Ce qu'il faut retenir du décret du 14 août 2024 sur les sociétés d'avocats :

 

  • Objectifs et structure du décret : Ce texte réglementaire clarifie et simplifie les modalités sous lesquelles les avocats peuvent former et opérer des sociétés pour l'exercice professionnel, divisé en six livres traitant des différents aspects de l'exercice en société.
  • Gouvernance renforcée : Les modifications statutaires au sein des sociétés civiles professionnelles (SCP) et des sociétés d'exercice libéral (SEL) requièrent désormais une majorité des deux tiers des associés pour assurer un consensus solide et préserver la stabilité organisationnelle [[Décret n° 2024-872, art. 20]].
  • Transparence et responsabilité : Les SEL sont tenues de rapporter annuellement la composition de leur capital social et les changements significatifs à leur conseil de l'ordre, renforçant ainsi la surveillance réglementaire et la conformité éthique [[Décret n° 2024-872, art. 111]].
  • Droit de retrait et gestion des parts : Le décret régule le droit de retrait en stipulant un délai de six mois pour la cession des parts des associés, contribuant à la stabilité financière de la société [[Décret n° 2024-872, art. 100]].
  • Sociétés de participations financières (SPFPL) : Introduction de règles permettant à ces sociétés de détenir des parts dans des sociétés professionnelles et commerciales, favorisant l'expansion des activités professionnelles des avocats au-delà des cadres traditionnels [[Décret n° 2024-872, art. 131]].
  • Obligations d'information pour les SPFPL : Renforcement de l'obligation de notifier tout changement significatif dans la structure ou gestion de ces sociétés à l'ordre des avocats, assurant une gestion transparente et conforme aux régulations [[Décret n° 2024-872, art. 137]].
  • Impact sur les pratiques existantes : Les sociétés d'avocats doivent ajuster leurs pratiques et structures pour se conformer aux nouvelles régulations, notamment en termes de modifications statutaires et de transparence [[Décret n° 2024-872]].
  • Préparation à l'entrée en vigueur : Les cabinets d'avocats doivent se préparer pour l'application des nouvelles règles dès le 1er septembre 2024, en mettant à jour leurs statuts et en formant leurs membres aux nouvelles exigences [[Décret n° 2024-872, art. 151]].

 

 

 

 

 

 

Partie 1: Contexte et structure générale du décret

 

Le décret du 14 août 2024 représente une étape importante dans l'évolution de la réglementation des formes d'exercice professionnel des avocats en France. Ce texte législatif est promulgué en application de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, qui elle-même a introduit des modifications substantielles dans le cadre de l'exercice en société des professions libérales réglementées. Ces changements visent à moderniser les structures existantes tout en introduisant de nouveaux cadres juridiques adaptés aux réalités contemporaines du marché juridique.

 

Objectifs du Décret: Le principal objectif du décret est de clarifier, simplifier et harmoniser les conditions sous lesquelles les avocats peuvent former et opérer des sociétés pour l'exercice de leur profession. Le texte se divise en six livres, chacun ciblant des aspects spécifiques de l'exercice en société :

 

  1. Des sociétés civiles (Livre I) : Ce livre détaille les règles applicables aux sociétés civiles professionnelles (SCP), y compris les conditions de formation, de gouvernance, et de dissolution.
  2. Des sociétés d'exercice libéral (Livre II) : Il couvre les spécificités des sociétés d'exercice libéral (SEL), offrant des directives sur la gestion des parts sociales, les droits et obligations des associés, ainsi que les modalités de transmission des parts.
  3. Des sociétés de participations financières de profession libérale d’avocats (Livre III) : Ce segment aborde les règles encadrant les SPFPL, permettant aux avocats de détenir des participations dans d'autres sociétés professionnelles ou commerciales.
  4. Dispositions applicables dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle (Livre IV) : Spécificités régionales dues aux particularités juridiques de ces zones.
  5. Dispositions applicables à l’Outre-Mer (Livre V) : Adaptations des règles pour les territoires ultramarins français.
  6. Dispositions diverses (Livre VI) : Articles finaux couvrant des sujets variés nécessitant une régulation distincte.

 

 

Gouvernance et prise de décisions: Le décret stipule que les décisions clés, comme les modifications statutaires au sein des SCP et des SEL, doivent être prises à la majorité des deux tiers des voix des associés. Cette exigence vise à assurer un consensus significatif parmi les associés avant l'adoption de changements majeurs, renforçant ainsi la stabilité et la durabilité de la structure sociétale.

 

Partie 2: Modifications statutaires et gouvernance des sociétés

 

Le décret du 14 août 2024 introduit des dispositions précises pour encadrer les modifications statutaires et la gouvernance au sein des sociétés d'avocats, mettant un accent particulier sur les sociétés civiles professionnelles (SCP) et les sociétés d'exercice libéral (SEL). Ces dispositions visent à renforcer la transparence et la cohérence dans la gestion de ces sociétés.

 

Majorité renforcée pour les modifications statutaires : Conformément à l'article 20 du décret, toute modification des statuts des SCP doit désormais être approuvée par une majorité des deux tiers des associés. Cette mesure garantit que des changements significatifs à la structure ou à l'orientation de la société reçoivent un large soutien, minimisant ainsi les risques de conflits internes et augmentant la stabilité opérationnelle [[Décret n° 2024-872, art. 20]].

 

Gestion des parts sociales et dissolution : L'article 82 traite de la concentration des parts sociales dans les mains d'un seul associé, qui entraîne normalement la dissolution de la société, à moins qu'une opération de fusion ne soit envisagée ou que des parts soient cédées. Cette règle assure que les SCP maintiennent une structure associative diversifiée, essentielle pour la collaboration et la répartition équilibrée des responsabilités [[Décret n° 2024-872, art. 82]].

 

Transparence accrue dans les SEL : L'article 111 impose aux SEL de rapporter annuellement ou lors de tout changement significatif, la composition de leur capital social et les modifications statutaires au conseil de l'ordre compétent. Cette obligation d'information renforce le contrôle des autorités réglementaires sur la gestion des sociétés d'avocats, assurant ainsi que ces entités opèrent en conformité avec les normes éthiques et professionnelles établies [[Décret n° 2024-872, art. 111]].

 

Droit de retrait et cession de parts : L'article 100 réglemente le droit de retrait des associés des SEL, stipulant un délai de six mois pour céder leurs parts. Cette disposition aide à prévenir les situations où la liquidité des parts sociales pourrait être compromise, garantissant la continuité et la stabilité financière de la société [[Décret n° 2024-872, art. 100]].

 

Partie 3: Sociétés de participations financières et ajustements réglementaires

 

Le décret du 14 août 2024 a également mis en place des règles spécifiques pour les sociétés de participations financières de profession libérale d'avocats (SPFPL), qui jouent un rôle crucial dans le développement et le financement des structures professionnelles en permettant aux avocats d'investir dans ou de posséder des parts d'autres entreprises juridiques.

 

Cadre réglementaire des SPFPL : Selon l'article 131 du décret, les SPFPL sont autorisées à détenir des parts sociales ou des actions non seulement dans des sociétés d'exercice de la profession d'avocat mais également dans des sociétés commerciales, à condition que ces dernières exercent des activités que les avocats sont légalement autorisés à pratiquer. Cette flexibilité est conçue pour faciliter l'expansion des activités professionnelles des avocats au-delà des cadres traditionnels, en encourageant l'innovation et l'interdisciplinarité [[Décret n° 2024-872, art. 131]].

 

Obligation d'information renforcée : L'article 137 impose aux SPFPL de notifier tout changement significatif dans leur structure ou gestion à l'ordre des avocats compétent. Cette mesure vise à maintenir une surveillance continue sur les activités financières complexes et potentiellement risquées, assurant ainsi que ces sociétés opèrent de manière transparente et conforme aux régulations en vigueur [[Décret n° 2024-872, art. 137]].

 

Impact des nouvelles régulations sur les pratiques existantes : L'introduction de ces règles dans le décret du 14 août 2024 nécessite que les sociétés d'avocats ajustent leurs pratiques et structures existantes. Par exemple, les exigences de majorité renforcée pour les modifications statutaires et le nouveau cadre pour le droit de retrait et la cession de parts exigent des révisions des accords associatifs et des politiques internes pour assurer la conformité. De plus, l'obligation accrue d'information et de transparence peut nécessiter l'implémentation de nouveaux systèmes de gestion et de reporting pour suivre et documenter les modifications pertinentes.

 

Préparation à l'entrée en vigueur : Il est essentiel que les sociétés d'avocats se préparent à l'entrée en vigueur des nouvelles régulations le 1er septembre 2024. Cela inclut la mise à jour des statuts, la formation des associés et du personnel administratif sur les nouvelles exigences, et l'établissement de relations claires avec les autorités de régulation telles que les conseils de l'ordre. Les articles 111 et 136 spécifient que certaines dispositions, notamment celles relatives aux obligations de remontée d'informations, seront applicables dès cette date, soulignant l'urgence pour les sociétés d'avocats d'adopter rapidement les ajustements nécessaires.

 

Partie 4: Implications pratiques et conseils pour une transition réussie

 

Alors que le décret du 14 août 2024 apporte des changements significatifs dans la manière dont les sociétés d'avocats et les SPFPL sont réglementées, il est crucial pour les cabinets d'avocats de comprendre pleinement les implications pratiques de ces nouvelles règles et de prendre les mesures nécessaires pour une mise en conformité efficace.

 

Révision des structures et des accords internes : La première étape pour les cabinets doit être une révision complète des structures existantes et des accords internes. Cela inclut une analyse détaillée des statuts de la société, des accords de partenariat, et des politiques internes pour s'assurer qu'ils reflètent les nouvelles exigences légales. La modification des statuts, notamment, doit être traitée avec prudence, car elle nécessite l'approbation des deux tiers des associés, conformément aux articles 20 et 82 [[Décret n° 2024-872, arts. 20, 82]].

 

Formation et sensibilisation : Les avocats, les associés, et le personnel administratif doivent être formés et sensibilisés aux nouvelles régulations. Cela comprend une compréhension des obligations de notification, des processus de cession de parts, et des règles de dissolution. Des sessions de formation régulières peuvent aider à maintenir une compréhension uniforme et à jour des exigences réglementaires et de leur impact sur les opérations quotidiennes du cabinet.

 

Systèmes de gestion et de reporting : L'implémentation de systèmes de gestion et de reporting robustes est essentielle pour documenter et suivre les modifications statutaires, les mouvements de parts sociales, et d'autres changements importants. Cela est particulièrement pertinent en vue des obligations d'information renforcées stipulées par les articles 111 et 137, qui requièrent des rapports détaillés aux conseils de l'ordre [[Décret n° 2024-872, arts. 111, 137]].

 

Dialogue avec les autorités de régulation : Maintenir un dialogue ouvert et régulier avec les autorités de régulation, comme les conseils de l'ordre, est vital. Cela peut non seulement aider à clarifier des points d'ambiguïté dans les nouvelles règles mais aussi à démontrer la volonté du cabinet de se conformer pleinement aux exigences légales. Une collaboration proactive avec les autorités peut également faciliter une transition plus douce lors de l'application des nouvelles règles.

 

Préparation pour les échéances et les dispositions transitoires : Compte tenu de l'entrée en vigueur des règles le 1er septembre 2024, et des délais de régularisation étendus jusqu'au 1er septembre 2025 pour certaines dispositions, il est crucial de planifier et de prioriser les actions de mise en conformité. Les cabinets doivent particulièrement faire attention aux dispositions qui entrent en vigueur immédiatement, comme l'obligation de remonter certaines informations importantes aux conseils de l'ordre, pour éviter des pénalités ou des complications réglementaires [[Décret n° 2024-872, art. 151]].

 

 

Le Bouard Avocats

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