Dans une décision n°474812 en date du 20 décembre 2024 concernant une circulaire du ministre de l’éducation nationale, le Conseil d’Etat a reconnu la légalité de l’interdiction de recourir à certaines modalités de l’écriture inclusive (et notamment le point médian).
Plus précisément, une circulaire du ministre de l’éducation nationale intitulée « Règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et les pratiques d’enseignement » a été édictée le 5 mai 2021.
Dans cette circulaire, le ministre indiquait notamment que dans le cadre de l’enseignement scolaire, il était nécessaire d’éviter l’usage et l’enseignement de certaines modalités de l’écriture dite inclusive, et notamment le point médian.
Selon la circulaire du ministre, ces aspects de l’écriture inclusive modifient le respect des règles d’accords usuels attendues dans le cadre des programmes d’enseignement.
Cette même circulaire préconisait l'usage de la féminisation des métiers et des fonctions, et recommandait que le choix des exemples ou des énoncés en situation d'enseignement respecte l'égalité entre les filles et les garçons, tant par la féminisation des termes que par la lutte contre les représentations stéréotypées.
Un parent d’élève a demandé au ministre d’abroger cette circulaire. Cette demande a donné lieu à une décision implicite de rejet.
Le parent d’élève a alors saisi le Conseil d’Etat, compétent en premier et dernier ressort, d’une requête tendant à l’annulation du refus implicite d’abrogation, à ce qu’il soit enjoint au ministre d’abroger ladite circulaire et, à titre subsidiaire, de renvoyer à la CJUE un certain nombre de questions préjudicielles.
Au soutien de sa requête, le parent d’élève faisait valoir que l’interdiction de recourir à l’écriture inclusive méconnaissait le principe d’égal accès à l’instruction, le droit à l’instruction ainsi que le droit des parents à l’instruction de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.
Ces moyens ont tous été écartés par le Conseil d’Etat, dès lors que l’interdiction faite aux enseignants de recourir à l’écriture inclusive vise à faciliter l’acquisition de la langue française, de la lecture et à favoriser l’égalité des chances entre tous les élèves.
Le Conseil d’Etat précise également que les prescriptions de la circulaire « ne s’appliquent que dans le cadre de l’enseignement scolaire et ne prônent en rien l’inégalité entre les sexes », de telle sorte qu’elles « ne méconnaissent pas plus le droit des parents à l’instruction de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ».
Le requérant soutenait aussi que la circulaire en cause porterait atteinte à la liberté de conscience des enseignants ou des élèves. Le Conseil d’Etat écarte ce moyen en indiquant que la circulaire, qui « se borne à prescrire l’emploi dans l’enseignement de la version communément admise de la langue française », ne méconnaît pas cette liberté.
Le parent d’élève exposait en outre que la circulaire méconnaissait la liberté d’expression des élèves et des enseignants. Sur ce point, le Conseil d’Etat juge que « l’obligation faite aux élèves et enseignants de s’exprimer, par écrit, dans le cadre de l’enseignement scolaire, en respectant certaines règles grammaticales et syntaxiques ne saurait être regardée comme portant atteinte » à cette liberté.
Le requérant faisait par ailleurs valoir que la circulaire serait contraire au droit au respect de la vie privée des « élèves femmes et appartenant aux minorités de genre ».
Pour écarter ce moyen, le Conseil d’Etat expose qu’en « se bornant à demander aux élèves et enseignants d’appliquer, dans le cadre de l’enseignement scolaire, les règles d’accords communément admises dans la langue française, dont celle dite du « masculin générique », et à proscrire d’autres règles d’accords ou les graphies recourant à la fragmentation des mots », la circulaire ne porte pas atteinte à cette liberté.
Le parent d’élève ajoutait que la circulaire serait contraire à l’article 1er de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, selon lequel « L’Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée ».
Pour le Conseil d’Etat, « cette loi ne comporte aucune disposition relative à l’écriture de la langue française qui aurait été méconnue par la circulaire en litige » et le moyen est donc écarté.
Le Conseil d’Etat précise que la circulaire n’emporte pas non plus une méconnaissance des principes d’égalité et de non-discrimination lorsqu’elle enjoint « aux enseignants de féminiser systématiquement l’intitulé des fonctions tenues par une femme, de recourir à des formulations ne marquant pas de préférence de genre ou encore de lutter contre les représentations stéréotypées par le choix des exemples et des énoncés dans le cadre de l’enseignement », et ce « quand bien même elle proscrit l’usage de l’écriture dite « inclusive ».
Au final, le Conseil d’Etat rejette la requête sans qu’il soit besoin de saisir la CJUE de questions préjudicielles compte tenu de l’absence de difficultés sur l’interprétation du droit de l’Union européenne.
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