Durées de conservation des documents et délais de prescription : guide pratique 

Les obligations de conservation des documents et les règles de prescription sont des piliers de la gestion administrative et juridique des entreprises. Ces deux notions, bien que distinctes, sont étroitement liées : les délais de prescription déterminent souvent la durée minimale pendant laquelle les documents doivent être archivés. Cet article explore cette corrélation en s'appuyant sur les bases légales et les jurisprudences applicables.

Comprendre le lien entre archivage et prescription

En droit français, les délais de prescription déterminent la période pendant laquelle une action en justice peut être intentée ou une dette recouvrée. Par conséquent, les documents permettant de justifier ou de défendre ces droits doivent être conservés au moins pendant cette période.

Cependant, il est essentiel de noter que les délais de conservation des documents peuvent :

  1. Dépasser les délais de prescription pour répondre à des obligations spécifiques, comme les exigences fiscales ou sociales.
  2. Être prolongés en cas de suspension ou d’interruption de la prescription, notamment en cas de contentieux ou de contrôle administratif.

Les délais de prescription : bases légales et jurisprudence

Prescription de droit commun : 5 ans (article 2224 du Code civil)

L’article 2224 du Code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d’agir. Ce délai est dit "glissant" car il dépend de la connaissance effective des faits :

  • En matière extracontractuelle : Le délai court à partir du dommage ou de sa révélation à la victime (Cass. 1re civ., 9 sept. 2020, n° 18-26.390).
  • En matière contractuelle : Le délai commence lorsque le cocontractant prend connaissance d’un manquement, comme un refus d’exécution (Cass. 3e civ., 1er oct. 2020, n° 19-16.561).

Délais spéciaux de prescription

Certains délais spécifiques sont fixés par la loi pour des situations particulières :

  • 30 ans :
    • Actions réelles immobilières (article 2227 du Code civil).
    • Réparation des dommages environnementaux (article L. 152-1 du Code de l’environnement).
  • 10 ans :
    • Exécution des titres exécutoires (article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution).
    • Responsabilité des constructeurs pour malfaçons (article 1792-4-3 du Code civil).
  • 3 ans :
    • Créances salariales (article L. 3245-1 du Code du travail).
    • Nullité des sociétés et actes associés (articles 1844-14 et 1844-17 du Code civil).
  • 2 ans :
    • Actions des consommateurs contre les professionnels (article L. 218-2 du Code de la consommation).
  • 1 an :
    • Actions liées aux chèques (article L. 131-59 du Code monétaire et financier).

Suspension et interruption des délais

  • Suspension : En application de l’article 2230 du Code civil, la suspension arrête temporairement le cours du délai sans effacer le temps déjà écoulé. Elle s’applique dans des cas tels que :
    • Empêchement légal ou de force majeure (article 2234 du Code civil).
    • Médiation ou conciliation (article 2238 du Code civil).
    • Mesure d’instruction avant procès (article 2239 du Code civil).
  • Interruption : L’article 2231 du Code civil prévoit que l’interruption efface le délai acquis et en fait courir un nouveau. Les cas d’interruption incluent :
    • Reconnaissance de dette (article 2240 du Code civil).
    • Action en justice (article 2241 du Code civil).

Impact sur l’archivage : Lorsqu’un délai de prescription est suspendu ou interrompu, les documents doivent être conservés au-delà de la durée initiale, jusqu’à l’expiration du nouveau délai.

Les durées de conservation des documents : obligations légales

Les règles d’archivage sont souvent alignées sur les délais de prescription, mais certaines durées minimales sont imposées indépendamment de ces délais.

Documents comptables et commerciaux

  • 10 ans : Livres comptables, pièces justificatives, et correspondances commerciales (article L. 123-22 du Code de commerce).
  • 5 ans : Contrats commerciaux entre commerçants ou avec des non-commerçants (article L. 110-4 du Code de commerce).

Documents sociaux et administratifs

  • 5 ans : Bulletins de paie, registres du personnel (articles L. 3243-4 et R. 1221-26 du Code du travail).
  • 3 ans : Documents relatifs aux cotisations sociales (article L. 244-3 du Code de la sécurité sociale).

Données personnelles et RGPD

L’article 5 du RGPD impose que les données personnelles soient conservées pour une durée proportionnée à leur finalité. La CNIL distingue trois phases du cycle de vie des données :

  1. Base active : Données nécessaires à la gestion courante (ex. : exécution d’un contrat).
  2. Archives intermédiaires : Données conservées en cas de contentieux ou d’obligation légale.
  3. Archives définitives : Données ayant une valeur historique ou scientifique.

Application pratique : mettre en œuvre une politique d’archivage conforme

Pour adapter vos pratiques à ces règles, il est essentiel d’aligner vos durées de conservation sur les délais de prescription tout en respectant les obligations spécifiques. Voici quelques recommandations concrètes :

  • Documents commerciaux : Conservez les contrats et correspondances au moins 5 ans pour répondre aux délais de prescription (article L. 110-4 du Code de commerce), voire 10 ans pour des raisons comptables (article L. 123-22 du Code de commerce).
  • Documents fiscaux : La prescription fiscale est de 3 ans (article L. 274 du Livre des procédures fiscales), mais les pièces justificatives doivent être archivées pendant 10 ans (article L. 123-22 du Code de commerce).
  • Documents sociaux : Les fiches de paie doivent être conservées 5 ans (article L. 3243-4 du Code du travail). Les documents relatifs aux cotisations sociales peuvent être requis jusqu’à 3 ans après l’échéance légale.

Pourquoi une bonne gestion des délais est-elle cruciale ?

Une maîtrise rigoureuse des délais de prescription et des durées de conservation des documents permet de prévenir plusieurs risques :

  • Sanctions administratives ou fiscales : En cas de contrôle, l’absence de documents conformes peut entraîner des pénalités.
  • Difficultés juridiques : La perte de documents essentiels peut compromettre vos droits en justice.
  • Non-conformité RGPD : Une conservation excessive ou inappropriée des données personnelles expose à des amendes importantes.

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