Bail dérogatoire de courte durée et bail commercial

Le Code de commerce autorise les parties à conclure un bail dérogatoire de courte durée. Ce bail dérogatoire, ou les baux dérogatoires successifs ne peuvent être d'une durée supérieure à trois ans.Si à l'expiration de cette durée, et à l'issue d'un délai d'un mois, le locataire reste dans les locaux et est laissé en possession par le bailleur, il s'opère un nouveau bail soumis au statut du bail commercial.

"Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local." (Code de commerce, article L145-5).

 

Action du locataire pour faire reconnaître un bail commercial à la suite du bail dérogatoire : intérêt

Si les conditions sont remplies, le locataire peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'un véritable bail commercial.

Le bail commercial confère un statut protecteur au locataire :

  • Durée de 9 ans ferme pour le bailleur, le locataire pouvant donner congé à 3, 6 et 9 ans ;
  • Droit au renouvellement, lui permettant de maintenir son activité ;
  • Droit à une indemnité d'éviction, indemnisant la valeur de son fonds de commerce, à défaut de renouvellement.

 

Action du locataire pour faire reconnaître un bail commercial à la suite du bail dérogatoire : délai pour agir

La demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire n'est pas soumise à la prescription :

"6. Il résulte de ce texte que si, à l'expiration du bail dérogatoire conclu pour une durée au plus égale à deux ans le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.

7. Pour déclarer prescrite l'action de la société, l'arrêt retient que l'action en constatation de l'existence d'un bail soumis au statut des baux commerciaux est soumise aux dispositions de l'article 2224 du code civil et que, le premier bail ayant été signé le 14 juin 2004, la société aurait dû agir au plus tard dans un délai de cinq ans, soit le 14 juin 2009.

8. En statuant ainsi, alors que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail commercial statutaire, né du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à prescription, la cour d'appel a violé le texte susvisé." (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 mai 2023, 21-23.007, Publié au bulletin).

 

Action du locataire pour faire reconnaître un bail commercial à la suite du bail dérogatoire : l'imprescriptibilité est constitutionnelle

La Cour de Cassation a réellement été saisi de la constitutionnalité de cette imprescriptibilité. Elle l'a confirmée :

"8. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

9. En effet, en premier lieu, l'article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, tel qu'interprété par la Cour de cassation, n'a pas pour objet de contraindre le bailleur à être lié par un bail soumis au statut des baux commerciaux, dès lors qu'il lui suffit de manifester son opposition au maintien dans les lieux du locataire avant le terme du bail dérogatoire pour qu'il ne s'opère pas un nouveau bail soumis à ce statut, de sorte que le délai ouvert au locataire pour agir en reconnaissance d'un tel bail n'a pour effet ni de le priver de son droit de propriété ni d'y porter atteinte.

10. En second lieu, d'abord, le locataire et le bailleur sont placés dans la même situation, tous deux pouvant demander à voir constater l'existence d'un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire sans que leur demande ne soit soumise à prescription. Ensuite, la différence de régime, au regard des règles de prescription, entre une action en requalification d'un contrat en bail commercial et une action tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut en application de l'article L. 145-5 du code de commerce est justifiée par la différence de nature de ces actions.

11. Il en résulte que la disposition contestée, telle qu'interprétée par la Cour de cassation, qui ne méconnaît ni l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni le principe d'égalité, ne porte pas non plus atteinte au droit de propriété du bailleur." (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 juin 2025, 24-22.125)

 

Conseils pratiques

En raison de l'imprescriptibilité d'une part, et de la quasi-automaticité par laquelle le bail commercial s'opère d'autre part, les parties doivent veiller scrupuleusement au respect des délais prévus par le Code de commerce.

En cas de désaccord et dès lors que la durée des trois ans approche ou est dépassée, des actions doivent être entreprises rapidement dans le mois suivant pour éviter que s'opère un bail commercial si ce n'est pas l'intention des parties.

Si elles sont d'accord pour poursuivre la relation, il faut également veiller à rapidement poser un écrit pour qu'un contrat mis à jour, tenant compte du statut, règle les relations entre les parties.

 

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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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