Bail commercial : le bailleur peut-il échapper à son obligation de délivrance et de jouissance paisible en invoquant la prescription de l’action du locataire ?
Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 juillet 2025, n° 23-20.491, Publié au bulletin
Faits :
Une SCI consent un bail commercial portant sur un terrain, des hangars et des bureaux à usage d'exploitation forestière, négoce de bois d'œuvre et scierie.
La locataire estime que la bailleresse a amputé d'un tiers l'assiette du bail en y construisant un hangar et un parking loués à un tiers et a empêché l'accès aux bâtiments loués.
La locataire assigne en résiliation du bail et en indemnisation.
La cour d’appel de Colmar a jugé irrecevable comme prescrite l’action en résiliation du bail au tort du bailleur.
Pourquoi ?
Parce que la cour d’appel a estimé que le délai de prescription de l'action en résiliation fondée sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance ou de jouissance paisible courait à compter du jour de la connaissance de la réduction de la surface louée et de la difficulté à accéder au hangar.
Arguments du locataire :
La prescription de l'action en résiliation du bail fondée sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et de jouissance paisible ne peut commencer à courir qu'à compter de la cessation du manquement imputé au bailleur.
Motivation de la Cour de cassation :
Fondements :
- article 1709 du code civil
« Le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer. »
- article 1719 du code civil
« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations. »
- article 2224 du code civil
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
L’obligation de délivrance et l’obligation de jouissance paisible sont des obligations continues du bailleur qui sont exigibles pendant toute la durée du bail.
En conséquence, la persistance du manquement du bailleur à celles-ci constitue un fait permettant au locataire d'exercer l'action en résiliation du bail.
Ici, le point de départ n’est pas le jour de la connaissance de la réduction de la surface louée et de la difficulté à accéder au hangar loué dans la mesure où la réduction de l'assiette du bien loué persistait.
En conclusion :
Pas de prescription tant que l’infraction continue !
Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 juillet 2025, n° 23-20.491, Publié au bulletin
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Nawal BELLATRECHE-TITOUCHE
Avocate spécialiste en droit immobilier
Formatrice en droit immobilier
Sous-traitance en droit immobilier
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NB : cet article n’est pas généré par l’IA
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