Dans un arrêt rendu le 2 mai 2024 (n° 22-13.869), inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation a clarifié le régime de la procédure pour licenciement disciplinaire du salarié, lorsque l’employeur invoque une faute grave.  

Une salariée a été convoquée le 4 novembre 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 16 novembre suivant. Elle a été licenciée pour faute grave le 26 novembre 2015. Elle a saisi la juridiction prud’homale afin de contester cette rupture.

Pour écarter la faute grave, la cour d’appel a retenu que l’employeur, qui a attendu plus d’un mois avant d’engager une procédure de licenciement en laissant la salariée durant cette période à son poste de travail, ne peut prétendre que la gravité des faits qui lui étaient reprochés rendait impossible son maintien dans l'entreprise.

L’employeur forme un pourvoi en cassation en soulevant que la procédure de licenciement avait été engagée dans un délai restreint : les faits reprochés à la salariée dataient du 28 octobre 2015 et elle a été convoquée à un entretien préalable par lettre du 4 novembre 2015, soit dans les sept jours ayant suivi les faits litigieux.

De plus, l’employeur soutient que le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le temps nécessaire à l’accomplissement de la procédure de licenciement n’est pas exclusif du droit pour l’employeur d’invoquer l’existence d’une faute grave justifiant la rupture du contrat de travail.

Selon lui, la circonstance selon laquelle l’employeur a laissé la salariée à son poste de travail durant la période de la procédure de licenciement est inopérante à ôter la gravité des faits reprochés rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

La Cour de cassation devait se prononcer sur le délai dans lequel l’employeur est tenu d’engager la procédure de licenciement disciplinaire. Elle devait ensuite répondre à la question de savoir si l’employeur est obligé de prononcer une mise à pied conservatoire préalable à la notification du licenciement pour faute grave.

Sur la première question, la Cour de cassation fournit une réponse claire : la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en œuvre de la procédure de licenciement, par la convocation de ce dernier à l'entretien préalable, doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

Cette solution est constante et régulièrement affirmée par la Cour de cassation (Cass. Soc., 24 novembre 2010 n° 09-40.928 ; Cass. Soc., 22 janvier 2020, n° 18-18.530 ; Cass. Soc., 8 novembre 2023, n° 22-10.167 ; Cass. Soc., 20 décembre 2023, n° 22-21.685).

L’employeur, déjà tenu par le délai de prescription des faits fautifs, doit en plus engager la procédure de licenciement dans un délai suffisamment court pour éviter toute contestation ultérieure tenant à l’attente du salarié ou à la gravité des faits reprochés.

Sur la seconde question, la Cour de cassation n’est pas moins claire : l'employeur qui entend engager une procédure de licenciement pour faute grave n'étant pas tenu de prononcer une mise à pied conservatoire, le maintien du salarié dans l'entreprise pendant le temps nécessaire à l'accomplissement de la procédure n'est pas exclusif du droit pour l'employeur d'invoquer l'existence d'une faute grave.

Là encore, il s’agit d’un rappel d’une solution classiquement retenue par la chambre sociale (Cass. Soc., 9 février 2022, n° 20-17.140). L'engagement d'une procédure de licenciement pour faute grave n'est pas subordonné au prononcé d'une mesure de mise à pied conservatoire (Cass. Soc., 24 février 2004, n° 01-47.000). Aucun texte n'oblige l'employeur à procéder à une mesure conservatoire avant d'ouvrir une procédure de licenciement motivée par une faute grave (Cass. Soc., 7 janvier 1997, n° 93-46.638).

La cour d’appel ne pouvait donc pas écarter la faute grave en retenant que l’employeur a attendu plus d’un mois avant d’engager une procédure de licenciement en laissant la salariée durant cette période à son poste de travail et prétendre dans le même temps que la gravité des faits reprochés rendait impossible son maintien dans l’entreprise.

Dès lors que l’employeur a enclenché la procédure de licenciement dans un délai restreint (en l’occurrence, un délai de sept jours entre les faits reprochés et la convocation à l’entretien préalable), la faute grave ne peut être écartée de ce chef, pas plus du chef de l’absence de notification préalable d’une mise à pied conservatoire, la circonstance que le salarié poursuive son travail pendant ce temps est inopérante.  

Au final, plus l’employeur laisse passer du temps pour convoquer le salarié à un entretien préalable dès lors qu’il a pris connaissance des faits reprochés au salarié, plus le risque que le licenciement soit jugé comme étant dénué de cause réelle et sérieuse s’accentue.  

Jérémy DUCLOS
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail

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