La Cour étend la protection de l'article 8 à une détérioration anormale des conditions de vie résultant de la construction d'un immeuble, en violation des règles d'urbanisme, à proximité immédiate (moins de 2 mètres) de l'appartement de la requérante.
Celui-ci, situé en rez de chaussée, s'est vu priver de lumière naturelle et d'aération et transformé, selon les experts, « en sous-sol » où « il était impossible de vivre normalement ou même de lire quoi que ce soit sans éclairage artificiel » (§ 67). L'intérêt de l'arrêt est de faire application en matière d'urbanisme des règles issues de la jurisprudence environnementale de la Cour à propos de nuisances sonores, d'émissions nauséabondes ou de risques environnementaux tenant à des activités dangereuses. Appréhendant le domicile comme le « lieu, l'espace physiquement déterminé où se développe la vie privée et familiale », la Cour rappelle que le droit au respect de son domicile est non seulement « le droit à un simple espace physique » mais aussi « à la jouissance, paisible dudit espace », à l'abri d'atteintes tant matérielles ou corporelles que « immatérielles ou incorporelles, telles que les bruits, les émissions, les odeurs ou autres ingérences » (§ 56. - CEDH, 16 nov. 2004, n° 4143/02, Moreno Gomez c/ Espagne, § 53 : GACEDH, n° 48).
Ainsi compris le droit au respect du domicile protège l'environnement de la vie privée et familiale, sous réserve, toutefois, que les nuisances atteignent un seuil élevé de gravité pour constituer une violation de l'article 8, et fait obligation à l'État partie d'adopter des mesures positives, y compris dans le cadre des relations interindividuelles, pour protéger les individus contre des atteintes graves à leur environnement. En l'espèce, eu égard notamment à « la vulnérabilité de la requérante en tant que personne âgée qui passe beaucoup de temps à l'intérieur » et au fait qu'elle « lit beaucoup », la Cour estime que « le manque de lumière naturelle et de ventilation impose à sa vie quotidienne une épreuve encore plus grande que ce à quoi on s'attendrait normalement » (§ 69) et considère que la construction de l'immeuble litigieux a eu un « effet si négatif sur sa vie quotidienne et son bien-être » qu'elle a « atteint le niveau de gravité nécessaire pour que l'article 8 soit applicable » (§ 70). Constatant que la ville de Belgrade a délivré l'autorisation de construire en ignorant toutes les demandes de révision de la distance d'implantation du nouvel immeuble ainsi que la demande de l'inspecteur de l'urbanisme de réviser le plan d'urbanisme, la Cour juge que l'État a méconnu son « obligation positive d'assurer le droit de la requérante au respect de son domicile et de sa vie privée » (§ 71). L'arrêt Dordevic prend ainsi place parmi les arrêts peu nombreux ayant constaté une violation de l'article 8 en matière environnementale pour manquement de l'État partie à ses obligations positives substantielles (CEDH, 14 oct. 2021, n° 75031/13 et a., Kapa et a. c/ Pologne : JurisData n° 2021-018207).
Précisons que la Cour conclut aussi à la violation du droit de propriété (art. 1, Prot. n°1) de la requérante pour avoir subi « une charge individuelle excessive » du fait de l'absence d'indemnisation du préjudice financier résultant de la diminution de 20% de la valeur vénale de son appartement. (CEDH, 7 oct. 2025, n°11212/23, Dordevic c/ Serbie -La Semaine Juridique Edition Générale n° 43-44, 27 octobre 2025, act. 1201-Frédéric Sudre professeur émérite, université de Montpellier.)


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