Le tribunal administratif de Bastia vient de rendre une décision intéressante pour qui s’intéresse aux règles de procédure particulières en droit de l’urbanisme (Tribunal administratif de Bastia, 10 avril 2025, Commune de Penta-di-Casinca, n° 2200522).

Autrement dit, cette décision doit intéresser toutes les mairies qui seront amenées à refuser des demandes de permis de construire tout en sécurisant leurs décisions.

Dans cette affaire, dont les faits sont relativement complexes, le 21 décembre 2020, un particulier a déposé une demande de permis de construire sur la commune de Penta-di-Casinca pour la réalisation d’un bâtiment situé dans un site classé.

La commune a commis une première erreur en indiquant, dans son courrier du 31 décembre 2020 portant modification du délai d’instruction, que le délai d’instruction était de trois mois.

Or, en raison de la nécessité d'une autorisation du ministre chargé des sites, ce délai était de huit mois, conformément aux prescriptions de l'article R. 423-31 du code de l'urbanisme.

A l'issue de ce délai, en l'absence de décision expresse du maire de la commune de Penta-di-Casinca sur la demande de permis de construire de M. A, une décision tacite de rejet est née.

Soucieux d’obtenir son permis, malgré cette complexité, le pétitionnaire a, par courrier du 14 février 2022, sollicité la délivrance d'un certificat prévu par les dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme ou la communication des motifs de la décision de refus de permis de construire.

La commune, considérant cette demande comme tardive, n’a pas répondu.

Le particulier demandait donc au tribunal de prononcer l'annulation de la décision tacite de rejet de sa demande de permis de construire.

Ce litige permet de rappeler aux communes qu’il est essentiel de sécuriser les procédures d’instruction et qu’il convient d’articuler :

  • Les règles d’instruction des autorisations d’urbanisme ;
  • La motivation des refus de permis de construire ;
  • Le principe de sécurité juridique.
     

Dans sa décision, le tribunal administratif de Bastia rappelé les règles en matière de motivation des décisions de rejet de permis de construire.

Ainsi, l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme précise que : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée ".

Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, il est indiqué que : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. ".

Ensuite, le tribunal a rappelé les règles en matière de délais de recours.

Aux termes de l'article R.421-2 du code de justice administrative, il est prévu que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. ()".

L’article R. 421-5 de ce code prévoit également que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

Enfin, le tribunal administratif de Bastia a rappelé la jurisprudence de principe sur le principe de sécurité juridique :

« Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ».

C’est au regard de ces différentes règles que le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision contestée, qui résulte d’une succession d’erreurs de la commune.

Et pour cause, la juridiction a estimé que :

  • Une décision portant rejet de la demande de permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées, en application des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;
  • Le pétitionnaire a sollicité la communication des motifs du rejet tacite ainsi opposé à sa demande de permis de construire déposée le 21 décembre 2020.
  • Si la commune de Penta-di-Casinca fait valoir que cette demande était tardive, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du courrier du 31 décembre 2020 portant modification du délai d'instruction que les voies et délais de recours à l'encontre de la décision tacite de rejet de sa demande de permis de construire ait été notifiées au requérant.
  • Par conséquent, le délai de recours contentieux n'étant pas opposable à M. A, la demande de communication des motifs introduite le 17 février 2022, dans le délai raisonnable d'un an suivant la naissance, le 21 août 2021 de la décision implicite de rejet de sa demande, n'est pas tardive.
  • En l'absence de communication de ces motifs dans le mois suivant cette demande, l'intéressé est fondé à soutenir que le rejet tacite de sa demande de permis de construire n'est pas motivé et qu'il doit pour ce motif être annulé.
     

Il est donc essentiel pour les services instructeurs de veiller à respecter le cadre juridique complexe existant en urbanisme.