Dans un arrêt rendu le 26 mars 2025 (n° 23-21.414), inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation a examiné la question du bien fondé d’un licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre d’une salariée n’ayant pas son diplôme de préparateur en pharmacie.
Une salariée a été engagée en qualité de préparatrice en pharmacie. Suite au rachat de la pharmacie, la relation contractuelle s’est poursuivie avec la nouvelle société de pharmaciens d’officine selon un avenant au contrat de travail.
Elle a été licenciée pour faute grave au motif qu’elle a occupé un emploi de préparatrice en pharmacie durant de nombreuses années sans posséder le diplôme de préparateur en pharmacie ni bénéficier de l’autorisation préfectorale d’exercice, alors qu’il s’agit d’une profession réglementée et que son contrat de travail soumettait expressément l’emploi à la détention de ce diplôme.
Elle a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt d’appel qui a reconnu le bien fondé du licenciement pour faute grave et a rejeté l’ensemble de ses demandes. La salariée a fait valoir qu’il appartient au pharmacien de s’assurer que ses subordonnés ont les diplômes requis pour exercer leur métier, en application de l’article R. 4235-15 du code de la santé publique, selon lequel :
« Tout pharmacien doit s'assurer de l'inscription de ses assistants, délégués ou directeurs adjoints au tableau de l'ordre.
Tout pharmacien qui se fait remplacer dans ses fonctions doit veiller à ce que son remplaçant satisfasse aux conditions requises pour ce faire ».
La Cour de cassation devait vérifier si le licenciement pour faute grave d’une salariée qui a exercé en qualité de préparatrice en pharmacie sans posséder le diplôme requis était fondé.
Elle commence par rappeler que la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Elle vise ensuite l’article L. 4241-2 du code de la santé publique selon lequel tout pharmacien est autorisé à se faire aider dans son officine par un ou plusieurs préparateurs en pharmacie.
L’article L. 4241-4 du code de la santé publique dispose que peut exercer la profession de préparateur en pharmacie et en porter le titre toute personne titulaire d'un diplôme, d'un certificat ou d'un titre délivré à la suite d'une formation lui ayant permis d'acquérir les compétences nécessaires à l'exercice de cette profession.
L’arrêt d’appel avait précisé qu'à la suite du contrôle de l'antenne régionale de santé, la salariée n'a pas informé la société de son absence de diplôme et n'a pas répondu à ses demandes de justifications malgré l'envoi de deux mises en demeure, caractérisant ainsi un manquement de la salariée à son obligation de loyauté résultant de son absence de déclaration sur le caractère illicite de son statut de nature à engager la responsabilité pénale de son employeur.
Il en déduit qu'au regard de cette situation illicite, la salariée n'est pas fondée à faire valoir sa bonne foi et à opposer à la société sa propre négligence dans la vérification des diplômes de ses salariés, alors que la dissimulation de cette situation était de nature à engager la responsabilité pénale de l'employeur.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel car la société avait poursuivi les relations contractuelles durant plusieurs années sans vérifier que la salariée disposait de la qualification nécessaire à l’emploi de préparatrice en pharmacie, de sorte qu’elle ne pouvait invoquer une réglementation à laquelle elle avait elle-même contrevenu et se prévaloir de sa propre négligence pour reprocher à la salariée une faute grave.
Cette décision est importante en ce qu’elle rappelle la vigilance que l’employeur doit avoir dès l’opération de recrutement d’un salarié souhaitant exercer une profession réglementée. Le fait pour un salarié d’exercer plusieurs années sans le diplôme requis est un élément à charge pour l’employeur puisqu’il révèle que la vérification a été défaillante pendant une période assez longue.
L’employeur doit vérifier l’obtention du diplôme ou de l’autorisation préfectorale d’exercice du salarié, s’agissant d’une profession réglementée. Il ne peut se contenter des déclarations faites par le salarié au moment de son embauche. Le fait que l’activité professionnelle en question relève des dispositions du code de la santé publique accroît d’autant plus l’importance de cet examen.
La négligence de l’employeur dans cette opération de vérification ne saurait être reprochée au salarié pour lui imputer un licenciement pour faute grave, nonobstant le manquement de ce dernier à son obligation de loyauté résultant de son absence de déclaration du caractère illicite de son statut.
Jérémy DUCLOS
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail
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Avocat titulaire d'un certificat de spécialisation en Droit du travail
Compétences : Droit du travail
Barreau : Versailles
Adresse : 4 place Gambetta 78000 VERSAILLES
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