OUI : dans un arrêt en date du 2 avril 2024, la Cour administrative d’appel de Douai a jugé que les agissements commis par le requérant, constatés par le juge pénal, dont la décision est revêtue sur ce point de l'autorité de la chose jugée et qui s'impose à l'administration et au juge administratif, revêtent un caractère fautif justifiant le prononcé d'une sanction disciplinaire et ne sont pas, dès lors qu'ils ont été commis à l'égard de plusieurs collègues, dépourvus de tout lien avec le service.


Il ressort de l'arrêté contesté du 16 décembre 2020 que, pour prononcer la révocation de M. A..., le directeur départemental du service départemental d'incendie et de secours du Nord s'est fondé, ainsi qu'il a été dit, sur la circonstance qu'il avait fait l'objet d'une condamnation pénale de six mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve d'une durée de deux ans, devenue définitive.

Par son jugement du 12 mars 2020, le tribunal correctionnel de Lille l'a reconnu coupable, d'une part, de faits d'escroquerie commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018 et, d'autre part, d'opposition au paiement d'un chèque avec l'intention de porter atteinte aux droits d'autrui, faits commis du 6 septembre au 9 octobre 2018.

Il a par ailleurs été condamné à payer à ses deux victimes les sommes respectives de 20 000 et 7 604,19 euros en réparation des préjudices moraux et matériels subis. M. A... fait valoir que ces faits sont isolés et ne présentent aucun lien direct ou indirect avec ses fonctions.

Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du rapport introductif à la saisine du conseil de discipline du 24 septembre 2020, que M. A... a commis une escroquerie du type « Pyramide de Ponzi » dans le secteur de l'achat-revente de véhicules pour laquelle il a sollicité de l'argent de trois de ses collègues également affectés au centre d'incendie et de secours de Marcq-en-Barœul.

Ce stratagème, qui consistait pour M. A... à emprunter auprès de ces derniers d'importantes sommes d'argent en leur promettant en retour des gains financiers supérieurs, a conduit à des plaintes pénales de la part de deux de ces agents pour escroquerie en 2019, l'intéressé refusant systématiquement de leur rembourser les sommes prêtées.

En conséquence, s'il n'a pas usé des moyens des services d'incendie et de secours pour commettre ces infractions, M. A..., qui au surplus ne justifie ni même n'allègue avoir indemnisé ses victimes depuis sa condamnation, n'en a pas moins utilisé ses relations professionnelles afin de commettre les actes frauduleux auxquels il s'est livré.

Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que les faits reprochés à l'appelant n'ont donné lieu à aucune publicité et qu'il a été maintenu dans ses fonctions, dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, ils ont nécessairement eu pour effet de perturber le bon fonctionnement de ce service.

A cet égard, il ressort des termes mêmes de la note établie le 11 juin 2020 par le chef du centre de secours principal que ces agissements se sont traduits par une dégradation des relations entre les agents impliqués dans le montage financier frauduleux élaboré par l'intéressé comme en témoigne une altercation violente intervenue dans la nuit du 6 au 7 décembre 2018 entre deux collègues et la circonstance que deux agents du service, dont M. A..., ont bénéficié d'un congé de longue maladie à partir du 26 octobre 2018.

Dans ces conditions, les agissements commis par le requérant, constatés par le juge pénal, dont la décision est revêtue sur ce point de l'autorité de la chose jugée et qui s'impose à l'administration et au juge administratif, revêtent un caractère fautif justifiant le prononcé d'une sanction disciplinaire et ne sont pas, dès lors qu'ils ont été commis à l'égard de plusieurs collègues, dépourvus de tout lien avec le service.

Les faits précités retenus à l'encontre de M. A... révèlent de sa part un comportement contraire à la dignité de la profession et portant atteinte à la cohésion nécessaire aux sapeurs-pompiers appelés à accomplir ensemble les mêmes missions.

Eu égard à leur gravité et à leurs conséquences sur le bon fonctionnement du service, la sanction de révocation prononcée à l'encontre du requérant par le directeur départemental du SDIS Nord, après avis favorable de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire à l'unanimité des voix, ne peut être regardée comme disproportionnée, quand bien même l'intéressé ne présentait pas d'antécédents disciplinaires et accomplissait de manière satisfaisante son métier de sapeur-pompier professionnel.

Par suite, le moyen tiré d'une erreur d'appréciation dans le choix de la sanction doit être écarté.

Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2020 par lequel le directeur départemental du service départemental d'incendie et de secours du Nord a prononcé sa révocation. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions présentées à fin d'injonction.

SOURCE : CAA de DOUAI, 3ème chambre, 02/04/2024, 23DA00456, Inédit au recueil Lebon