L’emprunteur - et la caution - à une opération de crédit peuvent voir leur responsabilité engagée en cas d’impayés.

En effet, le créancier peut alors intenter une action en paiement, parfois pour la globalité de la somme empruntée si la déchéance du terme a été prononcée.

 En pareille hypothèse, l’opposabilité des délais de prescription – et surtout de forclusion – peut s’avérer fort judicieux.


Prescription et forclusion : explications

 

-          La prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.  Le droit commun est de 5 ans ; si, passé ce délai, le titulaire du droit n’a intenté aucune action, alors il perd l’ensemble de ses droits substantiels : aucune action n’est possible.

-          La forclusion, en revanche, est un délai préfix : il met un terme un droit processuel de son titulaire ; ce dernier perd son droit d’action s’il n’a pas agi dans le délai imparti.

(ex : le droit d’appel est un délai de forclusion ; il est d’un mois en matière civil ; passé ce délai, aucune action n’est possible, même si le droit n’est pas prescrit)


 

Quelles différences ?

 

-          Le délai de prescription peut être suspendu ; il peut également être interrompu en cas de reconnaissance de dette ou d’action en justice.

-          A l’inverse, le délai de forclusion répond à un régime juridique particulier et strict, l’article 2220 du code civil disposant expressément que les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par les dispositions applicables à la prescription. 

En d’autres termes, puisqu’il met un terme au droit d’agir du créancier et protège le débiteur, le régime juridique du délai de forclusion est très strict : seule une action en Justice permet de l’interrompre et il ne peut jamais être suspendu.

Appliqué en matière d’opération de crédit (ex : prêt bancaire) il peut s’avérer fort pratique puisque le délai de forclusion permet de déclarer l’ensemble des demandes irrecevables.


 

En pratique : forclusion et prescription en cas d’opération de crédit

 

Deux hypothèses sont à distinguer : celles de l’emprunteur ou de la caution, et selon deux catégories : le particulier ou le professionnel.

 

1.       Le particulier 

1.1   Caution

En vertu de l’article R312-35 du code de la consommation : « le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application des dispositions du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion »

Le délai de forclusion pour toute action en paiement est donc de 2 ans – le délai de prescription est de droit commun, soit de 5 ans.

Donc ? la banque dispose d’un délai de 2 ans pour agir en justice, par le biais d’une action en paiement.

Même si la caution est actionnée par le biais (envoi en recommandé ou mise en œuvre d’action en exécutions forcées) le délai de prescription est interrompu et non le délai de forclusion.

Dès lors, si aucune action en justice n’est effectuée dans les 2 ans suivant l’exigibilité de la créance, aucune action ne pourra plus être intentée, et la caution pourra s’en prévaloir, même s’il n’y a pas prescription.

Il s’agit d’un délai particulièrement protecteur pour la caution.

 

1.2   Emprunteur

 

En application de l’article L218-2 dudit code : « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

L’emprunteur peut donc se prévaloir du délai de forclusion de 2 ans de l’article R312-35 et d’un délai de prescription de 2 ans. 

Toutefois, la démonstration précédente reste d’actualité : le délai de prescription pourra être interrompu ou suspendu plus facilement que le délai de forclusion.

Dans ces conditions, si aucune action en justice n’est intentée dans un délai de 2 ans suivant l’exigibilité de la créance, l’emprunteur pourra se prévaloir plus facilement de la forclusion.

 

2.       Le professionnel

2.1   Le principe

 

En principe, les dispositions précitées ne bénéficient pas à l’emprunteur ou la caution, s’ils ont la qualité de professionnel.

Le délai de prescription sera donc de 5 ans et il n’y aura aucun délai de forclusion applicable.

L’établissement de crédit disposera donc de prérogatives plus importantes.

 

2.2   L’exception

 

Toutefois, s’agissant de la caution professionnelle, il demeure une exception née de la pratique.

En effet, si le cautionnement est à durée indéterminée, alors la caution pourra dénoncer son obligation à tout instant.

Dans ces conditions, il n’est pas rare que le contrat prévoit que la caution est engagée pour la durée du prêt majorée de 2 ans, ce délai permettant à la banque d'actionner, s'il y a lieu la caution au titre de son obligation de règlement.

De jurisprudence constante, « la clause qui fixe un terme au droit d'agir du créancier institue un délai de forclusion » (com, 26.01.16, n°14-23285) et la caution, même professionnelle, pourra s’en prévaloir.


En définitif, la prescription et, plus encore, la forclusion, permettent de déclarer l’ensemble des demandes en paiement irrecevables. Leur mise en œuvre est donc essentielle et il convient de biens se renseigner avant toute action.

 

Je reste bien évidemment à votre disposition en cas de difficultés.

 

Rémi GIROUTX

Avocat au barreau de LILLE