Le 3 de l’article 283 du code général des impôts prévoit que toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur une facture est redevable de cette taxe du seul fait de sa facturation. Il s’ensuit que, lorsque la TVA a été facturée de manière erronée, elle reste en principe due par l’émetteur de la facture. Cette taxe facturée à tort est susceptible d’être régularisée à certaines conditions et le redevable peut réclamer le versement d’intérêts moratoires. Toutefois, ces derniers courent, non pas à compter de la date à laquelle la TVA facturée à tort a été reversée au Trésor, mais à compter de la réclamation préalable faisant suite à l’émission de la facture rectificative.

Au cas particulier, une société s’est aperçue qu’elle avait soumis à tort une opération à la TVA, et  a émis une facture rectificative ne faisant plus mention de la taxe. En fait, il y eu une cession en 2011, pour un montant de près de 15 millions d'euros, des travaux d'études portant sur un patrimoine génétique végétal, et la TVA sur cette opération a été versée au Trésor public. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société cessionnaire, l'administration fiscale, estimant au contraire que l’opération n'était pas soumise à la TVA, a remis en cause la déductibilité de la taxe par la société vérifiée.

Une facture rectificative a donc été émise et le redevable a porté le montant de la taxe initialement facturé à tort sur sa déclaration de TVA du mois suivant et a sollicité le remboursement du crédit de taxe correspondant ainsi que le versement d’intérêts moratoires courant à compter de la date de paiement de la TVA.

La question est de savoir à compter de quelle date ces intérêts moratoires ont commencé à courir. Ont-ils commencé à courir  à compter de la date de paiement de la TVA,  comme le soutient la société ou plutôt  à compter  de celle de la réclamation préalable faisant suite à l’émission de la facture rectificative ?

L’administration fiscale, le tribunal administratif de Toulouse (jugement TA Toulouse n° 1806045 du 15 juin 2020), la Cour administrative d’appel Toulouse (arrêt CAA Toulouse n° 20TL22671 du 16 mars 2023) et le Conseil d’Etat (arrêt du CE, 15 janv. 2025, n° 473736) sont tous sur la même longueur d’ondes. En effet, après avoir rappelé que les remboursements de TVA obtenus par un redevable après le rejet par l'administration d'une réclamation, qui ont le caractère de dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal, doivent donner lieu au paiement d'intérêts moratoires, le Conseil d’Etat retient que les intérêts moratoires ne pouvaient courir de la date du paiement de la taxe incluse à tort dans la TVA collectée. Le droit à remboursement est né de la régularisation de cette taxe, soit lors de l'émission d'une facture rectificative, et les intérêts ne devaient ainsi être décomptés que de la date de la réclamation consécutive à cette régularisation. Ils courent donc, ces intérêts, non pas à compter de la date à laquelle la TVA facturée à tort a été reversée au Trésor, mais de celle de la réclamation faisant suite à l’émission de la facture rectificative.

Rappelons que dans une actualisation du 08/01/2025, l’administration fiscale avait mis à jour ses publications relatives aux conditions de régularisation de la TVA facturée à tort, tirant les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État en la matière, en précisant les conditions et modalités de cette régularisation, en particulier lorsque l’administration a remis en cause la déduction de la taxe.

L’existence de la facture mentionnant la TVA ne crée pas en soi le droit à déduction. Ce droit n’existe que dans la mesure où la taxe figurant sur la facture était légalement due par l’émetteur de ce document. Ce principe a d’ailleurs été confirmé par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, arrêt du 13 décembre 1989, aff. C-342/87, « Genius Holding BV c/ Staatssecretaris van Financiën », ECLI:EU:C:1989:635).

Pour obtenir la restitution de la TVA qui lui a été facturée à tort, l’acquéreur doit prioritairement s’adresser, y compris le cas échéant par la voie juridictionnelle, à son fournisseur si celui-ci n’a pas pris l’initiative de lui rembourser l’indu correspondant, et, seulement à titre subsidiaire, à l’administration fiscale si l’obtention de la restitution de la taxe indue auprès du fournisseur est impossible ou excessivement difficile (CE, décision du 29 novembre 2023, n° 469111, ECLI:FR:CECHR:2023:469111.20231129).

Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 15/01/2025, 473736.

Arnaud Soton

Avocat fiscaliste

Professeur de droit fiscal