Les avocats spécialisés dans les erreurs médicales survenues pendant l'accouchement et la naissance ont sans doute remarqué que la stimulation excessive des contractions utérines est souvent à l'origine d'une mauvaise oxygénation du fœtus et par suite d'une encéphalopathie hypoxo-ischémique du nouveau-né et d'une infirmité motrice d'origine cérébrale (IMOC), appelée aussi paralysie cérébrale (PC).

Cette hyper stimulation des contractions peut être consécutive à un surdosage de produits utilisés dans une maternité par la sage-femme ou le gynécologue-obstétricien lors du travail ou du déclenchement du travail.

Il s'agit notamment de l'oxytocine (Syntocinon®) ou des prostaglandines (comme par exemple Propess®). 

D'autres médicaments avec des propriétés ocytociques (donc pouvant stimuler les contractions utérines) ont été utilisés hors autorisation de mise sur le marché (AMM), comme misoprostol (Cytotec®) pour le déclenchement du travail d'accouchement. 

Le Cytotec® est une prostaglandine qui a été utilisé à l'origine comme traitement pour des ulcères gastriques. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a rappelé que cette utilisation hors AMM pouvait entraîner des effets indésirables graves pour la mère et l’enfant, comme la survenue d’une rupture utérine (déchirure du muscle utérin), d’hémorragies ou d’anomalies du rythme cardiaque fœtal.

Aussi, le laboratoire Pfizer a décidé d’arrêter la commercialisation de Cytotec® en France à compter du 1 mars 2018. 

I. L'abus des ocytociques peut être à l'origine d'une faute du gynécologue obstétricien ou de la sage-femme

Un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles montre de tels abus aux avocats et aux familles d'enfants victimes d'une mauvaise oxygénation du bébé pendant le travail d'accouchement (CAA Versailles, 4e chambre, 3 novembre 2020, n° 17VE00843).

Dans cette affaire, la maman a accouché à 41,2 semaines d'aménorrhées avec ainsi un dépassement du terme de sa grossesse de deux jours. Une échographie a révélé une quantité anormalement faible de liquide amniotique. Pour cette raison, la maman a été hospitalisée en vue de provoquer son accouchement. Un protocole médicamenteux a été mis en œuvre à cette fin conduisant à l'administration de Cytotec® à 4h30 puis à la pose d'une perfusion de Syntocinon® à 14h30. A 15h25, alors que la mère avait des douleurs importantes, des anomalies cardiaques fœtales sont apparues donnant lieu à un accouchement par ventouse à 16h13. Une rupture utérine a été mise en évidence après la naissance. L'enfant né en état de mort apparente a été réanimé et intubé. Le score Agpar était de 1 à une minute de naissance et 6 à dix minutes. L'enfant reste atteint d'un retard psychomoteur sévère correspondant à une paralysie cérébrale (infirmité motrice d'origine cérébrale).

Au regard de l'avis des experts, le second juge décide que les utilisations successives de Cytotec et de Syntocinon®, outre le surdosage du premier, est une faute médicale du gynécologue-obstétricien et de la sage-femme ce qui engage la responsabilité de la maternité :

« Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier a administré, en plus du Cytotec dans la forme et au dosage sus-rappelés, à la patiente, par voie de perfusion, à 14h30, du Syntocinon alors que, selon les experts, le recours à un second ocytocique n'était pas justifié car il n'existait pas de stagnation de la dilatation du col et a pu contribuer à la survenue de la rupture utérine. Si le rapport du médecin conseil d'assurance contredit ce constat en relevant que le délai entre l'administration de Cytotec et de Syntocinon a été respecté par le centre hospitalier et qu'il est raisonnable de penser que l'organisme de la mère avait éliminé le Cytotec compte tenu de ce délai, il résulte de l'instruction que le délai d'élimination du produit administré par voie vaginale peut être très long et que le comprimé administré par cette voie peut ne pas être complètement dissous plusieurs heures après son administration.

Dès lors, en administrant successivement et donc cumulativement Cytotec, à une dose de 50 microgrammes, puis ultérieurement du Syntocinon soit un second ocytocique sous forme de perfusion, l'hôpital a commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité. »

Le second juge décide également que cette faute est en lien de causalité direct et certain avec le handicap de l'enfant :

« Or il résulte de l'instruction que l'enfant est né après une grossesse normale et que, selon les experts, son handicap, lié à une paralysie cérébrale, est vraisemblablement consécutif à une anoxie périnatale intervenue dans un contexte de rupture utérine qui a déterminé cette encéphalopathie précoce. En effet, il résulte de l'instruction que le tableau clinique présenté par la mère la veille de l'accouchement rendait nécessaire un déclenchement de ce dernier. Le jour de l'accouchement, à 15h25, la patiente était agitée, algique, et des anomalies du rythme cardiaque fœtales ont été détectées à partir de 15h32, avec un liquide amniotique teinté. Pour les experts, il est vraisemblable que la rupture utérine, conséquence d'une d'hypercinésie ou d'hypertonie de l'utérus, a eu lieu vers 16h et que cette dernière a été à l'origine du défaut d'oxygénation de l'enfant. Aucun élément permettant d'évoquer d'autres étiologies qu'elle soit congénitale, d'origine génétique ou métabolique n'a d'ailleurs été relevé. Pour les experts, cette thèse est étayée par plusieurs indices, à savoir " outre la présentation clinique et électroencéphalographie initiale de l'encéphalopathie néonatale précoce, (...), l'évolution clinique de l'enfant vers l'amélioration initiale de l'encéphalopathie néonatale puis l'apparition de séquelles motrices secondaires au cours de son développement, l'association à l'atteinte neurologie initiale d'une discrète atteinte hépatique et rénale d'évolution rapidement favorable en quelques jours, l'absence de tout élément pour une maladie congénitale d'origine génétique ou métabolique devant l'absence d'antécédents familiaux de malformations chez l'enfant ou de dysmorphie. ". (...) Il résulte de l'instruction que la seconde IRM conclut à la : " Présence d'hyper signaux symétriques des deux thalamus et de la partie postérieure des noyaux lenticulaires compatibles avec les séquelles d'anoxo ischémie à terme ". Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le morphotype de la patiente, qui a pu faire obstacle à l'enregistrement de probable hypertonie et hypercinésie ayant précédé la rupture utérine, ait été à l'origine de cette dernière ou ait contribué à l'anoxie foetale dont l'enfant a été victime.

Dès lors, il résulte de tout ce qui précède que le premier juge a pu, à bon droit, juger que le handicap de l'enfant devait être regardé comme la conséquence d'une paralysie cérébrale consécutive à une anoxie périnatale intervenue dans un contexte de rupture utérine elle-même à l'origine de cette anoxie. »

Ce faisant la cour administrative d'appel n'a fait qu'appliquer les critères d'imputabilité médicolégale que nous avons déjà exposés ailleurs.

II. L'abus des ocytociques est une cause fréquente d'une mauvaise oxygénation du bébé

Les ocytociques sont des causes fréquentes d'une anoxie per-natale.

En effet, l'abus de ces produits est à l'origine d'une stimulation excessive des contractions utérines ce qui ne permet pas une oxygénation suffisante de l'enfant à naître.

Il en est ainsi car lors de la contraction de l'utérus les échanges d'oxgène entre la maman et le bébé sont compromis si bien que des contractions excessives peuvent devenir dangereuse.

Outre l'anoxie fœtale, l'utilisation excessive de Syntocinon® est associée à la rupture utérine et l'hémorragie post-partum.

Cet abus de Syntocinon® a motivé la publication de recommandations du Conseil national des sages-femmes de France (CNSF) ce dans le sens d'une utilisation raisonnée de l'oxytocine quand son administration s'avère nécessaire. Par exemple, les doses préconisées sont les suivantes (La Revue Sage-Femme, 2017; 16(1): 111-118)

« Il est recommandé de débuter à une dose initiale de 2 mUI/min, de respecter des intervalles d’au moins 30 min avant chaque augmentation de dose. Ces augmentations se feront par dose de palier de    2 mUI/min, sans dépasser un débit absolu de 20 mUI/min. L’augmentation des doses sera arrêtée dès l’obtention d’une modification cervicale ou de 5 contractions utérines par 10 min. »

Les recommandations du CNSF ont également prolongé la première phase du travail et rappelé l'importance de la pratique de la rupture artificielle des membranes (qui accélère aussi le rythme des contractions utérines) avant l’administration Syntocinon®.

Le Collectif interassociatif autour de la naissance (CIANE) a participé et donné son avis lors de l'élaboration de ces recommandations. Or le CIANE a insisté sur l'importance de l'information de la maman quant aux risques de l'utilisation de l'oxytocine (Syntocinon®).

En ce sens, en vertu de l'article L1111-2 du code de la santé publique, la femme enceinte doit bénéficier d'une information claire et loyale de la part du gynécologue-obstétricien. Le même article précise qu'en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à la maman.

Le contenu de cette information de la mère a été précisé dans une décision importante de la Cour de cassation publiée au Bulletin (Cass. Civ. 1e, 23 janv. 2019, 18-10706) : 

« Attendu que, selon ce texte, toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé et l'information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ; que seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent dispenser le professionnel de santé de son obligation d'information ; que la circonstance que l'accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical ne dispense pas le professionnel de santé de l'obligation de porter, le cas échéant, à la connaissance de la femme enceinte les risques qu'il est susceptible de présenter eu égard notamment à son état de santé, à celui du foetus ou à ses antécédents médicaux, et les moyens de les prévenir ; qu'en particulier, en présence d'une pathologie de la mère ou de l'enfant à naître ou d'antécédents médicaux entraînant un risque connu en cas d'accouchement par voie basse, l'intéressée doit être informée de ce risque ainsi que de la possibilité de procéder à une césarienne et des risques inhérents à une telle intervention. »

III. Implications pour l'avocat qui défend la victime d'une erreur médicale pendant l'accouchement

En cas d'hypoxie per-natale, l'avocat en droit de la santé doit vérifier l'absence de contractions utérines excessives pouvant être à l'origine des anomalies du rythme cardiaque fœtal.

En cas de contractions excessives, l'avocat doit vérifier le respect des recommandations relatives aux doses de l'oxytocine (Syntoninon®).

L'avocat spécialisé dans la défense des victimes d'erreur médicale pendant l'accouchement doit déterminer si les anomalies du rythme cardiaque fœtal nécessite une intervention de la part du gynécologue obstétricien notamment pour hâter la naissance par forceps, ventouse ou césarienne. Lorsque les anomalies du rythme cardiaque fœtal sont importantes, l'avocat doit aussi vérifier de ce que la sage-femme en a averti le gynécologue-obstétricien en temps utile. Il faut naturellement vérifier le respect du délai acceptable entre la décision d'extraction et la naissance.

Il est ainsi nécessaire pour l'avocat d'analyser les modalités d’administration de l’oxytocine en cas d'encéphalopathie hypoxo-ischémique (le plus souvent traitée par hypothermie contrôlée).

Il en va de même en cas de rupture utérine ou d'hémorragie après l'accouchement.

En conclusions, trop de nouveau-nés souffrent d'un manque d'oxygène en raison des abus de l'oxytocine.

L’administration d’oxytocine durant le travail spontané n'est pas une prescription banale et l'avocat spécialisé doit rester vigilant quant à ces abus. 

Dimitri PHILOPOULOS - Avocat et Docteur en médecine 

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