Cette loi modifie les règles applicables aux majeurs protégés par des dispositions d'application immédiate (c'est à dire au 25 mars 2019) ou différées en 2020  ou soumise à la publication d'un décret d'application ou d'un nouveau texte.

I - Dispositions d'applications immédiates :

En l’absence de disposition portant entrée en vigueur différée des dispositions, elles ont vocation à s’appliquer dès le lendemain de la publication de la loi,

Ces modifications s'appliquent y compris aux requêtes dont le juge a été saisies mais pour lesquelles il n’a pas encore statué.

Ces requêtes pourraient ainsi utilement faire l’objet d’une ordonnance de non-lieu à statuer sur autorisation ou d’un courrier informant la personne chargée de la protection des biens du majeur du changement de législation.

  1. Le droit de vote article L 5 du Code électoral :

L’article 11 prévoit l’abrogation immédiate de l’article L5 du code électoral et interdit dorénavant de priver les majeurs en tutelle de leur droit de vote.

Il permet aux majeurs qui en ont été privés préalablement d’être de nouveau titulaires de ce droit, dès l’entrée en vigueur de la loi.

Les majeurs en tutelle pourront bénéficier de la dérogation édictée à l’article L. 30-5° du code électoral et s’inscrire sur les listes jusqu’au 16 mai 2019, sous réserve de justifier qu’ils ont recouvré leur droit de vote.

Il institue un nouvel article L.72-1 du code électoral pour déterminer qui peut recevoir procuration électorale de la part de la personne protégée, tendant à exclure les tuteurs professionnels (mais non les tuteurs familiaux).

L’article 11 s’applique aux personnes qui bénéficient d’une mesure de tutelle à la date de publication de la loi ainsi qu’aux instances en cours à cette même date. Les autres dispositions du jugement prononçant ou renouvelant la mesure de tutelle continuent de s’appliquer sans autre formalité.

2 .Les règles applicables au changement de régime matrimonial :

L’article 8 de la loi modifie l’article 1397 du code civil pour simplifier les règles relatives au changement de régime matrimonial.

Cette modification a une incidence sur les règles applicables aux majeurs protégés.

Un devoir d’information est créé au profit du représentant du majeur protégé afin que celui-ci puisse exercer le droit d’opposition directement et sans autorisation du juge des tutelles.

3 . Subsidiarité entre les mesures de protection : articles 431  et 483 du code civil, 494-1, 494-3 et 494-5 du code Civil :

La loi élargit l’habilitation familiale aux situations d’assistance.

Elle instaure une passerelle pour permettre au juge saisi d’une demande de mesure de protection judiciaire de désigner une personne habilitée s’il estime qu’une habilitation familiale est plus adaptée à la situation de la personne protégée ou, à l’inverse, de prononcer une curatelle ou une tutelle s’il estime que l’habilitation familiale ne répond pas au besoin de protection d’un majeur.

4 . Le mariage, le PACS  article 462 du Code Civil (PACS) et articles 63, 173 et 175 du Code Civil (mariage) :

Le mariage ou le Pacs n’ont plus à être autorisés mais les personnes chargées de la mesure de protection auront la possibilité de s’y opposer si les circonstances l’exigent.

L’article 1399 du code civil est modifié pour permettre à la personne chargée de la mesure de protection d’être autorisée à conclure seule une convention matrimoniale pour préserver les intérêts du majeur protégé.

Si une mesure de protection est déposée ou en cours, la demande en divorce ne peut être examinée qu'après l'intervention du jugement se prononçant sur la mise en place de la mesure.

Néanmoins le Juge Aux Affaires Familiales peut prendre les mesures provisoires prévues par les articles 254 et 255 du code Civil.

Il s'agit des mesures accessoires provisoires : autorisation de résidence séparée, attribution du logement, propositions concernant la gestion du patrimoine, et toutes les mesures concernant les enfants.

5 . Mesure de protection judicaire et mandat de protection future articles 428 et 483 du code civil :

La mise en place d'une mesure de protection n'interviendra que si le mandat de protection futur ou les règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux ne peuvent pas être mises en œuvre.

Il s'agit de faire prévaloir ces dispositions sur la mise en place d'une mesure de protection.

6 .Le régime de l'absence articles 113 et 116 du code Civil :

La gestion des biens des personnes absentes peut être fixée selon les règles plus souples de l’habilitation familiale.

7. Suppression des autorisations préalables pour certains actes de nature patrimoniale :

Le tuteur ou le curateur peut dorénavant ouvrir un compte bancaire dans la banque du majeur, clôturer un compte ouvert en cours de mesure, procéder à des placements de fonds sur un compte, inscrire dans le budget la rémunération des administrateurs particuliers, conclure un contrat pour la gestion de valeurs mobilières, recourir à un partage amiable (hors hypothèses d’opposition d’intérêts), accepter purement et simplement une succession ou souscrire une convention-obsèques.

L’autorisation préalable du juge ne sera plus nécessaire pour les actes suivants :

L’ouverture des opérations de partage amiable en matière de succession et d’indivision :

L’autorisation préalable du juge pour recourir à un partage amiable, qui est devenu le principe légal depuis la réforme de 2006, est supprimée.

Seule l’approbation du partage amiable demeure soumise à l’autorisation du juge, ce qui maintient le contrôle du juge uniquement lorsque l’intérêt du majeur doit être apprécié.

 L’acceptation pure et simple d’une succession bénéficiaire, dès lors que ce caractère est attesté par le notaire. L’intervention d’un notaire, officier public et ministériel assermenté, débiteur d’une obligation de conseil renforcée à l’égard du majeur, suffit à garantir les intérêts du majeur protégé.

8 .Inventaire et compte de gestion des majeurs protégés :

Des modifications importantes sont apportées aux articles 486, 503, 511, 512, 513, 514 du code civil et un article 513-1 du Code Civil est créé.

Le mandataire chargé de l'administration des biens de la personne protégée fait établir un inventaire lors de l'ouverture avec une actualisation en cours de mandate (inchangé)

Il établit annuellement un compte de gestion qui est vérifié selon les modalités de l'article 512 du code Civil.

Article 512 du code Civil :

"Pour les majeurs protégés, les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement par le subrogé tuteur lorsqu'il en a été nommé un ou par le conseil de famille lorsqu'il est fait application de l'article 457. Lorsque plusieurs personnes ont été désignées dans les conditions de l'article 447 pour la gestion patrimoniale, les comptes annuels de gestion doivent être signés par chacune d'elles, ce qui vaut approbation. En cas de difficulté, le juge statue sur la conformité des comptes à la requête de l'une des personnes chargées de la mesure de protection.

Par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsque l'importance et la composition du patrimoine de la personne protégée le justifient, le juge désigne, dès réception de l'inventaire du budget prévisionnel, un professionnel qualifié chargé de la vérification et de l'approbation des comptes dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Le juge fixe dans sa décision les modalités selon lesquelles le tuteur soumet à ce professionnel le compte de gestion, accompagné des pièces justificatives, en vue de ces opérations.

En l'absence de désignation d'un subrogé tuteur, d'un co-tuteur, d'un tuteur adjoint ou d'un conseil de famille, le juge fait application du deuxième alinéa du présent article."

(attention entrée en vigueur de l'aninéa 2 différée voir plus loin)

L'inventaire des biens meubles est transmis au juge des tutelles dans les 3 mois de l'ouverture de la tutelle et dans les 6 mois pour les autres biens avec le budget prévisionnel.

Lorsque le juge l'estimera nécessaire il pourra, dès l'ouverture de la mesure de tutelle, désigner un commissaire-priseur, un huissier de justice ou un notaire pour procéder à l'inventaire des biens meubles corporels.

Les frais seront à la charge de la personne protégée.

En cas de retard dans la transmission de l'inventaire le juge des tutelles pourra désigner un commissaire-priseur, un huissier de justice ou un notaire pour procéder à l'inventaire des biens meubles corporels, mais les frais seront alors à la charge du tuteur.

L'ancien article 511 du code Civil est réécrit et ses dispositions ne concernent que les mineurs sous tutelles.

Ce sont désormais les dispositions du nouvel article 512 du code Civil qui s'appliquent.

L'article 513 du Code Civil est entièrement réécrit et un article 513-1 du Code Civil est créé.

Désormais le juge peut, par dérogation aux dispositions des articles 510 à 512 du code Civil, peut décider de dispenser le tuteur de soumettre le compte de gestion à approbation en raison de la modicité des revenus ou du patrimoine de la personne concernée.

Lorsque la mesure n'a pas été confiée à un mandataire judiciaire de la protection des majeurs le juge peut également les dispenser d'établir un compte de gestion.

Le nouvel article 513-1 du code Civil précise les modalités d'intervention de la personne chargée de vérifier les comptes.

Lorsque sa mission prend fin, le tuteur établit un compte de gestion des opérations intervenues depuis l'établissement du dernier compte et non plus du dernier compte annuel.

Le principe devient le contrôle par le subrogé tuteur, le cas échéant par le conseil de famille ou à défaut par les personnes désignés en vertu de l’article 447 pour la gestion patrimoniale (cotuteurs) pour exercer la mesure de protection. Ce contrôle, gratuit par principe lorsque les organes sont des proches de la personne, sera applicable immédiatement et sans décision spéciale du juge, pour les comptes établis après l’entrée en vigueur de la loi.

En l’absence de désignation d’un subrogé tuteur, d’un co-tuteur, d’un tuteur adjoint ou d’un conseil de famille et lorsque les conditions d’une dispense de vérification des comptes ne sont pas réunies, le juge devra, pour les nouveaux dossiers ouverts à compter de l’entrée en vigueur de la loi, désigner un technicien dans les conditions de l’actuel article 513 du code civil jusqu’à l’entrée en vigueur du deuxième alinéa de l’article 512 du même code, qui est  reportée à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2023.

Cette disposition permet de maintenir le contrôle par les directeurs des services de greffe judiciaires jusqu’à cette date lorsqu’un contrôle interne n’est pas possible, ni une dispense de comptes.

Les comptes établis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi restent soumis à la vérification du directeur des services de greffe judiciaires, qui peut continuer à se faire assister d’un huissier de justice pour apurer le stock.

Le juge peut, comme aujourd’hui, désigner un technicien dans les conditions de l’actuel article 513 du code civil pour apurer ce stock.

9 . Obligation de réviser les mesures de protection :

Le texte assouplit l’obligation de réviser les mesures prononcées pour une durée comprise entre 10 et 20 ans entre le 1er janvier 2009 et le 16 février 2015.

Les renouvellements obligatoires sont donc limités aux mesures prononcées au cours de cette période pour plus de 20 ans lorsqu’un certificat établissait à l’époque du renouvellement qu’aucune amélioration n’était possible.

 

II – Dispositions dont l'entrée en vigueur est différée à une date précise :

A - Entrée en vigueur au 1er janvier 2020 :

  1. Modification des articles 495-7 et 498 du code civil. 

L’article 9-I-3°-b de la loi  permet aux préposés d’établissements publics de gérer les comptes bancaires hors de l’application des règles de la comptabilité publique,

2 .Création d'une nouvelle juridiction : le juge des contentieux de la protection (article 95 de la loi)

Dans le cadre de la refonte des Tribunal d'Instance et Tribunal de Grande Instance en un nouveau Tribunal Judiciaire, création d'une juridiction spécialisée.

 

B - Entrée en vigueur au 1er septembre 2020 :

Le divorce accepté, article 233 du Code Civil est désormais ouvert aux majeurs protégés.

La rédaction de l'article 233 sera la suivante :

"Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci.

Il peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsque chacun d'eux, assisté d'un avocat, a accepté le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats, qui peut être conclu avant l'introduction de l'instance.

Le principe de la rupture du mariage peut aussi être accepté par les époux à tout moment de la procédure.

L'acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel"

 

III – Dispositions dont l’entrée en vigueur nécessite un texte complémentaire

1.         En matière de santé :

L’intervention du juge est limitée aux cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne en charge de sa protection.

La décision du juge porte sur la désignation de la personne apte à consentir à l’acte médical et non sur l’autorisation de l’acte.

Les cas d’urgence restent exclus.

L’accès aux soins est ainsi facilité, les règles n’étant claires ni pour les majeurs protégés, ni pour les tuteurs, ni pour les médecins.

La notion d’acte médical grave n’a jamais pu être définie.

Une ordonnance sera prise dans un délai d’un an pour articuler les dispositions du code civil, du code de la santé publique et du code de l’action sociale et des familles.

2 . L’article 9-I-4° de la loi institue une évaluation sociale pluridisciplinaire de la situation du majeur à protéger en cas de saisine du procureur, hors les cas de saisine familiale.

L’entrée en vigueur de la loi est soumise à la définition par voie réglementaire de la nature et des modalités de recueil des informations ; un décret va donc être pris pour encadrer cette évaluation et préciser son contenu, il sera rédigé conjointement par le ministère de la justice et le ministère des solidarités et de la santé.

3 .Un décret tendant à harmoniser le traitement procédural des requêtes aux fins de mise sous protection doit intervenir à court terme.

Toutefois, dès l’entrée en vigueur de la loi, le juge pourra prononcer l’une ou l’autre des mesures, en fonction de la situation et des besoins du majeur.