La Cour de cassation s'est prononcée dans un avis du 20 avril 2022 (n°20-70.001) sur le devenir du devoir de secours en cas d'appel du jugement prononçant le divorce. 

La lecture de cette décision, rédigée en des termes peu accessibles aux non-initiés, nous renseigne sur la persistance, ou non, du devoir de secours pendant la durée de la procédure d'appel. 

Pour rappel, le devoir de secours est un des devoir du mariage, qui dure tant que ce dernier existe. Il est mobilisé dans le cadre d'une procédure de divorce. 

Hors ce cas, l'époux créancier sollicitera plutôt la mise en oeuvre d'une contribution aux charges du mariage. 

Pour en revenir au devoir de secours, celui-ci se matérialise en règle générale par le versement d'une pension alimentaire. Il peut aussi s'agir de la mise à disposition à titre gratuit du logement familiale durant la procédure de divorce. 

Prononcé par le Juge aux affaires familiales lors de l'audience d'orientation et sur mesures provisoires, le devoir secours prend fin une fois le divorce prononcé. 

Quid si un des époux interjette appel du jugement de divorce en toutes ses dispositions, et notamment sur le prononcé du divorce lui-même ? 

La Cour de cassation répond, de manière quelque peu indirecte, à cette question : 

"Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile,[...] l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. 

Il résulte de la combinaison des articles 32, 122 et 546, alinéa 1er, du code de procédure civile que l'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance, qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demande présentés en première instance (2e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 19-21.579, publié ; 1re Civ., 9 juin 2021, pourvoi n° 19-10.550, publié).

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile,[...] l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En conséquence, lorsque l'appel tend à la réformation du jugement, la recevabilité de l'appel doit être appréciée en fonction de l'intérêt à interjeter appel pour chacun des chefs de jugement attaqués et ce, désormais, même si tous les chefs de jugement sont attaqués.

Il s'ensuit que, lorsque le divorce a été prononcé conformément à ses prétentions de première instance, l'intérêt d'un époux à former appel de ce chef ne peut s'entendre de l'intérêt à ce que, en vertu de l'effet suspensif de l'appel, le divorce n'acquière force de chose jugée qu'à la date à laquelle les conséquences du divorce acquièrent elles-mêmes force de chose jugée."

En d'autres termes, si le divorce a été prononcé conformément aux demandes des époux en première instances, ils ne sont recevables à en faire appel. 

La seule recherche de l'effet suspensif de l'appel ne constitue pas un intérêt légitime pour agir. 

Ils pourront seulement faire appel d'autres dispositions, et il s'agira bien souvent de la question de la prestation compensatoire. 

Ainsi, si le principe du prononcé du divorce ne peut plus être critiqué devant la Cour, car il est conforme aux demandes des époux devant le Juge aux Affaires familiales, l'époux qui était redevable d'un devoir de secours ne l'est plus, dès lors que le divorce acquière force de chose jugée. 

Cet avis, juridiquement fondé, interroge cependant sur les stratégies qui pourront être adoptées par l'époux débiteur d'un devoir de secours et d'une prestation compensatoire, qui aura tout intérêt d'interjeter appel pour se défaire de sa première obligation et du paiement de la seconde. 

Verra t-on alors un retour des divorces pour faute afin de se prémunir d'une suppression du devoir de secours ?