètres de long, remarquable par son ampleur et son état de conservation – de mettre en évidence des indices nombreux et concordants de la présence, dans l'ensemble du périmètre concerné, de vestiges archéologiques ; que, bien que certains d'entre eux aient pu être endommagés, le site de « l'oppidum de Mur » présente un intérêt suffisant du point de vue de la préhistoire, de l'histoire, de l'art et de l'archéologie pour justifier l'inscription à l'inventaire supplémentaire de l'ensemble des parcelles qui y ont été inscrites et dont aucune n'est située à l'intérieur de la carrière existante ; que, par suite, l'arrêté attaqué n'a pas fait une inexacte application de la loi ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la décision contestée, fondée sur les dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, a été prise afin de protéger un ensemble de vestiges archéologiques remarquables par leur ampleur et leur état de conservation ; que la circonstance que l'inscription compromettrait le projet des requérants tendant à affecter leurs parcelles à l'exploitation d'une carrière n'apparaît pas, dans les circonstances de l'espèce, comme portant à leur droit de propriété une atteinte disproportionnée au but d'intérêt général poursuivi par la décision contestée ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à invoquer une violation des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1913, l'inscription peut porter sur des immeubles ou sur des parties d'immeubles ;

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; que cette disposition interdit que soit appliqué un traitement différent, dans l'exercice ou la jouissance d'un droit reconnu par la convention, à des personnes placées dans une situation comparable, sans justification objective et raisonnable ;

Considérant que les requérants allèguent que des parcelles de très faibles dimensions situées sur le pourtour ou à l'intérieur de l'enceinte n'ont pas été inscrites et qu'il en résulte une discrimination fondée sur la fortune des propriétaires concernés ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que cette exclusion résulte d'un mauvais état de conservation des vestiges caractéristique des parcelles qui n'ont pas été inscrites et, en l'espèce, ne méconnaît donc pas l'unité du site ; qu'il apparaît, dès lors, que les propriétaires visés par l'inscription et ceux qui ne le sont pas se trouvent dans une situation objectivement différente et que la différence de traitement dont ils font l'objet est justifiée par des considérations raisonnables et appropriées au but de la mesure ; que les requérants ne sauraient, dès lors, soutenir que la décision contestée serait entachée d'une discrimination illégale ;

Considérant que, si le schéma départemental d'aménagement et d'urbanisme approuvé en 1995 et applicable localement désignait le Puy de Mur parmi les sites présentant un intérêt particulier pour l'ouverture de nouvelles carrières, de telles orientations ne faisaient pas obstacle à l'inscription du site du Puy de Mur, pour les motifs d'intérêt général rappelés ci-dessus, à l'inventaire supplémentaire ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; (...)