Une récente décision de la Cour de cassation reconnait à l'acquéreur évincé la possibilité de contester une décision de préemption au-delà du délai de forclusion de 6 mois imposé par l'article L 143-13 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), et ce au titre de l'exception de nullité.
Les faits sont les suivants.
Un jeune agriculteur (JA) souhaite acquérir un ensemble de terres agricoles d'une superficie totale de 12 hectares et conclut avec la propriétaire, placée en liquidation judiciaire, une promesse synallagmatique de vente. Le notaire chargé de l'acte notifie la vente à la SAFER d'AUVERGNE, laquelle fait part de son intention d'exercer son droit de préemption.
Les mois passent et aucun acte authentique n'est passé entre la venderesse et la SAFER.
De sorte que la propriétaire, représentée par le mandataire-liquidateur, fait régulariser la vente au profit ....du jeune agriculteur.
Constatant cette vente en dépit de l'exercice de son droit de préemption, la SAFER AUVERGNE RHÔNE-ALPES (AURA), issue de la fusion de différentes SAFER dont la SAFER d'AUVERGNE, saisit le tribunal judiciaire en constatation de la perfection de la vente intervenue à son profit (par l'exercice du droit de préemption) et en inopposabilité de l'acte notarié de vente au profit du JA.
A ce stade, il importe de préciser que le JA, usant de la faculté offerte par l'article L 143-8 du CRPM (qui renvoit aux dispositions de l'article L 412-8 alinéa 4 en matière de droit de préemption du preneur en place), avait préalablement mis en demeure la SAFER de réaliser l'acte authentique de vente dans le délai de 15 jours, le texte prévoyant, à défaut, la nullité de plein droit de la déclaration de préemption.
Sur ce point, la Cour d'appel avait rappelé que cette sanction n'était applicable que si l'absence de régularisation de l'acte notarité était bien imputable à la SAFER, ce qui supposait qu'une action judiciaire ait été engagée à cet effet. Elle ajoutait que, de jurisprudence constante, le délai (de 15 jours en l'espèce) ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir. Elle avait, ainsi, constaté que la SAFER avait contacté aussitôt le notaire, demandé l'établissement d'un projet d'acte sur lequel elle avait fait des observations, et que l'absence de régularisation dans le délai imparti n'était pas de son fait, rejetant ainsi la demande de nullité de la déclaration de préemption.
Par voie reconventionnelle, le JA a sollicité l'annulation de la décision de préemption, mais la Cour lui a opposé la forclusion pour ne pas avoir fait cette demande dans le délai de 6 mois imposé par le texte, délai courant à compter de l'affichage en mairie de cette décision. La Cour a rejeté également le moyen tiré de l'exception de nullité, au motif "qu'aucun contrat n'a été conclu entre le JA et la SAFER".
C'est sur ce dernier point que la Cour de cassation a annulé l'arrêt de la cour d'appel. La Haute cour rappelle que, même après l'expiration du délai de six mois, l'acquéreur évincé peut parfaitement se prévaloir de l'exception du nullité pour contester la décision de préemption et pour s'opposer aux demandes de la SAFER qui découlent de cet acte. L'affaire est donc renvoyée devant la Cour d'appel de Lyon (Cass. 3° civ., 9 janvier 2025, n° 23-19.858).
Ce faisant la Cour de cassation ne distingue pas si la demande au titre de l'exception de nullité porte sur un contrat ou non.
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