L’allocation aux adultes handicapés (AAH) est une aide essentielle pour garantir l’autonomie des personnes en situation de handicap. Toutefois, son attribution aux personnes présentant un taux d’incapacité compris entre 50 et 79 % est conditionnée à la reconnaissance d’une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi (RSDAE). Une disposition qui, loin de favoriser l’insertion professionnelle, constitue aujourd’hui un frein majeur à l’emploi des personnes concernées.

Une définition obsolète de la restriction à l’emploi

Le décret n° 2011-974 du 16 août 2011 qui définit la RSDAE précise ainsi qu’elle est compatible avec une activité professionnelle en milieu ordinaire pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation est exclusivement due aux effets du handicap.

Autrement dit, une personne handicapée exerçant un emploi à mi-temps ou plus est considérée comme n’ayant pas de restriction substantielle et durable, et perd donc son droit à l’AAH.

Cette règle aboutit cependant à une situation absurde et surtout particulièrement injuste : une personne en situation de handicap qui travaille à mi-temps peut en effet se voir exclue du dispositif, alors même que son revenu d’activité reste bien inférieur au montant de l’AAH.

Par conséquent, de nombreuses personnes en situation de handicap sont contraintes de choisir entre travailler ou conserver un minimum de ressources, de peur de tomber dans la précarité liée à la perte de l’AAH.

Il y a là un obstacle majeur au développement de l'insertion professionnelle des personnes handicapées et à la volonté de développer la part du revenu du travail dans les ressources des allocataires de l'AAH.

Une incohérence persistante avec l’évolution du droit du travail

Autre aberration, la durée du mi-temps retenue par le décret est restée fixée à 17h30, alors que la loi de sécurisation de l’emploi de 2013 a fait évoluer le seuil légal du temps partiel à 24 heures par semaine. Ce décalage accentue encore davantage les inégalités et les incertitudes pour les bénéficiaires.

Une réforme indispensable pour favoriser l’insertion professionnelle

Le Président de la République a annoncé, lors de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, une réforme des conditions de cumul de l’AAH et des revenus professionnels. Toutefois, aucune avancée concrète, ni calendrier précis n’ont été annoncés depuis, laissant les bénéficiaires dans l’incertitude.

Il est toutefois urgent de repenser le dispositif de la RSDAE en supprimant le critère de plafond d’heures de travail et en permettant un cumul de l’AAH avec un revenu d’activité, quel que soit le temps de travail. L’attribution de l’AAH devrait en effet être régulée uniquement en fonction des ressources de la personne, et non par une limitation rigide du nombre d’heures travaillées.

Me Sarah HENNEBELLE 

Avocat au Barreau de Lille - Spécialisée en droit du handicap 

Contact : hennebelle.avocat@gmail.com