Si les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre

 

Cour de cassation - Chambre civile 2

  • N° de pourvoi : 22-18.353
  • ECLI:FR:CCASS:2024:C201195
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Annulation

Audience publique du jeudi 12 décembre 2024

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, du 29 avril 2022

Président

Mme Martinel (président)

Avocat(s)

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Piwnica et Molinié

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 décembre 2024




Annulation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1195 F-D

Pourvoi n° D 22-18.353






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024


M. [R] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-18.353 contre l'arrêt n° RG : 21/17450 rendu le 29 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à la société Eiffage énergie système - Clemessy services, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Clemessy services, défenderesse à la cassation.

Partie en intervention volontaire :

Le Conseil national des barreaux (CNB), dont le siège est [Adresse 1].

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Eiffage énergie système - Clemessy services, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Conseil national des barreaux (CNB), et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 avril 2022), par déclaration d'appel du 26 février 2018, M. [J] a relevé appel d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes, dans un litige l'opposant à la société Eiffage énergie système - Clemessy services, anciennement dénommée Clemessy services, venant aux droits de la société Eiffel industrie.

2. Par une ordonnance du 26 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire du Conseil national des barreaux contestée en défense

3. Il résulte des articles 327 et 330 du code de procédure civile que les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie, et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir cette partie.

4. Le Conseil national des barreaux ne justifiant pas d'un tel intérêt, son intervention volontaire n'est pas recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [J] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle avait déclaré l'instance d'appel périmée, alors « que les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance, une fois leurs conclusions déposées et leurs pièces communiquées dans les délais impartis par les articles 908 et suivants du code de procédure civile, de sorte que le délai de péremption se trouve suspendu ; qu'en retenant, pour juger l'instance périmée, que lorsque, comme en l'espèce, le conseiller de la mise en état n'a pas fixé de date de clôture et de plaidoiries ni établi un calendrier de nouveaux échanges, les parties doivent néanmoins accomplir des diligences pour faire avancer l'affaire ou obtenir la fixation de la date des débats, peu important l'encombrement du rôle, ce que n'avait pas fait M. [J], appelant, dans les deux ans ayant suivi le dépôt des conclusions de la partie intimée, la cour d'appel a violé les articles 2, 3, 386 et 912 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Aux termes du troisième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

8. Selon le quatrième de ces textes, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. Selon le cinquième, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

10. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.

11. Depuis un arrêt du 7 mars 2024, procédant à un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation juge désormais qu'il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière (2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.475, publié).

12. Pour confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle avait déclaré l'instance d'appel périmée, l'arrêt relève qu'aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties durant deux années à compter des dernières conclusions récapitulatives et responsives en date du 22 novembre 2018 de l'appelant et l'avis de clôture et de fixation des plaidoiries notifié aux parties le 25 janvier 2021.

13. Si c'est conformément à l'état du droit antérieur à l'arrêt du 7 mars 2024 que la cour d'appel en a déduit que la péremption était acquise, il y a lieu à annulation de l'arrêt attaqué en application de ce revirement de jurisprudence.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

DIT irrecevable l'intervention volontaire du Conseil national des barreaux ;

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Eiffage énergie système - Clemessy services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du douze décembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.ECLI:FR:CCASS:2024:C201195

Publié par ALBERT CASTON à 15:50  

Envoyer par e-mail BlogThis! Partager sur X Partager sur Facebook Partager sur Pinterest

Libellés : péremption Procédure revirement de jurisprudence