La téléconsultation s’est imposée comme l’une des évolutions majeures du secteur de la santé, offrant aux patients la possibilité d’obtenir un diagnostic ou une prise en charge à distance. Au fil des réformes et des retours d’expérience, il apparaît que cette consultation dématérialisée peut, sous certaines conditions, se traduire par la délivrance d’un arrêt de travail. Si cette perspective simplifie la vie de nombreux assurés, elle soulève également des questions quant à la légitimité d’un examen médical effectué sans contact physique direct. Faut-il considérer que la téléconsultation permet d’établir un diagnostic suffisamment fiable ? Comment l’employeur ou la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) réagissent-ils face à ce nouveau mode de prescription ? Cet article tente de répondre de manière approfondie à ces interrogations, en mobilisant les textes juridiques et en insistant sur la nécessité d’une démarche rigoureuse de la part du professionnel de santé.

 


L’essor de la téléconsultation et sa reconnaissance juridique

À la faveur d’initiatives publiques et d’évolutions législatives, la téléconsultation est désormais reconnue par le Code de la Santé Publique. Elle s’inscrit dans une volonté de modernisation de l’offre de soins et de réduction des inégalités territoriales. Dès lors, le législateur a établi un cadre pour assurer la confidentialité des échanges et la fiabilité des échanges médicaux à distance. Le médecin ou autre professionnel habilité (chirurgien-dentiste, sage-femme, etc.) doit s’assurer que la plateforme utilisée est sécurisée, que l’identité du patient est vérifiée et que la qualité de la connexion permet un échange satisfaisant.

 

Article L.1110-4 du Code de la Santé Publique, relatif aux droits des patients et au secret médical, s’applique tout autant à la téléconsultation qu’à une séance en cabinet. Le praticien est tenu de recueillir l’accord du patient sur ce mode d’exercice et de l’informer des limites inhérentes à l’absence d’examen clinique en présentiel.

 


Peut-on réellement prescrire un arrêt de travail à distance ?

Fondement légal et étendue du droit de prescription

Les dispositions qui autorisent la délivrance d’un arrêt de travail ne se limitent pas aux consultations en face-à-face. En effet, la loi ne restreint pas la forme que doit prendre l’examen médical, mais exige une évaluation appropriée de la condition du patient. Ainsi, un médecin, un chirurgien-dentiste, voire dans certains cas une sage-femme, peuvent, à la suite d’une téléconsultation, estimer qu’il est nécessaire de mettre l’intéressé en repos. Cette décision doit s’inscrire dans le champ de compétence du professionnel et se justifier par des éléments cliniques.

 

Analyse clinique et bonnes pratiques

Pour que l’arrêt de travail repose sur une base solide, le praticien doit :

 

  1. Questionner le patient de façon exhaustive : antécédents personnels, symptômes ressentis, contexte professionnel.
  2. Utiliser des outils complémentaires : photographies de la zone concernée, compte rendu d’examens antérieurs, parfois l’avis d’un autre confrère en cas de doute.
  3. Fixer la durée de l’arrêt en adéquation avec la pathologie suspectée, en étant prêt à expliquer sa démarche auprès du service de contrôle médical de la CPAM ou du médecin-conseil.

Quelles obligations administratives pour l’assuré ?

Transmission de l’arrêt à la CPAM

Lorsque l’arrêt de travail est prescrit à distance, il doit être remis ou envoyé au patient dans un format permettant de l’imprimer ou de le transmettre à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie dans le délai imposé (48 heures en général). Le patient renvoie alors les volets respectifs, de la même manière qu’il le ferait après une consultation en cabinet. Le respect de ce formalisme conditionne l’ouverture des droits aux indemnités journalières.

 

Risques de contestation et pièces justificatives

L’employeur ou la CPAM peuvent remettre en question la pertinence de la prescription, en particulier si l’acte téléconsulté semble insuffisant pour fonder un diagnostic. Dans ce cas, le patient ou le professionnel doivent être en mesure de justifier la cohérence de l’arrêt. Il peut s’agir :

 

  • D’un compte rendu de téléconsultation, mentionnant la symptomatologie décrite et les motifs qui ont conduit à la délivrance de l’interruption.
  • D’éventuelles analyses (biologiques, radiologiques) communiquées par le patient lors de l’entretien.
  • D’une échange avec le médecin-conseil, si celui-ci requiert des éclaircissements.

Contrôle du service médical et saisine du tribunal

Visite de contrôle

La CPAM peut diligenter un contrôle à domicile ou inviter l’assuré à se présenter devant un médecin-conseil. Ce dernier apprécie la validité de l’arrêt de travail eu égard à la pathologie déclarée. Si le contrôle conclut à l’inadéquation de l’arrêt, les indemnités peuvent être interrompues et le salarié est tenu de reprendre son poste.

 

Recours possible

En cas de désaccord, l’assuré peut saisir la commission de recours amiable. À défaut d’entente, il se tourne vers la juridiction compétente, généralement le pôle social du tribunal judiciaire. Le professionnel ayant prescrit l’arrêt peut être sollicité pour expliquer les raisons médicales soutenant sa décision. Il doit alors détailler la façon dont il a usé de la téléconsultation pour poser un diagnostic suffisant, compte tenu des outils à sa disposition.

 


Limites et recommandations pratiques

Pertinence de la téléconsultation

Tous les cas ne se prêtent pas à un examen virtuel. Lors de suspicions de pathologies complexes ou nécessitant un examen clinique approfondi, la téléconsultation peut se révéler inadaptée. Le Code de la Santé Publique impose au praticien de respecter la sécurité du patient. Ainsi, si l’évaluation à distance ne permet pas de garantir un diagnostic fiable, le médecin ou le chirurgien-dentiste doit recommander une consultation en personne.

 

Confidentialité et sécurité des données

Le professionnel est tenu d’employer un outil garantissant la sécurité des échanges. Les plateformes de téléconsultation doivent justifier d’un chiffrement des données et d’un hébergement agréé pour les données de santé. Toute négligence dans ce domaine pourrait mettre en jeu la responsabilité du praticien.

 


Conclusion : un arrêt maladie légitime si bien encadré

La téléconsultation, reconnue et intégrée au Code de la Santé Publique, ouvre la voie à la délivrance d’un arrêt de travail, dès lors que le praticien détient suffisamment d’éléments pour fonder son diagnostic. Au-delà du respect des formalités administratives (transmission des volets à la CPAM, justification auprès du médecin-conseil), il faut veiller à ce que le patient bénéficie d’un examen virtuel suffisamment complet. L’entretien doit être mené avec rigueur, le praticien demeurant soucieux de ses obligations déontologiques et légales.

 

Lorsqu’elle est menée dans un cadre sécurisé et accompagnée d’un dossier médical cohérent, la téléconsultation constitue un complément appréciable à la pratique traditionnelle, améliorant l’accessibilité aux soins pour les individus éloignés ou empêchés. Au final, la légitimité d’un arrêt maladie prescrit à distance repose moins sur la modalité de consultation que sur la qualité et la sincérité du diagnostic. Sans ce socle, le risque de contestation demeure, exposant autant l’assuré à une interruption de ses droits que le professionnel à une mise en cause de sa responsabilité.

 

 

 

 

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