Voici un panorama de décisions rendues en droit immobilier, de l'urbanisme et en droit public sur la période septembre-octobre 2024

(disponible également sur mon site web : https://www.clairegiordanoavocat.fr)

1) Cass crim 3 septembre 2024 n°23-85.489

Urbanisme - Pénal

Le fait d'utiliser un ancien bâtiment à usage d'hôtel en bâtiment à usage d'habitation est considéré comme un changement de destination d'une construction existante au sens du Code de l'urbanisme.

Or, "le changement de destination d'une construction existante, même non accompagné de travaux, doit faire l'objet d'une déclaration préalable en vertu des articles L. 421-1 et R. 421-17 du code de l'urbanisme".

Ainsi, en l'absence de toute déclaration préalable, une condamnation à une amende civile pourra être prononcée à l'encontre du propriétaire et/ou du locataire du bien.

2) CAA Paris, 2 oct. 2024, n° 24PA00362, SCI Les Violettes

Urbanisme

Lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation, le propriétaire ne pourra effectuer de nouveaux travaux sur cette construction, sauf à présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment et des changements qui y ont été opérés.

Il en est de même lorsque la construction n'a jamais été achevée et que le permis de construire initial est périmé.
 
Dans cette hypothèse, le propriétaire devra également présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. 

3) Cass. 3e civ., 12 sept. 2024, n° 23-14.479

Droit Immobilier - Enclavement

En cas de division d'une parcelle bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage, l'article 700 du code civil dispose que la servitude existante est maintenue au profit de l'ensemble des parcelles issues de la division. 
 
Toutefois, il n'y a pas de création de plein droit d'une servitude entre les différentes parcelles issues de la division.

Ainsi par exemple, si une des parcelles issues de la division n'est pas directement reliée au chemin sur lequel avait été établie la servitude de passage initiale, et que l'utilisation dudit chemin exige de passer par une autre parcelle issue de la division, il sera nécessaire d'établir une servitude de passage distincte pour pouvoir accéder au chemin.

4) Cass. 3e civ., 12 sept. 2024, n° 22-18.602

Droit Immobilier - Enclavement

L'article 682 du code civil permet au propriétaire d'une parcelle enclavée de réclamer sur les parcelles voisines "un passage suffisant pour assurer la desserte complète" de celle-ci. Il devra toutefois payer une indemnité au(x) propriétaire(s) concerné(s) par l'établissement de la servitude de désenclavement.

Dans l'hypothèse où plusieurs propriétaires vont bénéficier d'une servitude sur le même fonds, ils ne peuvent être condamnés in solidum (de manière solidaire) au paiement d'une même indemnité. 

Chaque propriétaire devra donc payer une indemnité distincte, déterminée en fonction du dommage qu'il occasionne.

5) Cass., 3e civ., 19 septembre 2024, n° 23-20.053

Expropriation

Les anciens propriétaires d'un bien exproprié peuvent en demander la rétrocession, lorsqu'ils constatent que le bien n'a pas reçu ou a cessé de recevoir la destination prévue.

La demande de rétrocession doit être faite dans les 30 ans suivant l'ordonnance de rétrocession.

La procédure peut toutefois comporter un piège dans le sens où, bien qu'il soit obligatoire de commencer par demander la rétrocession à la Commune par simple LRAR, et d'attendre sa réponse pendant deux mois avant d'intenter une action judiciaire, cette demande n'interrompt pas le délai global de 30 ans.

Ainsi, l'action judiciaire en rétrocession d’un bien exproprié doit, sous peine de prescription, être intentée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision administrative de rejet de la demande par l’expropriant, et dans un délai global de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation.

Il sera donc nécessaire d'anticiper toute demande de rétrocession.

Pour plus de détails, je vous invite à consulter mon article au sein de la revue L'Essentiel Droit de l'Immobilier et urbanisme - LEXTENSO du mois de Novembre 2024 (à paraitre)

6) Cass., 3e civ., 19 septembre 2024 n°23-19.783 

Expropriation

Dans l'hypothèse d'une expropriation, et en absence d'accord amiable, le juge peut être amené à fixer l'indemnité.

Pour ce faire, le juge va prendre en considération différents critères tels que la localisation du bien ou encore les prix sur le marché immobilier. 

La pratique est alors de fournir au juge des éléments de comparaison tels que des références à des actes de mutation de biens immobiliers similaires, et/ou situés dans le même rayon géographique.

Si le juge apprécie souverainement les éléments fournis, il ne manque pas de rappeler que ces éléments doivent pouvoir être débattus contradictoirement par les parties.

Ainsi, même s'il est admis que les parties peuvent se contenter d'indiquer les seules références de publications des actes de mutation, elles devront tout de même s'assurer que les actes sont accessibles au public.

7) CE, 3 octobre 2024, Société Salis c/ Préfet du Val-de-Marne, n° 491297

Expropriation

En cas d'expropriation, l'arrêté préfectoral déclarant une ou plusieurs parcelles cessibles (dernière étape de la phase administrative) doit être notifié à chaque propriétaire concerné. Les propriétaires disposent alors de deux mois à compter de la notification individuelle pour contester cet arrêté devant le Tribunal Administratif.

L'arrêté préfectoral de cessibilité ne doit être notifié qu'aux propriétaires, et non aux éventuels locataires d'un bien exproprié.

Cette absence de notification individuelle ne prive pas le locataire de la possibilité de contester l'arrêté de cessibilité devant le juge administratif. 

Celle-ci emporte simplement comme conséquence que le délai de recours contentieux du locataire, à la différence des propriétaires, commencera à courir à compter de la publication régulière de l'arrêté préfectoral.

Pour plus de détails, je vous invite à consulter mon article au sein de la revue L'Essentiel Droit de l'Immobilier et urbanisme - LEXTENSO du mois de Décembre 2024 (à paraître)

8) Conseil d'État, 18 octobre 2024, n°473828

Urbanisme

Un lotissement est une " division en propriété ou en jouissance d'une ou plusieurs unité(s) foncière(s) afin de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis". Afin de procéder à une telle division, le pétitionnaire doit demander la délivrance soit d'un permis d'aménager soit d'une déclaration préalable (en fonction du projet et de sa location).

Or, rappelons que, dans le cas d'un lotissement ayant fait l'objet d'une déclaration préalable, le Code de l'urbanisme prévoit spécifiquement que toute demande de permis de construire ultérieure sur un des lots à bâtir dudit lotissement sera, pendant 5 ans, examiné uniquement sur le fondement des règles d'urbanisme en vigueur à la date de non-opposition à la déclaration préalable. Ainsi en cas de changement des règles dans le document d'urbanisme, dans un sens défavorable au projet, celles-ci ne pourront être applicables. 

Toutefois, pour qu'une telle cristallisation des règles d'urbanisme puisse intervenir, encore faut-il que la division parcellaire ait bien été effectuée. En d'autres termes, il faut qu'un des lots issus de la division ait fait l'objet d'un transfert en propriété ou en jouissance (V. en ce sens CE, 13 juin 2022, n°452457).

Peu importe toutefois que ​​le lot destiné à être bâti n'ait pas fait l'objet d'un tel transfert. Il suffit qu'un autre lot (même non destiné à être bâti) ait été cédé.

9) CE 25 octobre 2024, Société Omnium de Constructions Développements Locations (OCDL), n°487824 

Contrat public - Convention d'occupation du domaine public

Toute occupation privative du domaine public est soumise à autorisation. Celle-ci peut prendre la forme d’autorisations unilatérales (permis de stationnement ou permissions de voirie si emprise au sol) ou contractuelles, dont la plus courante est l'autorisation d'occupation du domaine public (AOT).

Il est admis que l'autorité ayant délivré une AOT doit prendre les mesures nécessaires pour en faire respecter les termes et, dans le cas contraire, y mettre fin.

Toutefois, une telle mesure ne peut prendre la forme d'une contravention de grande voirie. 

La raison en est simple : une contravention de grande voirie ne peut être prononcée qu'en cas d'occupation sans titre du domaine public ou en cas d'infraction aux dispositions légales et réglementaires prévoyant de telles poursuites (art. L2132-2 du CGPPP).

Tel n'est pas le cas d'une méconnaissance d'une autorisation d'occupation du domaine public.​​

10) CE 25 octobre 2024, n°490521 

Droit immobilier public

Le principe est qu'une commune ne peut, sans porter d'atteinte illégale au droit de propriété, ouvrir, à partir d'un terrain communal (tel qu'un espace vert), un accès à une voie privée non ouverte à la circulation publique.

Deux exceptions toutefois à ce principe : 
- la voie privée est ouverte à la circulation publique
- la Commune a recueilli le consentement des propriétaires de cette voie.

11) Cass. 3e civ., 12 septembre 2024, 23-11.543

Droit Immobilier - Prescription trentenaire

La prescription acquisitive (ou usucapion) est un mécanisme permettant de devenir le propriétaire d'un bien par l'usage.
 
Il faut ainsi arriver à prouver "une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire" du bien concerné.

Un acte notarié qui constate cette possession peut être utilisé pour revendiquer ce droit de propriété. Toutefois, il est par nature insuffisant à lui seul pour établir l'usucapion.
 
Il faudra également prouver que des actes matériels de possession sont intervenus pendant 30 ans, comme l'entretien du bien.

12) Cass. 3e civ., 10 octobre 2024, n° 23-17.458

Droit Immobilier - Prescription trentenaire

La prescription acquisitive (ou usucapion) est un mécanisme permettant de devenir le propriétaire d'un bien par l'usage.

Il faut ainsi arriver à prouver "une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire" du bien concerné.

Un acte notarié qui constate cette possession peut être utilisé pour revendiquer ce droit de propriété. Toutefois, il est par nature insuffisant à lui seul pour établir l'usucapion.

Si l'acte notarié n'est pas suffisant, des témoignages quant à l'existence d'actes matériels de possession pourront être versés par le demandeur.

Il appartiendra alors au juge d'en apprécier la valeur probante afin de prononcer l'acquisition de la propriété par prescription trentenaire.

13) Cass. 3e civ., 24 octobre 2024, n°23-16.882

Droit Immobilier - Prescription trentenaire

La prescription acquisitive (ou usucapion) est un mécanisme permettant de devenir le propriétaire d'un bien par l'usage.

Il faut ainsi arriver à prouver "une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire" du bien concerné.

La preuve d'une telle possession passe notamment par des actes matériels de possession sur le ou les parcelle(s) revendiquée(s) (exemple : entretien du bien).

Peu importe que cette personne ait eu conscience, pendant toutes ces années, de ne pas être propriétaire desdites parcelles.

Ceci n'exclut pas l'acquisition par prescription dans la mesure où le possesseur a accompli des actes matériels de possession, et s'est conduit comme le propriétaire pendant 30 ans.

14) Cons. const., 18 octobre 2024, n° 2024-1109 QPC

Urbanisme

Depuis 2023, l’article L. 372-1 du Code de l'environnement prévoit que les  clôtures implantées dans certaines zones délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme ou dans les espaces naturels doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. ​Pour ce faire, les clôtures doivent respecter certaines caractéristiques (hauteur, distance par rapport au sol, etc.)

Le Code de l'environnement va encore plus loin en prévoyant que les clôtures existantes doivent, sauf exceptions, être mises en conformité avant le 1er janvier 2027.
 
Cette obligation de mise en conformité a toutefois été jugée conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel.​​

Pour plus de détails, je vous invite à consulter mon article au sein de la revue L'Essentiel Droit de l'Immobilier et urbanisme - LEXTENSO du mois de Décembre 2024 (à paraître)

15) Cass. 3e civ., 24 octobre 2024, n°23-16.882

Droit Immobilier - Bail d'habitation

Lorsqu'un locataire est âgé de plus de 65 ans, il possède un droit au renouvellement de son contrat de bail lorsque ce dernier arrive à son échéance, si et seulement si ses revenus sont inférieurs à un certain montant.
 
Afin de vérifier si le locataire est effectivement protégé en cas de congé délivré par le propriétaire, le montant de ses ressources doit être apprécié à la date de notification du congé.
 
Seront alors prises en compte pour le calcul de ce montant les ressources perçues par le locataire sur les 12 mois précédent la délivrance du congé.
 
Précisons toutefois que, même dans cette hypothèse, il existe des cas dans lesquels le bail peut ne pas être renouvelé, comme par exemple lorsque le propriétaire a également plus de 65 ans et/ou s'il a des ressources inférieurs à un certain montant.