Antérieurement, selon le code de la commande publique, l'achateur public était libre dans le cadre d’un accord-cadre, de fixer un montant minimum et/ou un montant maximum, ou de ne fixer ni montant minimum, ni montant maximum (Code de la commande publique, article R2162-4). En revanche, le juge administratif veillait d’ores et déjà à ce que des indications quantitatives soient données dans la publicité ou dans le dossier de consultation, cette obligation s'imposant même en cas de marchés à bons de commande passés sans minimum ni maximum, le pouvoir adjudicateur étant alors tenu de mentionner « à titre indicatif et prévisionnel, les quantités de matériels à fournir ou des éléments permettant d'apprécier l'étendue du marché » (Conseil d’Etat, 20 mai 2009, n°316601 et n°316602, Min. Défense).

Une jurisprudence récente de la Cour de Justice européenne, qui prévaut sur le droit national, est venue préciser le cadre juridique applicable aux indications quantitatives dans un accord-cadre, qui doivent figurer dans l’avis de marché ou dans les documents du marché :

  1. La quantité et/ou la valeur estimée doit être systématiquement indiquée ;
  2. Une quantité et/ou une valeur maximale doit être prévue, au-delà de laquelle l’accord-cadre aura épuisé ses effets et devra s’achever.

« 1) L’article 49 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, les points 7 et 8 ainsi que le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, lus en combinaison avec l’article 33 de ladite directive et les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette dernière, doivent être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre et qu’une fois que cette limite aura été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets » (CJUE, 17 juin 2021, affaire C‑23/20).

« 71. D’autre part, l’indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, dès lors que, à l’égard d’un accord-cadre, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus d’offrir, conformément à l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2014/24, par moyen électronique, un accès gratuit, sans restriction, complet et direct aux documents de marché à partir de la date de publication d’un avis conformément à l’article 51 de cette directive » (CJUE, 17 juin 2021, affaire C‑23/20).

En d’autres termes, il est donc désormais exigé des acheteurs publics une transparence accrue sur la valeur estimée et les quantités. Il est également attendu que ces estimations soient réalistes et comprises dans une valeur ou une quantité maximale contractualisée dont l’atteinte entraîne l’expiration de l’accord-cadre (sous-réserve des hypothèses de modifications autorisées) afin d’assurer la meilleure prévisibilité pour les opérateurs économiques et l’exigence de remise en concurrence périodique.

Si le pouvoir réglementaire est intervenu pour en tirer les conséquences en faisant évoluer l'article R2162-4 du Code de la commande publique pour supprimer l'hypothèse d'un accord-cadre conclu sans maximum, la question des procédures en cours et des accords-cadres en cours d'exécution n'est pas traitée par l'évolution textuelle.

Dans le cadre d'un référé précontractuel, le Conseil d'Etat a indiqué que l'absence d'indication d'un maximum entraînait l'annulation de la procédure car elle lésait le concurrent évincé :

"6. Il résulte de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne mentionné au point 5 que, pour tout appel à concurrence relatif à un marché destiné à être passé sous la forme d'un accord-cadre qui, eu égard à son montant, entre dans le champ d'application de cette directive, l'avis publié à cet effet doit comporter la mention du montant maximal en valeur ou en quantité que prévoit le pouvoir adjudicateur, cette indication pouvant figurer indifféremment dans l'avis de marché ou dans les documents contractuels mentionnés dans l'avis de marché et librement accessibles à toutes les personnes intéressées. Il n'en va différemment que pour les accords-cadres qui ne sont pas régis par cette directive, pour lesquels le décret du 23 août 2021, modifiant notamment les dispositions de l'article R. 2162-4 du code de la commande publique, a supprimé la possibilité de conclure un accord-cadre sans maximum, en différant, en son article 31, l'application de cette règle aux avis de marché publiés à compter du 1er janvier 2022 afin de ne pas porter une atteinte excessive aux intérêts privés et publics en cause. 7. D'une part, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que ni l'avis de marché, ni le cahier des clauses techniques particulières, ni aucune autre pièce du marché ne mentionnait la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n° 1 de l'accord-cadre en litige, qui relève du champ d'application de la directive du 26 février 2014 mentionnée ci-dessus, et, d'autre part, après avoir souverainement estimé qu'en l'espèce, l'absence de cette information n'avait pas mis la société Coved à même de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bordeaux n'a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation en jugeant que la communauté de communes Convergence Garonne avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et que la société Coved avait pu être lésée par ce manquement et était ainsi fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du lot en litige." (Conseil d'État, 28 janvier 2022, n°456418).

Cette position a été réitérée par la suite :

"Après avoir souverainement estimé que, en l'espèce, l'absence dans l'avis d'appel à concurrence de mention de la quantité ou valeur maximale des prestations à fournir en vertu de l'accord-cadre en litige, qui relève du champ de la directive du 26 février 2014 mentionnée ci-dessus, n'avait pas mis la société FAC à même de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Saint-Martin n'a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation en jugeant que ce manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence avait été de nature à léser la société FAC." (Conseil d'État, 3 février 2022, n°457233).

La question du traitement des accords-cadres en cours, pour lesquels aucune estimation ou aucun maximum n’a été fixé n'est toutefois pas réglée. Cependant, le fait que le Conseil d'Etat considère que l'exigence de lésion est susceptible d'être remplie peut impliquer des conséquences lourdes dans le cadre d'un marché en cours, à l'occasion d'un recours au fond ou d'une demande d'un tiers tendant à la résiliation du marché, pouvant aller jusqu'à l'annulation ou la résiliation.

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans la mise en oeuvre d'une procédure de passation d'un marché public ou d'un accord-cadre ;
  • Dans le cadre d'une procédure de référé contractuel ou référé précontractuel, ou d'un contentieux au fond.
  • Cartographier et mesurer les risques induits, qui peuvent s'avérer substantiels ainsi que les mesures correctives à apporter pour les réduire ou les éviter.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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Dernière mise à jour le 16 mars 2022.