Un groupement de frontaliers a récemment publié sur les réseaux sociaux un article mettant en garde ses adhérents contre toute action judiciaire à l’encontre des établissements bancaires ayant commercialisé des prêts immobiliers en francs suisses.

Sous couvert de prudence, ce texte adopte en réalité le discours des établissements bancaires, en minimisant leurs manquements – absence de transparence sur le risque de change, clauses abusives, défaut d’information chiffrée et personnalisée – tout en dissuadant les emprunteurs de faire valoir leurs droits. Pire encore, il met en cause, sans fondement, la légitimité des recours engagés et l'intégrité des avocats qui les accompagnent.

Une telle prise de position, de la part d’un groupement censé défendre les intérêts des frontaliers, interroge quant à sa partialité. Elle va à l’encontre des droits des emprunteurs concernés et alimente une forme de résignation injustifiée.

Il est donc indispensable de répondre à ces affirmations erronées, d’apporter un éclairage juridique, et de rappeler que les actions engagées aujourd’hui par les emprunteurs frontaliers reposent sur des fondements solides, confortés par une jurisprudence évoluant favorablement.

L’article en question avance plusieurs thèses pour décourager toute action en justice, notamment :

1/ «Les frontaliers savaient ce qu’ils faisaient en acceptant un taux bas contre un risque de change »

L’idée fréquemment reprise par les établissements bancaires selon laquelle les emprunteurs frontaliers auraient sciemment accepté un risque de change en contrepartie d’un taux d’intérêt avantageux est juridiquement inexacte.

En réalité, les banques étaient tenues de fournir une information loyale, claire, concrète et intelligible sur le risque de change.

Or, dans la quasi-totalité des cas, elles se sont contentées de vanter les faibles taux d’intérêt, en minimisant le risque de change, présenté comme inexistant du seul fait que l’emprunteur percevait ses revenus en francs suisses.

La présentation volontairement partielle et orientée de ce produit n’a donc pas permis aux emprunteurs, même frontaliers, d’en mesurer concrètement les conséquences économiques potentielles sur toute la durée du contrat.

Bien au contraire, les établissements prêteurs ont systématiquement mis en avant la prétendue stabilité de la parité euro/franc suisse, minimisant le risque de change en le présentant comme neutralisé du seul fait que les emprunteurs percevaient leurs revenus dans la même devise que celle du prêt.

Ainsi, aucune information sérieuse n’a été formulée quant aux effets d’une rupture de cette parité, alors même que les banques avaient pleine connaissance du risque d’une dépréciation brutale de l’euro face au franc suisse, déjà manifeste depuis la crise des subprimes de 2007–2008 et la crise des dettes souveraines à partir de 2010.

En présentant ces prêts comme sécurisés, les banques ont sciemment omis d’alerter les emprunteurs sur les scénarios défavorables pourtant prévisibles, privant ainsi les clients d’une information loyale, complète et conforme aux exigences du droit de la consommation.

Pour de nombreux frontaliers rémunérés en francs suisses, le choix de ce type de financement s’est opéré en toute confiance, attirés par des taux compétitifs, sans que le caractère potentiellement illimité des pertes de change ne leur soit expliqué.

Les banques étaient pourtant tenues de fournir des simulations concrètes illustrant l’impact d’une forte dépréciation de l’euro et de détailler les conséquences économiques d’un tel scénario sur le capital à rembourser.

Dans la majorité des cas, aucune de ces informations essentielles n’a été communiquée.

Aucun emprunteur frontalier percevant des revenus en francs suisses n’a en conséquence été pleinement conscient de l’ampleur et des conséquences financières du risque encouru, faute d’une information explicite des banques.

Les emprunteurs devaient en conséquence être informés par les banques afin de bien mesurer le risque réel pris sur toute la durée du contrat.

Quant aux clauses types par lesquelles certains emprunteurs reconnaissaient « assumer le risque de change », et les clauses de “décharge” que certains emprunteurs ont signées (reconnaissant assumer le risque) ont été jugées insuffisantes par les tribunaux face au défaut d’une information concrète et compréhensible.

En d’autres termes, bénéficier d’un taux d’intérêt avantageux n’exonérait en rien les banques de leur obligation d’exposer clairement aux emprunteurs le risque de change auquel ils s’exposaient, d’expliquer le fonctionnement du risque de change et ses possibles conséquences financières.


Cette obligation vaut y compris pour un salarié rémunéré en francs suisses, lequel n’est nullement à l’abri d’une évolution défavorable de la parité.

Les conséquences peuvent être lourdes financièrement sans avertissement préalable : en cas de forte hausse du franc suisse, le capital restant dû peut dépasser le montant emprunté, même après des années de remboursement.

C’est précisément la situation vécue par de nombreux emprunteurs frontaliers aujourd’hui.

Dès lors, prétendre qu’ils auraient accepté ce risque en toute connaissance de cause est non seulement erroné, mais relève d’une forme de mépris à l’égard de leur situation financière, et constitue un déni des responsabilités jurisprudentielles puis légales des établissements prêteurs.

 

2/ « Des emprunteurs ont été déboutés, rien n’est gagné d’avance »

Certes, aucune action en justice n’est “gagnée d’avance”, et les avocats sérieux ne le prétendent pas.

Ce n’est pas une raison pour abandonner. Il a fallu du temps pour faire évoluer la jurisprudence. Aujourd’hui, cependant, celle-ci est en faveur des emprunteurs.

Contrairement à ce qu’affirme l’article, les premières décisions favorables ouvrent bien la voie à d’autres actions similaires.

 En particulier, l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 27 mars 2025 constitue un précédent important pour tous les frontaliers dans la même situation. De plus, plusieurs dossiers sont pendants devant la Cour de cassation. Loin d’être un pari téméraire, agir en justice dès maintenant permet de faire valoir ses droits et de contribuer activement à l’élaboration d’une jurisprudence protectrice.

Depuis 2025, plusieurs juridictions sanctionnent la pratique bancaire consistant à communiquer une information lacunaire et, donc incompréhensible pour le consommateur. Autrement dit, les juges reconnaissent de plus en plus fermement les torts des banques dans la commercialisation de ces “prêts toxiques” en francs suisses. Dans ce contexte, qu’un collectif de frontaliers appelle aujourd’hui à la résignation au motif que « les plus hautes instances n’ont pas encore tranché » apparaît au mieux comme un excès de frilosité – au pire, comme un service rendu aux banques pour gagner du temps.

L’article constitue également une attaque gratuite et sans fondement envers les professionnels qui défendent réellement  les emprunteurs frontaliers visant à délégitimer l’action judiciaire elle-même. Faut-il le rappeler ? Si des emprunteurs frontaliers disposent aujourd’hui de solides arguments juridiques, c’est grâce au travail des avocats qui ont fait évoluer la jurisprudence dans le bon sens, dans le strict respect de leurs obligations déontologiques, en informant clairement leurs clients des aléas judiciaires.

Ainsi, le cabinet Dana Avocats a obtenu dès janvier 2025 la première annulation judiciaire d’un prêt en francs suisses consenti à des emprunteurs percevant des revenus en francs suisses, ouvrant ainsi un nouveau chapitre jurisprudentiel.

Sans ces actions en justice, les banques n’auraient aucune raison d’être sanctionnées pour leurs mauvaises pratiques lors de la commercialisation de prêts en francs suisses, notamment aux ménages frontaliers.

 C’est l’addition de recours judiciaires individuels qui finit par créer un rapport de force, voire inciter à des solutions globales.

 À l’inverse, prôner l’inaction collective en comptant sur l’initiative de quelques “autres” revient à décourager la défense des droits de l’ensemble des emprunteurs. Ce n’est pas faire œuvre de “bonne guerre” que de calomnier les avocats ou de caricaturer leurs clients, c’est au contraire entretenir l’inaction, au seul bénéfice des établissements bancaires en cause.

Il convient de rappeler que tout emprunteur, même frontalier, est protégé par les dispositions du Code de la consommation. Le fait de travailler en Suisse et de percevoir son salaire en CHF ne fait pas de l’emprunteur un expert financier capable de prévoir les crises monétaires sur le marché des changes et leur durabilité.

Concrètement :

  • Exigence de transparence des clauses : Les clauses clés d’un contrat de prêt comme celles relatives au remboursement en devise étrangère et au risque de change doivent être rédigées de manière claire et compréhensible pour le consommateur moyen. Cela implique que l’emprunteur puisse évaluer concrètement quels risques financiers pèsent sur lui. La Cour de cassation a clairement affirmé cette solution, dans un arrêt de principe de 2022, en cassant un arrêt qui « pour rejeter la demande tendant à faire déclarer abusifs les articles 2 et 4 du contrat, [a retenu] que ces clauses, relatives au montant du prêt, à la devise choisie par l’emprunteur, au taux d’intérêt, aux modalités de remboursement et au coût du crédit, relèvent de portent sur l’objet du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensible […] sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat » (Civ. 1re, 7 septembre 2022, pourvoi n° 20-20.827 ; Civ. 1re, 7 septembre 2022, pourvoi n° 20-20.826).

Dit autrement, des mentions lacunaires dans le contrat ne suffisent pas : la banque doit prouver qu’elle a remis des simulations chiffrées et des explications personnalisées au client sur les conséquences d’un change défavorable. À défaut, la clause litigieuse peut être déclarée abusive et réputée non écrite, entraînant l’anéantissement du contrat de prêt. Cette jurisprudence s’applique à tous les consommateurs sans distinction, y compris les emprunteurs percevant leurs revenus en francs suisses.

En somme, le droit des emprunteurs à une information sincère et complète est au cœur des litiges en cours. Ni la situation de frontalier, ni la signature d’une clause de style n’enlèvent aux emprunteurs le droit d’être protégés contre les clauses abusives et les manquements des professionnels.

C’est ce droit que les actions judiciaires actuelles cherchent à faire valoir.

 

Des victoires judiciaires significatives et encourageantes

Contrairement au message décourageant véhiculé par le groupement en question, les emprunteurs qui engagent des recours commencent à obtenir gain de cause. Il est important de le souligner pour redonner confiance aux ménages concernés. Voici un aperçu de quelques jurisprudences récentes favorables aux emprunteurs en francs suisses, et les enseignements qu’elles apportent :

Décision et juridiction

Apport juridique en faveur des emprunteurs

TJ Bourg-en-Bresse, 23 janvier 2025 (Crédit Mutuel)

Annulation du prêt – Le tribunal constate que les clauses de prêt en CHF n’étaient pas claires ni compréhensibles sur le risque de change, exposant les frontaliers à une fluctuation non maîtrisée de leur dette. Première décision du genre, elle marque une avancée majeure pour la protection des frontaliers face aux prêts en devise.

TJ Bourg-en-Bresse, 17 avril 2025 (Crédit Mutuel)

Annulation du prêt – Confirmation de la jurisprudence : la clause de risque de change est jugée abusive car elle n’a pas suffisamment informé les emprunteurs des risques encourus. Absence de prescription opposable à l’emprunteur, ouvrant la voie même pour des prêts anciens.

Cour d’appel de Lyon, 27 mars 2025 (Lyonnaise de Banque/CIC)

Annulation du prêt confirmée en appel – La Cour d’appel consacre l’obligation pour les banques de fournir une information complète sur les risques de change, y compris aux frontaliers payés en CHF. Elle souligne le caractère déterminant du devoir d’information : une banque qui ne dé

Cour d’appel de Paris, 28 novembre 2023 (Affaire Helvet Immo, BNP Paribas)dana-avocats.fr

Sanction pénale de la banque – Même si ce dossier concerne des emprunteurs hors zone frontalière, il illustre la gravité des manquements : la banque a été condamnée pour pratique commerciale trompeuse dans la vente massive de prêts immobiliers en CHF (produit Helvet Immo). Cette décision, rare en matière pénale, souligne que dissimuler ou minimiser le risque de change lors de la souscription est une faute grave. Elle conforte la légitimité des victimes à se tourner vers la justice.

D’autres jugements favorables sont attendus, et plusieurs pourvois sont en cours d’examen devant la Cour de cassation. Chaque victoire judiciaire, même isolée, fait jurisprudence au sens où elle contribue à bâtir un corpus d’arguments solides dont pourront se prévaloir les emprunteurs suivants.

Par ailleurs, l’action collective porte déjà ses fruits : Le cabinet Dana Avocats est aujourd’hui le seul cabinet en France ayant déjà obtenu plusieurs décisions judiciaires majeures en faveur d’emprunteurs frontaliers ayant souscrit des prêts immobiliers en francs suisses. Cette expérience unique garantit une maîtrise approfondie des stratégies contentieuses efficaces, en particulier sur les clauses abusives, le défaut d’information contractuelle, et les mécanismes de prescription.

En regroupant un nombre important d’emprunteurs au sein d’un même cabinet, il devient possible de mutualiser les efforts, les arguments juridiques, et les expertises nécessaires à une défense solide.
Cette cohésion favorise l’émergence d’une jurisprudence homogène et favorable : les tribunaux voient clairement la systématicité des manquements des banques, ce qui renforce la crédibilité des recours et augmente les chances de succès collectif.

La représentation groupée par un seul cabinet permet de mutualiser certains frais de procédure et d’expertise, ce qui constitue un avantage financier important pour chaque plaignant. Par ailleurs, la gestion centralisée des procédures par un même cabinet permet une meilleure efficacité, une réduction du temps global de traitement des dossiers, et une optimisation des coûts pour chaque emprunteur concerné.

Plus les emprunteurs sont nombreux à être représentés par un cabinet unique, plus la pression sur les banques est importante. Cela pourrait faciliter des négociations transactionnelles, les établissements bancaires étant généralement plus enclins à négocier favorablement face à un collectif représenté par un cabinet reconnu, expérimenté, et maîtrisant parfaitement les enjeux juridiques et financiers.

Le cabinet Dana Avocats est aujourd’hui idéalement positionné pour réunir et défendre collectivement les intérêts des frontaliers concernés par les prêts en CHF. La stratégie d’action collective garantit une meilleure efficacité judiciaire, une économie de moyens substantielle, et un rapport de force renforcé face aux établissements bancaires concernés.

En conclusion, il est essentiel de rétablir la confiance des emprunteurs dans le bien-fondé de leurs recours. L’article rédigé par ce groupement de frontaliers, volontairement ou non, épouse la rhétorique des établissements bancaires en suggérant que l’inaction serait la meilleure voie. Cette position est non seulement contestable, mais aussi dangereuse pour les droits des particuliers concernés.

Face à un prêt immobilier en francs suisses qui s’est avéré désastreux (capital restant dû exorbitant, pertes de change cumulées, surendettement latent), exercer un recours judiciaire n’a rien d’abusif ni de téméraire – c’est au contraire l’exercice normal d’un droit fondamental de tout citoyen : le droit d’obtenir justice en cas de manquement d’un professionnel. Les arguments consistant à faire patienter indéfiniment les emprunteurs reviennent à protéger les banques, en leur donnant le temps de souffler et d’organiser leur défense, voire d’attendre que certains dossiers se prescrivent ou que la lassitude gagne les victimes.

Les emprunteurs doivent au contraire être rassurés sur la légitimité de leur démarche : Le Code de la consommation, la jurisprudence nationale et européenne convergent vers une reconnaissance accrue des droits des emprunteurs percevant leurs revenus en francs suisses.

Il est désormais établi que bon nombre de ces contrats comportaient des clauses abusives, que les banques ont failli à leurs obligations de transparence, et que ces fautes ont masqué l’augmentation potentiellement illimitée du coût du financement.

Dans ces conditions, encourager les victimes à agir équivaut à leur donner les moyens de recouvrer leurs droits et, bien souvent, de retrouver une situation financière sereine.

Rappelons que l’enjeu n’est pas seulement théorique  : l’annulation d’un prêt en francs suisses peut entraîner la suppression de la perte de change, l’annulation des intérêts et même la restitution par la banque des sommes trop perçues.

Des familles entières peuvent ainsi être sorties d’une impasse financière à cause de ces décisions salvatrices.

Encourager l’inaction au nom d’une prudence excessive, ou d’une loyauté mal placée envers les banques, revient à empêcher l’émergence d’un véritable collectif de consommateurs, à maintenir les emprunteurs dans une situation d’injustice durable, et à favoriser l’impunité de pratiques contractuelles pourtant déjà sanctionnées par les juridictions.

En définitive, chaque emprunteur frontalier a le droit d’évaluer l’opportunité d’un recours judiciaire dans son cas particulier, estimer la perte de change récupérable et décider en toute connaissance de cause des suites à donner.

Les arguments juridiques existent, les premiers succès judiciaires aussi : il ne reste qu’à les faire valoir. C’est ainsi que les droits des emprunteurs seront respectés et que les banques, à l’avenir, seront dissuadées de reproduire de telles pratiques déloyales. C’est en agissant dès aujourd’hui que les emprunteurs en francs suisses pourront défendre efficacement leurs intérêts et, espérons-le, obtenir justice.