L’arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2018 marque un tournant majeur en matière de droit de préemption du locataire commercial, prévu à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. Cet arrêt affirme avec clarté que ce droit est une disposition d’ordre public, ce qui signifie qu’il ne peut être ni écarté ni modifié par contrat. Dès lors, toute clause visant à priver le locataire de ce droit, ou à en restreindre les modalités, est réputée non écrite.

1. Un droit prioritaire et protecteur

Ce droit donne au locataire la possibilité d’acheter en priorité le local commercial qu’il loue, si le propriétaire envisage de le vendre. Cette priorité vise à favoriser la stabilité des entreprises en leur permettant de devenir propriétaires de leur outil de travail. Il ne s’agit pas d’un droit de substitution à une vente déjà conclue (comme le droit de préemption classique), mais d’un véritable droit de priorité, qui bloque toute vente tant que le locataire n’a pas été prévenu.

2. Une procédure rigoureuse à respecter

Le bailleur doit notifier son intention de vendre au locataire avant toute démarche, que ce soit la signature d’un avant-contrat, la recherche d’un acquéreur ou la diffusion d’annonces. Cette notification vaut offre de vente et doit indiquer précisément le prix et les conditions. Le locataire a alors un mois pour répondre, puis deux mois pour signer l’acte de vente (ou quatre mois s’il recourt à un prêt).

La Cour précise qu’une offre incluant une commission d’agence est illégale : le locataire ne peut se voir imposer des frais liés à la négociation d’une vente avec un tiers.

3. Conséquences pratiques et risques juridiques

L’arrêt condamne la pratique (fréquente) consistant à trouver un acquéreur avant de notifier le locataire. Si la notification intervient après la signature d’un avant-contrat, la vente est nulle, même si le locataire n’a pas exercé son droit. Cela ouvre la voie à des contestations sérieuses et à des litiges lourds de conséquences, notamment si le locataire se ravise ou découvre que le bien a été vendu à un prix inférieur sans qu’il ait été informé.

Seules certaines démarches préliminaires (comme demander une estimation de la valeur du bien) restent possibles avant la notification, tant qu’elles ne traduisent pas une volonté concrète de vendre à un tiers.

En conclusion :

L’arrêt du 28 juin 2018 impose une vigilance accrue aux bailleurs et aux notaires : le locataire doit être le premier informé, et la notification de l’offre doit être précise, anticipée et conforme à la loi. Tout manquement peut entraîner la nullité de la vente et fragiliser la sécurité juridique des transactions immobilières commerciales.