Transparence des rémunérations : ce que change la directive européenne 2023/970
Essentiel à retenir :
- Transposition obligatoire avant le 7 juin 2026 : la directive (UE) 2023/970 impose aux États membres, dont la France, d’intégrer dans leur droit interne un cadre complet de transparence salariale pour garantir l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes [[Dir. (UE) 2023/970, art. 34]].
- Obligations dès le recrutement : les employeurs devront indiquer dans les offres d’emploi ou avant le premier entretien la rémunération proposée ou sa fourchette, et ne pourront plus interroger les candidats sur leurs salaires précédents [[Dir. (UE) 2023/970, art. 5]].
- Droit d’accès à l’information salariale : chaque salarié pourra obtenir, sur demande écrite, les niveaux moyens de rémunération ventilés par sexe pour des postes identiques ou de valeur équivalente [[Dir. (UE) 2023/970, art. 7]].
- Reporting obligatoire et évaluation conjointe : les entreprises à partir de 100 salariés devront publier périodiquement les écarts de rémunération femmes-hommes et procéder à une évaluation conjointe dès qu’un écart de plus de 5 % non justifié est constaté [[Dir. (UE) 2023/970, art. 9 et 10]].
- Renversement de la charge de la preuve : en cas de litige sur une inégalité de rémunération, il appartiendra désormais à l’employeur de prouver qu’aucune discrimination n’a été commise, sauf à démontrer une justification objective et neutre du point de vue du genre [[Dir. (UE) 2023/970, art. 18]]. Conformité à mettre en place avec l'aide d'un avocat en droit social à Versailles.
À transposer au plus tard le 7 juin 2026, la directive (UE) 2023/970 bouleverse l’économie du principe « à travail égal, salaire égal ». Elle instaure des exigences nouvelles dès le recrutement, élargit les droits d’accès à l’information, impose des obligations de reporting graduées et fait basculer la charge de la preuve. Pour les employeurs français, l’articulation entre ce cadre européen et le Code du travail appelle une mise en conformité méthodique, documentée et traçable.
1. Fondements juridiques et champ d’application
Le principe d’égalité de rémunération trouve sa source primaire dans le traité [[TFUE, art. 157]]. En droit interne, il s’exprime par l’obligation faite à tout employeur d’assurer, pour un même travail ou un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes [[C. trav., art. L3221-2]]. La notion de rémunération y est appréhendée largement, englobant salaire de base et tous avantages ou accessoires, en espèces ou en nature [[C. trav., art. L3221-3]]. La définition du travail de valeur égale repose sur des critères objectifs et combinés, tenant à la qualification, à l’expérience, aux responsabilités et à la charge physique ou nerveuse [[C. trav., art. L3221-4]].
La directive 2023/970 consolide ce socle en fixant des exigences minimales harmonisées sur deux axes. D’une part, des mécanismes de transparence destinés à prévenir les inégalités en amont et à permettre leur détection en aval. D’autre part, des renforcements procéduraux pour faciliter l’effectivité contentieuse du droit à rémunération égale. Elle s’applique aux employeurs publics et privés, à l’ensemble des travailleurs au sens du droit de l’Union, et vise explicitement les candidats à l’emploi lorsqu’il est question des obligations « pré-embauche » [[Dir. (UE) 2023/970, art. 2 et 5]].
La Cour de justice a de longue date rappelé la portée directe et structurante de l’égalité de rémunération, notamment en matière de comparaison possible au-delà de l’entreprise lorsque la source unique de fixation des salaires est identifiée [[CJUE, 8 avr. 1976, C-43/75, Defrenne II]]. La directive reprend cette logique en prévoyant que la comparaison ne se limite pas aux travailleurs d’un même employeur lorsqu’une « source unique » établit les éléments de rémunération [[Dir. (UE) 2023/970, art. 19]].
2. Transparence en amont du contrat de travail
2.1. Information salariale avant l’entretien
L’employeur devra fournir au candidat, avant tout entretien, l’information sur la rémunération initiale envisagée ou sa fourchette, établie sur des critères objectifs et non sexistes, ainsi que, le cas échéant, les dispositions conventionnelles pertinentes applicables au poste [[Dir. (UE) 2023/970, art. 5, §1]]. Cette information peut figurer dans l’annonce, être communiquée avant l’entretien ou selon tout mode assurant une négociation éclairée.
2.2. Interdiction des questions sur l’historique salarial
La directive prohibe expressément toute interrogation sur les rémunérations perçues antérieurement par le candidat [[Dir. (UE) 2023/970, art. 5, §2]]. Cette règle vise à empêcher la « portabilité » d’inégalités historiques, souvent au détriment des femmes, et impose une discipline de recrutement centrée sur le poste et ses exigences objectives.
2.3. Neutralité des intitulés et non-discrimination procédurale
Les intitulés d’offres et les processus de sélection doivent être neutres du point de vue du genre et conduits de manière à ne pas compromettre le droit à rémunération égale [[Dir. (UE) 2023/970, art. 5, §3]].
3. Transparence interne et droit d’accès à l’information
3.1. Critères de fixation et progression
Les employeurs devront mettre à disposition des salariés les critères utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et leur progression. Ces critères doivent être objectifs et neutres du point de vue du genre [[Dir. (UE) 2023/970, art. 6]]. La directive autorise un aménagement pour les structures de moins de 50 salariés sur l’exigence relative à la progression, sans remettre en cause la transparence des critères de base.
3.2. Accès aux niveaux moyens ventilés par sexe
Chaque salarié dispose d’un droit d’obtenir communication, par écrit, de son niveau de rémunération et des niveaux moyens de rémunération, ventilés par sexe, pour les catégories de salariés accomplissant le même travail ou un travail de valeur égale [[Dir. (UE) 2023/970, art. 7, §1]]. Cette faculté peut s’exercer directement, via les représentants du personnel ou par l’intermédiaire de l’autorité ou de l’organisme pour l’égalité compétent [[Dir. (UE) 2023/970, art. 7, §2]].
3.3. Protection des données et anonymisation
Le traitement de données induit par ces transparences doit respecter le RGPD. Le texte prévoit des garde-fous pour éviter la divulgation directe ou indirecte de la rémunération identifiable d’un salarié, tout en garantissant l’effectivité du droit d’action [[Dir. (UE) 2023/970, art. 12]] [[Règl. (UE) 2016/679, art. 5 et 6]].
Focus : ce que la directive change concrètement pour les salariés
Une nouvelle ère de transparence au sein des entreprises
La directive européenne 2023/970 ne se limite pas à rappeler le principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. Elle transforme la manière dont chaque salarié pourra accéder à l’information et comprendre la logique des décisions salariales.
À partir du 7 juin 2026 au plus tard, la transparence deviendra un droit opposable, garantissant à chacun une connaissance claire des critères de rémunération, de progression et des écarts éventuels entre salariés.
Avant l’embauche : la fin des zones d’ombre
Les candidats devront être informés de la rémunération proposée avant tout entretien.
Les employeurs seront tenus :
- d’indiquer dans les offres d’emploi ou avant le premier entretien la rémunération prévue ou sa fourchette ;
- de communiquer, sur demande, les dispositions conventionnelles applicables au poste ;
- de ne plus interroger les candidats sur le montant de leurs salaires précédents.
Ces nouvelles obligations visent à assurer une égalité réelle dès la phase de recrutement et à mettre un terme aux pratiques qui entretiennent les écarts salariaux historiques.
Après l’embauche : un droit d’accès renforcé à l’information
Une fois recruté, le salarié pourra obtenir par écrit :
- les critères utilisés pour déterminer sa rémunération et en assurer la progression ;
- les niveaux moyens de rémunération, ventilés par sexe, pour les postes identiques ou de valeur équivalente.
Ces informations devront être présentées de manière claire et compréhensible, sans permettre l’identification directe d’un collègue, conformément aux règles de protection des données personnelles.
Les employeurs devront donc mettre à disposition des salariés des critères de rémunération transparents, objectifs et neutres du point de vue du genre.
En cas d’écart injustifié : un recours facilité
La directive introduit un renversement de la charge de la preuve [[Dir. (UE) 2023/970, art. 18]].
Lorsqu’un salarié conteste une différence de rémunération, ce n’est plus à lui de prouver la discrimination, mais à l’employeur de démontrer que l’écart repose sur des critères objectifs, non sexistes et vérifiables.
Cette inversion du fardeau probatoire renforce considérablement la position des salariés en cas de litige et incite les entreprises à justifier systématiquement leurs politiques de rémunération.
Transparence et dialogue social : une dynamique durable
La transparence salariale ne vise pas seulement à dévoiler des chiffres, mais à instaurer une culture d’équité et de responsabilité.
Les salariés disposeront d’une base de discussion objective pour aborder leur évolution de carrière et leurs perspectives d’augmentation.
Les représentants du personnel, quant à eux, auront un rôle accru dans la vérification de la conformité et la mise en œuvre d’évaluations conjointes lorsque des écarts significatifs apparaissent.
L’objectif est d’instaurer un climat de confiance fondé sur la traçabilité des décisions et la cohérence des politiques salariales.
Une avancée sociale majeure
Pour les salariés, cette réforme marque une étape décisive vers une transparence salariale intégrée à la culture de l’entreprise.
En rendant visibles les mécanismes de rémunération, la directive contribue à réduire les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes et à restaurer la confiance dans les pratiques de gestion.
Elle impose à l’employeur une responsabilité nouvelle : celle de démontrer la légitimité et l’équité de chaque décision salariale.
C’est, à terme, un changement de paradigme où la transparence devient la condition même de la performance sociale et de la crédibilité managériale.
4. Reporting des écarts et évaluation conjointe
4.1. Seuils et périodicité
La directive instaure une obligation de publier des données d’écarts de rémunération par sexe à partir d’un effectif de 100 salariés, avec une mise en œuvre échelonnée. Les employeurs d’au moins 250 salariés doivent reporter annuellement. Ceux de 150 à 249 salariés reportent pour la première fois en 2027, puis tous les trois ans. Ceux de 100 à 149 salariés reportent pour la première fois en 2031, puis tous les trois ans [[Dir. (UE) 2023/970, art. 9]].
4.2. Déclenchement d’une évaluation conjointe
Si un écart d’au moins 5 % apparaît pour une catégorie de salariés et ne peut pas être justifié par des critères objectifs, neutres du point de vue du genre, et si l’employeur n’a pas corrigé la situation dans les six mois suivant la communication du reporting, une évaluation conjointe s’impose avec les représentants des travailleurs [[Dir. (UE) 2023/970, art. 10]]. Cette évaluation doit analyser la structure de population par sexe, les niveaux moyens et composants variables, les systèmes de classification, les facteurs de progression et déboucher sur des mesures correctrices et une évaluation d’efficacité.
4.3. Monitoring national
Un organisme national de suivi centralise les données publiées, les rend accessibles et agrège les informations relatives aux plaintes et aux évaluations conjointes, afin d’alimenter le pilotage public et la comparaison sectorielle [[Dir. (UE) 2023/970, art. 29 à 31]].
5. Preuve, voies de recours et sanctions
5.1. Renversement de la charge de la preuve
En cas de contentieux relatif à une discrimination en matière de rémunération, lorsque l’employeur n’a pas mis en œuvre les obligations de transparence prévues par les articles 5, 6, 7, 9 et 10, il lui appartient de prouver l’absence de discrimination [[Dir. (UE) 2023/970, art. 18, §2]]. Une atténuation est prévue si l’employeur démontre que l’infraction était manifestement non intentionnelle et de faible gravité.
Cette logique s’ajuste au droit français, qui opère déjà un régime probatoire aménagé en matière de discrimination. L’édifice issant de la directive fera peser plus lourdement la carence documentaire et procédurale sur l’employeur.
5.2. Accès à la preuve et représentation des victimes
La directive favorise la production d’éléments pertinents et la représentation des travailleurs par des organismes ou associations pour surmonter les obstacles procéduraux et financiers [[Dir. (UE) 2023/970, considérants 46 à 48, art. 20 et suiv.]]. Elle consolide le droit à l’information comme levier probatoire.
5.3. Indemnisation intégrale et mesures correctrices
Les victimes doivent obtenir une réparation intégrale, incluant les arriérés de salaire, primes et accessoires, ainsi que des dommages et intérêts appropriés. Des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives sont requises au niveau national, avec la possibilité d’exclusions des marchés publics en cas de manquements graves ou répétés [[Dir. (UE) 2023/970, art. 25 à 28]].
6. Articulation avec le droit français et enjeux de conformité
6.1. Continuité et dépassement
Le droit français consacre déjà l’égalité de rémunération et impose des obligations de diagnostic via l’index d’égalité professionnelle, applicable dès 50 salariés [[C. trav., art. L3221-2]] [[C. trav., art. L1142-8 et s.]]. La directive va plus loin sur quatre points. D’abord, la transparence en amont de la relation de travail. Ensuite, le droit individuel d’accès aux niveaux moyens ventilés par sexe. Puis, la formalisation des critères de fixation et de progression. Enfin, le mécanisme d’évaluation conjointe déclenché par un écart persistant au-delà de 5 %.
6.2. Gouvernance RH et traçabilité
Les entreprises devront se doter d’une cartographie des emplois et d’outils de classification objectivés, traduisant les critères juridiques de valeur égale en référentiels opérationnels. Les « pay frameworks » devront être documentés, opposables et mis à jour. La traçabilité des décisions individuelles (embauche, promotion, variable, ajustements) devient stratégique pour tenir la charge probatoire. Dans la perspective des reportings, l’architecture des données salariales devra permettre des ventilations robustes, comparables et auditables.
6.3. Données et RGPD
La transparence ne dispense pas du respect des principes de minimisation, de finalité et d’anonymisation appropriée. La mise à disposition d’informations agrégées devra préserver la non-identifiabilité, sous le contrôle, le cas échéant, des représentants du personnel, de l’inspection du travail et de l’organisme pour l’égalité [[Dir. (UE) 2023/970, art. 12]] [[Règl. (UE) 2016/679, art. 5, 6 et 25]].
6.4. Dialogue social et rôle des représentants
La participation des représentants des travailleurs est centrale, tant pour la co-construction des critères d’évaluation neutres que pour la conduite des évaluations conjointes et le suivi des plans d’action [[Dir. (UE) 2023/970, art. 4, §4 et art. 10]]. La logique de conformité s’inscrit donc dans une gouvernance socialement dialoguée.
Focus : ce que la directive change concrètement pour les employeurs
Un changement de paradigme en matière de gouvernance salariale
La directive européenne 2023/970 consacre une évolution profonde du droit du travail : la rémunération devient un domaine de conformité juridique à part entière.
Les entreprises devront démontrer, documenter et justifier leurs politiques salariales, au même titre que leurs obligations comptables ou environnementales.
Désormais, l’employeur ne sera plus seulement responsable du paiement du salaire, mais aussi de la traçabilité de son calcul et de sa justification.
De nouvelles obligations dès la phase de recrutement
Le principe de transparence s’impose dès le premier contact avec le candidat.
Les entreprises devront :
- mentionner la rémunération proposée ou sa fourchette dans les offres d’emploi ou avant le premier entretien ;
- informer les candidats des dispositions conventionnelles applicables au poste ;
- s’interdire de demander la rémunération perçue dans les précédents emplois.
Ces exigences appellent une refonte complète des pratiques de recrutement, des modèles d’annonces et des processus de sélection. Les services RH devront collaborer étroitement avec les juristes pour sécuriser les communications et éviter tout risque de non-conformité.
Une gestion interne des rémunérations à repenser
En interne, la directive impose une transparence intégrale sur les critères de fixation et de progression des salaires.
Chaque employeur devra :
- formaliser et publier les critères objectifs, neutres et non sexistes servant à évaluer les rémunérations ;
- garantir que ces critères sont appliqués uniformément à tous les salariés ;
- mettre en place un registre accessible retraçant les niveaux moyens de rémunération par catégorie et par sexe ;
- répondre aux demandes d’accès à l’information dans des délais raisonnables.
Ces nouvelles obligations supposent de revisiter les grilles de classification, les systèmes d’évaluation et les processus d’augmentation. Elles impliquent également un dialogue social renforcé autour de la définition des critères de valeur égale.
Le risque de non-conformité : une responsabilité accrue
Le non-respect des obligations de transparence ne sera plus une simple irrégularité administrative. Il exposera l’entreprise à :
- des amendes administratives proportionnelles à la masse salariale ou forfaitaires selon la gravité du manquement [[Dir. (UE) 2023/970, art. 25 et 26]] ;
- des actions en responsabilité civile fondées sur la discrimination salariale, facilitées par le renversement de la charge de la preuve [[Dir. (UE) 2023/970, art. 18]] ;
- un risque réputationnel majeur, les données salariales publiées devenant des indicateurs publics de conformité et d’image sociale.
Les entreprises devront donc intégrer la gestion du risque de transparence salariale dans leurs dispositifs de gouvernance et de contrôle interne.
Le reporting obligatoire et la logique de correction
Les obligations de reporting s’échelonnent selon la taille de l’entreprise :
- plus de 250 salariés : rapport annuel à l’autorité compétente et correction obligatoire de tout écart supérieur à 5 % non justifié ;
- entre 150 et 249 salariés : rapport triennal à compter de 2027 ;
- entre 100 et 149 salariés : rapport triennal à compter de 2031.
Lorsque le reporting révèle un écart non corrigé dans les six mois, l’employeur doit conduire une évaluation conjointe avec les représentants du personnel [[Dir. (UE) 2023/970, art. 9 et 10]].
Ces obligations techniques supposent de disposer d’outils de paie et de SIRH capables d’extraire, agréger et ventiler les données par genre et par poste.
Une exigence de conformité durable
La directive place la transparence salariale au cœur de la stratégie d’entreprise.
Elle contraint les directions à adopter une approche proactive : identifier les écarts, les justifier ou les corriger avant tout contrôle externe.
Elle impose également une montée en compétence des acteurs internes (RH, paie, juridique, DPO) autour de la gestion de la donnée salariale, de la preuve et de la communication sociale.
Au-delà du respect de la loi, cette réforme invite à concevoir la transparence comme un levier de confiance et d’attractivité. Les entreprises capables de démontrer la clarté et la cohérence de leur politique de rémunération gagneront en crédibilité auprès des salariés, des partenaires sociaux et du marché.
7. Méthode de mise en conformité
7.1. Audit salarial initial
Réaliser un état des lieux par catégories d’emplois comparables, en objectivant les critères de valeur égale au regard du droit français et de la directive. L’audit doit porter sur la rémunération globale, intégrant fixe, variable et avantages, conformément à l’acception large de la rémunération [[C. trav., art. L3221-3]].
7.2. Référentiels emplois et critères neutres
Élaborer ou réviser la grille de classification selon des critères neutres exigés par la directive et les principes du Code du travail. Les critères doivent couvrir compétences, efforts, responsabilités et conditions de travail, sans sous-valoriser les « soft skills » pertinents [[Dir. (UE) 2023/970, art. 4, §4]].
7.3. Cadre de transparence pré-embauche
Mettre à jour les processus de recrutement pour intégrer l’obligation d’information salariale avant entretien, la neutralité des intitulés et l’interdiction des questions sur l’historique. Mettre à disposition les dispositions conventionnelles applicables au poste [[Dir. (UE) 2023/970, art. 5]].
7.4. Politique d’information interne
Formaliser les critères de fixation et de progression, les rendre accessibles, et prévoir un canal de demandes individuelles d’information avec délai de réponse et responsables identifiés [[Dir. (UE) 2023/970, art. 6 et 7]].
7.5. Préparation du reporting
Structurer un dispositif de calcul des écarts, de ventilation par catégorie et de revue régulière pour anticiper tout dépassement de 5 %. Fixer des seuils d’alerte internes en deçà de 5 % pour déclencher des investigations et actions correctrices en amont.
7.6. Gestion contentieuse et probatoire
Consolider la documentation justifiant les différences par des critères objectifs, non sexistes et appliqués uniformément. Prévoir des procédures d’accès à la preuve, de conservation des documents et de représentation des salariés en cas de litige, en tenant compte du renversement de la charge de la preuve [[Dir. (UE) 2023/970, art. 18, §2]].
8. Comparaison, « source unique » et périmètre d’égalité
La directive consacre une approche fonctionnelle de la comparaison, au-delà de l’employeur au sens strict, lorsque la fixation de la rémunération procède d’une source unique, par exemple un groupe déterminant centralement les éléments de rémunération [[Dir. (UE) 2023/970, art. 19]]. Cette conception rejoint l’office du juge européen qui n’enferme pas la comparaison dans les murs de l’entreprise lorsqu’une politique salariale centralisée s’impose aux entités [[CJUE, 8 avr. 1976, C-43/75, Defrenne II]].
Pour les groupes français, la cartographie des politiques de rémunération et la clarification des niveaux de décision constituent un enjeu déterminant, tant sur le plan du reporting que sur celui du contentieux.
9. Sanctions, marchés publics et calendrier
Les États membres doivent prévoir des sanctions administratives effectives, proportionnées et dissuasives en cas de non-respect, ainsi que des mécanismes d’indemnisation intégrale. La directive autorise des mesures connexes, telles que des exclusions des marchés publics en cas de manquements graves et répétés [[Dir. (UE) 2023/970, art. 25 à 28]].
Le calendrier de transposition impose l’entrée en vigueur des mesures nationales au plus tard le 7 juin 2026 [[Dir. (UE) 2023/970, art. 34]]. Les premières échéances de reporting interviendront ensuite selon les tailles d’effectif, avec un palier marquant en 2027 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et en 2031 pour celles entre 100 et 149 salariés [[Dir. (UE) 2023/970, art. 9 et 10]].
10. Points de vigilance opérationnels
- Cohérence entre index égalité et directive. L’articulation devra être pensée pour éviter les divergences méthodologiques et assurer la comparabilité externe.
- Rôle des SIRH et de la paie. La qualité et la granularité des données conditionnent la robustesse des écarts publiés et la capacité à justifier objectivement les différences.
- Dialogue social. La co-construction des critères et la conduite des évaluations conjointes exigent un calendrier et des moyens dédiés.
- Sensibilisation managériale. Les décisions individuelles devront systématiquement se fonder sur les critères publiés et être tracées.
- RGPD. Les modalités d’accès aux niveaux moyens doivent préserver l’anonymat et prévoir, si nécessaire, une médiation par les représentants ou l’autorité compétente [[Dir. (UE) 2023/970, art. 12]].
La directive 2023/970 transforme la transparence salariale en obligation structurante. Elle ne se contente pas d’affirmer une exigence d’égalité, elle équipe les salariés d’un droit d’accès à l’information et place la conformité documentaire au cœur de la preuve. Pour les employeurs, la conformité ne sera pas un simple exercice de communication. Elle suppose un design juridique et RH cohérent, des critères de valeur égale opposables et une gouvernance des données capable d’objectiver les écarts, de les expliquer ou de les corriger. À l’horizon du 7 juin 2026, l’enjeu n’est pas seulement de publier des chiffres, mais d’inscrire durablement l’égalité de rémunération dans l’architecture des décisions salariales, dès l’offre d’emploi et jusqu’aux évolutions de carrière [[Dir. (UE) 2023/970, art. 5, 6, 7, 9, 10, 18 et 34]] [[C. trav., art. L3221-2, L3221-3, L3221-4]].
Foire aux questions – Transparence des rémunérations : ce que les salariés doivent retenir et comprendre
1. À partir de quand la directive sur la transparence salariale s’appliquera-t-elle en France ?
La directive (UE) 2023/970 devra être transposée dans le droit français au plus tard le 7 juin 2026. Cela signifie que, d’ici cette date, la France devra adopter une loi et des décrets précisant les modalités concrètes d’application. Certaines obligations pourraient être mises en œuvre progressivement, notamment celles relatives au reporting des écarts de rémunération pour les entreprises selon leur taille (à partir de 2027 pour les sociétés de plus de 150 salariés).
2. Pourrai-je demander le salaire de mes collègues ?
Non, la directive ne donne pas le droit d’obtenir le salaire individuel d’un collègue. En revanche, vous pourrez demander à votre employeur de vous communiquer les niveaux moyens de rémunération pour des postes identiques ou de valeur équivalente, ventilés par sexe [[Dir. (UE) 2023/970, art. 7]]. Ces données seront présentées de manière anonyme et agrégée, afin de respecter la confidentialité et le RGPD.
3. Que pourrai-je faire si je découvre un écart de salaire injustifié ?
Si vous constatez un écart de rémunération entre hommes et femmes pour un travail équivalent, vous pourrez engager une action en justice pour discrimination salariale. Avec la directive, la charge de la preuve sera inversée : c’est à l’employeur de démontrer que la différence repose sur des critères objectifs et non sexistes [[Dir. (UE) 2023/970, art. 18]]. Vous pourrez également être représenté par un syndicat ou une association pour agir plus facilement.
4. Mon entreprise devra-t-elle communiquer les critères d’évolution de salaire ?
Oui. Les employeurs devront rendre accessibles et compréhensibles les critères de fixation et de progression des rémunérations [[Dir. (UE) 2023/970, art. 6]]. Vous saurez donc sur quelles bases sont décidées les augmentations, promotions ou primes (ancienneté, performance, compétences, responsabilités…). Ces critères devront être objectifs, transparents et non sexistes.
5. Quelles entreprises sont concernées par la transparence salariale ?
Toutes les entreprises seront tenues de respecter le principe de transparence, mais les obligations varient selon leur effectif :
- À partir de 50 salariés : application du principe général d’égalité de rémunération et de transparence des critères.
- À partir de 100 salariés : obligation de reporting périodique sur les écarts femmes-hommes.
- Au-delà de 250 salariés : publication annuelle détaillée des écarts et correction obligatoire au-delà de 5 % non justifié [[Dir. (UE) 2023/970, art. 9 et 10]].
Les entreprises de moins de 100 salariés pourront choisir d’appliquer volontairement la directive, notamment pour valoriser leur politique d’équité et leur marque employeur.

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