La Cour de Cassation s'est prononcée le 4 septembre 2025 sur les conditions d'exercice par la SAFER de son droit de préemption et plus particulièrement sur les biens qui peuvent en faire l'objet.
Dans l'affaire soumise à la Cour de Cassation, un couple d'agriculteurs avait été mis en liquidation judiciaire.
Douze ans après l'ouverture de cette procédure, le liquidateur avait été autorisé à vendre aux enchères les immeubles dépendant de celle-ci. Il s’agissait d’un ensemble d’immeubles comprenant des dépendances, un bâtiment d'habitation ainsi que des bois et taillis.
Presque un mois après l'adjudication, la SAFER a exercé son droit de préemption.
L'adjudicataire l’a alors assignée en sollicitant l'annulation de la décision de préemption.
La cour d'appel avait fait droit aux demandes de la SAFER, de sorte que l'adjudicataire a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.
Il soutenait que la SAFER ne pouvait exercer son droit de préemption sur les biens concernés dès lors que ceux-ci avaient perdu au jour de l'aliénation leur usage agricole. En effet, l’exploitation agricole avait pris fin avec l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Pour sa part, la SAFER soutenait qu'aucun changement de destination de ces parcelles n'était intervenu depuis l’arrêt de l’exploitation.
Cette affaire a été l'occasion pour la Cour de cassation de rappeler les conditions de mise en œuvre par la SAFER de son droit de préemption.
L’article L. 143-1 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime prévoit que peuvent être préemptés les biens ayant, au jour de l'aliénation, un usage agricole ou une vocation agricole ou encore les biens faisant parti d'une exploitation agricole. Il pourra s'agir, par exemple, des bâtiments d'habitation.
En application de cette disposition, la Cour de cassation a rappelé que les immeubles, objet du droit de préemption, doivent :
- Avoir un usage agricole,
- Ou, en raison de leur nature, s’ils ne peuvent participer directement à l'activité agricole, être rattachés à une exploitation agricole.
Il peut en être ainsi des bâtiments d'habitation ou encore de parcelles boisées.
Cette condition d'usage agricole ou d'intégration dans une exploitation agricole doit être remplie au jour de l'aliénation ainsi que l'impose l'article L. 143-1.
En l’espèce, dans l'affaire qui lui était soumise, l'exploitation agricole avait cessé depuis douze années, au jour de l'adjudication.
La SAFER répondait que les biens n'avaient fait l'objet d'aucun changement de destination c'est-à-dire que, depuis la cessation de l'activité, ces biens n'avaient pas fait l'objet d'une utilisation différente.
Pour la SAFER ces biens avaient donc toujours vocation à servir une exploitation agricole.
Si la Cour d’appel l’avait suivie en cette argumentation, cela n’a pas été le cas de la Cour de Cassation.
Pour cette dernière, l'argument d'une absence de changement de destination est inopérant à caractériser, au jour de l'aliénation, l'usage agricole des biens ou l'existence d'une exploitation agricole.
Ainsi, les bâtiments n'ayant plus d'utilisation agricole n'entrent pas dans le champ du droit de préemption de la SAFER.
Cette solution s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation et s'explique par le fait que le droit de préemption de la SAFER a vocation à éviter la soustraction d'un bien à l'activité agricole.
Le droit de préemption accordé à la SAFER n’a pas vocation à restituer un usage agricole à des immeubles qui l'ont perdu au jour de leur aliénation.
L’enseignement à tirer de cette décision est donc que c’est au jour de l’aliénation qu’il y a lieu d’examiner si un bien immobilier a un usage agricole ou est rattaché à une exploitation agricole.
Si ce n’est pas le cas, la SAFER ne peut exercer de droit de préemption.
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