Par un arrêt remarqué quoique n'ayant pas fait l'objet d'une publicité particulière (inédit au Bulletin), la Cour de Cassation a donné deux précisions importantes concernant l'implantation d'éoliennes :

  • elle reconnaît l'objectif d'intérêt public de développement de l'énergie éolienne ;
  • elle pose pour principe que nul n'a un droit acquis à la conservation de son environnement.

Cela ressort clairement des termes de l'arrêt de la Cour :

"4. Se fondant sur les rapports d'expertise, ainsi que sur un constat d'huissier de justice, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, constaté que le volume des émissions sonores générées par les éoliennes, de nouvelle génération, était, de jour comme de nuit, inférieur aux seuils prévus par la réglementation en vigueur et que le bois situé entre les propriétés et le parc éolien, installé à distance réglementaire des habitations, formait un écran sonore et visuel réduisant les nuisances occasionnées aux habitants d'un hameau, certes élégant et paisible, mais situé dans un paysage rural ordinaire. 5. Ayant retenu à bon droit que nul n'a un droit acquis à la conservation de son environnement et que le trouble du voisinage s'apprécie en fonction des droits respectifs des parties, elle a estimé que la dépréciation des propriétés concernées, évaluée par expertise à 10 ou 20 %, selon le cas, dans un contexte de morosité du marché local de l'immobilier, ne dépassait pas, par sa gravité, les inconvénients normaux du voisinage, eu égard à l'objectif d'intérêt public poursuivi par le développement de l'énergie éolienne. 6. Elle a souverainement déduit de ces motifs que les consorts P... ne justifiaient pas d'un trouble anormal du voisinage."(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 septembre 2020, 19-16.937, Inédit).

En principe, le propriétaire d'un bien immobilier peut, sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage, demander la réparation du préjudice qu'il subit a raison de l'implantation d'une construction nouvelle ou d'une modification des lieux. L'indemnisation est en règle générale calculée par référence à la perte de valeur du bien immobilier, estimée dans le cadre d'une expertise.

Classiquement, ce type de litiges concerne les hypothèses suivantes. D'une part, la perte d'ensoleillement, par exemple lorsqu'il a été "construit, au droit de la façade du pavillon voisin, une maison comprenant un mur en béton de 8 mètres de hauteur de faîtage à moins de 2 mètres de cette façade, constituant ainsi un véritable écran qui entraine un assombrissement considérable et quasi permanent de l'ensoleillement et de l'éclairement du pavillon" (Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 juin 1989, n°87-16.661). D'autre part, la création d'une vue plongeante, "attendu qu'ayant constaté que les époux Yu Y... avaient édifié une construction à étage à moins de quatre mètres de celle de M. X... qu'elle surplombait, et retenu que ce dernier faisait justement valoir que les époux Yu Y... avaient des vues directes et plongeantes chez lui, le privant de jouir pleinement de son droit de propriété dès lors qu'il était constamment exposé aux regards des époux Yu Y... qui invoquaient vainement en pareille occurrence leur respect des dispositions de l'article 678 du code civil, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit l'existence d'un trouble anormal du voisinage, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef" (Cour de Cassation, Chambre civile 3, 7 février 2007 n°05-21.405).

Par cet arrêt, la Cour de Cassation éclaire sur les éléments qui peuvent être pris en compte pour déterminer l'existence ou non d'un trouble anormal du voisinage justifiant l'indemnisation et le valoriser, notamment en milieu rural et plus particulièrement concernant les éoliennes :

  • le volume des émissions sonores générées par les éoliennes, de nouvelle génération, de jour comme de nuit, inférieur aux seuils prévus par la réglementation en vigueur ;
  • le respect des distances réglementaires dans l'implantation des éoliennes ;
  • la présence d'un bois formant "un écran sonore et visuel" ;
  • le caractère "élégant et paisible" du hameau des demandeurs ;
  • le "paysage rural ordinaire" dans lequel le hameau était situé ;
  • la morosité du marché immobilier dans le secteur.

Ce faisant, la Cour de Cassation surprend, notamment parce qu'il est traditionnellement admis que le respect des normes ou des distances réglementaires n'exclut pas, par nature, l'existence d'un trouble anormal du voisinage et d'un préjudice en résultant, comme l'a Cour l'avait jugé dans l'arrêt de 2007 précité. En revanche, sur cette base, le caractère pittoresque ou remarquable d'un paysage comme le caractère élégant et paisable d'un hameau pourront être utilisés pour caractériser l'existence d'un trouble anormal du voisinage et le valoriser, ce qui pourrait être déterminant dans de nombreuses espèces, par exemple sur le littoral. De même, la vigueur ou la morosité du marché immobilier pourra être utilisée pour soutenir ou nuancer les demandes indemnitaires.

Cette jurisprudence pourrait en outre être étendue et inspirer les juges s'agissant de l'implantation d'autres sources d'énergie renouvelable qui peuvent avoir des conséquences sur le paysage, comme par exemple le photovoltaïque, l'énergie éolienne en mer etc.

Cette décision est importante tant pour les professionnels du secteur des énergies renouvelables que pour les collectivités et groupements de citoyens qui portent de tels projets que pour les particuliers ou copropriétaires qui s'engagent dans un projet d'autoconsommation individuelle ou collective.

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous aider à prévenir, mesurer et éviter les risques indemnitaires induits par l'implantation d'une source d'énergie renouvelable, notamment au voisinage d'habitations ;
  • Pour vous accompagner en cas de litige avec un propriétaire voisin ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement votre projet d'implantation d'une source d'énergies renouvelables, en identifiant et en prévenant les risques indemnitaires.

 

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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