Le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
Par exemple, le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue pour un fonctionnaire une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L.521-2 du code de justice administrative.(Conseil d'État, Juge des référés, 19/06/2014, 381061 (Commune du Castellet).
L'article L.521-2 du Code de justice administrative, dispose que : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de 48 heures ».
A) - PROCEDURE : quatre conditions cumulatives sont donc requises pour la recevabilité du référé liberté :
1) - L'acte attaqué doit émaner d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, agissant dans l'exercice d'un de ses pouvoirs.
2) - L'acte attaqué doit porter atteinte à une liberté fondamentale.
Il n'est pas facile de cerner la notion de liberté fondamentale, ni même de faire une liste de ces libertés fondamentales.
Ont été considérés comme des libertés fondamentales (liste non exhaustive) :
- la liberté d'aller et venir (Conseil d'Etat, ord. 9 janvier 2001, Deperthes),
- le droit de mener une vie familiale normale (Conseil d'Etat, Sect., 30 octobre 2001, Ministre de l'Intérieur c/ Mme Tliba),
- le droit d'asile et celui de demander le statut de réfugié (Conseil d'Etat, ord. 12 janvier 2001, Hyacinthe ; Conseil d'Etat, 25 mars 2003, Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés locales c/ M. et Mme Sulaimanov),
- le principe de libre administration des collectivités territoriales, énoncé par l'article 72 de la Constitution (Conseil d'Etat, Sect., 18 janvier 2001, Commune de Venelles)
- le principe du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion » (Conseil d' Etat, ord. 24 février 2001, M. Jean Tibéri).
- Le droit d'un agent public de ne pas être soumis à un harcèlement moral (Conseil d'État, Juge des référés, 19/06/2014, 381061 (Commune du Castellet)
- 3) L'atteinte portée à la liberté doit être grave et manifestement illégale.
Elle doit être directe et personnelle à l'auteur de la demande, qui doit établir son existence. L'appréciation de l'existence de cette atteinte s'effectue au regard des motifs et de l'objet de la décision (Conseil d'Etat, Sect., 28 février 2001, Casanova).
- 4) La demande doit être justifiée par une urgence absolue de nature à justifier une intervention dans les 48 heures ou à tout le moins à très bref délai du juge des référés.
La notion d’urgence telle qu’exigée pour le référé-liberté est différente de celle appréciée pour le référé suspension ou encore pour le référé mesures utiles car le juge des référés doit statuer dans le délai de 48 heures ou à très bref délai au regard de l’enjeu et l’importance des libertés en cause.
Il faut absolument faire état dans la requête de circonstances particulières de nature à justifier une intervention à très bref délai du juge des référés.
Conseil d'Etat, Juge des référés, du 4 février 2004, 263930, mentionné aux tables du recueil Lebon
« La circonstance qu'un agent public n'ait pas obtenu de la part de son employeur la rémunération d'un service fait ni la délivrance du document lui permettant de percevoir un revenu de remplacement ne suffit pas, en elle-même, à placer le requérant dans une situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. »
Dans une ordonnance en date du 06 juin 2006, le juge des référés du Conseil d’Etat a considéré que , la circonstance que la condition d'urgence au sens de l'article L.521-1 soit remplie ne suffisait pas, en l'absence de circonstances particulières, à caractériser une situation d'urgence au sens de l'article L.521-2 impliquant, sous réserve que les autres conditions posées par cet article soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures ou, à tout le moins, à très bref délai.
Conseil d'Etat, Juge des référés, du 6 juin 2006, 293935, mentionné aux tables du recueil Lebon
Voir également : TA La Réunion, ord., 14 juin 2021, nos 2100695, 2100696, 2100697 et 2100701
« Pour caractériser l’urgence, Mme W, Mme X, M. Y, M. Z et l’ensemble des requérants se bornent à soutenir que les dispositions litigieuses, non justifiées par la situation sanitaire du département, ont pour effet d’isoler et de maintenir bon nombre de citoyens sur le département de La Réunion de façon liberticide, arbitraire, disproportionnée et sans justification réelle. Toutefois, les requérants, qui n’indiquent en tout état de cause, à aucun moment avoir de projet de déplacement à brève échéance, ne font donc état d’aucune circonstance particulière de nature à justifier une intervention à très bref délai du juge des référés, et ne remplissent dès lors pas la condition d’urgence requise au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. »
B) - RECOURS : les ordonnances rendues dans le cadre du référé liberté relèvent de l'appel, qui doit être formé directement devant le Conseil d'État dans un délai franc de quinze jours suivant leur notification.
En ce cas, le président de la Section du contentieux du Conseil d'État statue dans un délai de 48 heures (article L.523-1 alinéa 2 du Code de justice administrative).
C) – TRAME DE REQUETE A TITRE INDICATIF :
ATTENTION : ne pas oublier de préciser sur la requête et sur l'enveloppe qui la contient en cas d'envoi postal la mention « REFERE » en application des dispositions de l'article R.522-3 du Code de justice administrative : « La requête ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui la contient porte la mention "référé". Lorsqu'elle est adressée par voie postale, elle l'est par lettre recommandée ».
Article R522-3 du code de justice administrative : « La requête ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui la contient porte la mention " référé ". Lorsqu'elle est adressée par voie postale, elle l'est par lettre recommandée.
Par dérogation aux dispositions de l'article R. 414-1, les parties et mandataires mentionnés au premier alinéa de cet article non encore inscrits dans l'application informatique peuvent adresser leur requête à la juridiction par tous moyens.
Lorsqu'elle est adressée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-2, son auteur signale son urgence en sélectionnant la mention " référé " dans la rubrique correspondante. »
REQUETE EN RÉFÉRÉ-LIBERTE
A Monsieur le Président du Tribunal administratif de < ...> statuant en la forme des référés
POUR : M. < ... >, domicilié actuellement à <... >,
Ayant pour avocat maître André ICARD, Avocat au Barreau de Paris, domicilié au 72 boulevard Pereire - 75017 PARIS, tel: 07 84 86 30 49, courriel : icardavocat@gmail.com, Toque D0325 ;
Demandeur.
CONTRE :
M. le Préfet du < ...>
M. le Maire de < ...>
M. le Ministre de < ...>
Défendeur
RAPPEL DES FAITS
I) - [Rappeler ici les faits constituant selon vous une atteinte à l'une de vos libertés fondamentales (aller et venir, droit de propriété, liberté d'opinion, etc.).]
[Contrairement aux recours de droit commun et au référé suspension, vous n'êtes pas tenu de terminer l'exposé des faits par la mention de la décision qui vous fait grief puisqu'un simple comportement de l'administration, même en l'absence de toute décision formalisée, vous ouvre droit à cette procédure d'extrême urgence.]
DISCUSSION
II) - Sur l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
[Rappeler ici les conditions illégales dans lesquelles l'administration a exercé l'un de ses pouvoirs et a, ce faisant, porté une atteinte grave à l'une de vos libertés fondamentales (exemples : hospitalisation d'office sans aucun certificat médical justificatif, refus d'accès au territoire français en zone d'attente d'étrangers en situation irrégulière, licenciement d'un agent public pour un motif tenant à ses opinions religieuses ou politiques.]
III) - Sur l'urgence des mesures à prescrire pour sauvegarder cette liberté fondamentale :
[Votre démonstration doit être sur ce point aussi complète et précise que sur le point précédent.
L'on sait par exemple que si votre situation d'urgence provient de votre propre retard à réagir pour saisir le juge, votre demande de référé liberté sera systématiquement rejetée.]
PAR CES MOTIFS, l'exposant conclut qu'il plaise à M. le Président du Tribunal administratif juge des référés d'enjoindre à l'administration d'autoriser le requérant à [selon le cas] :
- Débarquer sur le territoire français ;
- Regagner librement son domicile ;
- Réintégrer ses fonctions <... > ;
- Enjoindre à l'administration, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, de modifier l'affectation de Mme ou de M X ... de manière à ce qu'elle ou qu'il n'exerce plus ses fonctions au sein de la direction où elle (il) est actuellement affectée. (en cas de harcèlement moral).
le tout sous astreinte de <... > euros par jour de retard à compter du jour de l'audience de référé à laquelle sera rendue l'ordonnance.
A Paris, le
Signature
SIGNALE :
REMARQUE n° 1 : le juge du référé-liberté peut prescrire des mesures qui n’ont pas un caractère provisoire.
Les décisions prises par le juge des référés n'ont en principe qu'un caractère provisoire, mais le juge du référé liberté peut tout de même prescrire des mesures qui n'ont pas ce caractère lorsque les délais dans lesquels il est saisi ou lorsque la nature de l'atteinte à une liberté fondamentale, comme la liberté de réunion, y font obstacle. Les décisions prises par le juge des référés n'ont, en principe, qu'un caractère provisoire et il lui appartient ainsi, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures provisoires qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte.
Toutefois, lorsqu' aucune mesure de caractère provisoire n'est susceptible de satisfaire cette exigence, en particulier lorsque les délais dans lesquels il est saisi ou lorsque la nature de l'atteinte y font obstacle, il peut enjoindre à la personne qui en est l'auteur de prendre toute disposition de nature à sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale en cause. Il en va ainsi notamment lorsque l'atteinte résulte d'une interdiction dont les effets sont eux-mêmes provisoires ou limités dans le temps. (Conseil d'État, Ord., 30 mars 2007, Ville de Lyon, requête n° 304053, publié au Recueil Lebon).
REMARQUE N° 2 : l’urgence particulière implique qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les 48 heures. (urgence supérieure à celle exigée pour le référé suspension).
Dans un arrêt Conseil d’Etat, 12 mars 2007, G.I.E. Tahiti Tourisme, requête n° 303395, inédit au Recueil Lebon , le Conseil d'Etat précise que la condition d'urgence du " référé-liberté " ne s'attache pas à l'expulsion d'un occupant sans droit ni titre d'un local affecté à un bureau de change, objet d'une convention d'occupation précaire du domaine public maritime, bien que cette occupation entrave le fonctionnement du service public.
L'usage par le juge du « référé-liberté » des pouvoirs que lui confère l'article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonné à la condition qu'une urgence particulière implique qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures.
Conseil d'État, Ord., 30 mars 2007, Ville de Lyon, requête n° 304053, publié au Recueil Lebon
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